Deux pensées fortes m’ont marqué au cours de l’année qui s’achève : Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, a écrit : <<il se peut qu’un jour une société entière tombe malade.>> La réalité est que de plus en plus d’analystes pensent qu’aujourd’hui nous sommes en train de vivre pleinement cette sombre prédiction. L’autre pensée vient du pape François : <<nous nous trouvons avec la première civilisation de l’histoire qui veut globalement organiser une société humaine sans la présence de Dieu.>>
C’est vrai que la réalité n’est pas du tout encourageante : l’augmentation des guerres, l’augmentation des migrants qui frappent à nos portes et à nos consciences, l’augmentation de la violence, des affrontements sociaux et politiques, la pauvreté galopante, les prix qui montent en flèche, la sécheresse extrême, la planète qui se révolte, la corruption, etc. Face à ce panorama que nous ne pouvons ignorer : est-il encore possible aujourd’hui de parler d’espérance sans être traités de naïfs ?
Lors de la visite que j’ai faite cette année à ma famille, ce qui m’a le plus frappé dans les conversations que j’ai eues avec les gens, leurs comportements et leurs réactions…, c’est de voir comment nous nous sommes installés dans une culture, que j’appelle : ‘Culture de la Plainte et du Soupçon‘, qui fait que rien n’est limpide ; que l’on parle de Mère Teresa de Calcutta, du Pape François ou de Jésus lui-même… on trouve toujours un : <<oui, mais… >> et, donc, on se plaint de presque tout. Bien que nous ayons largement raison, il est également vrai que nous manquons d’un minimum de cohérence. Nous nous plaignons des restrictions d’eau, des prix exorbitants, de, de… mais, nous n’envisageons pas de réduire notre consommation, de mener une vie plus austère, etc., etc., et nous pensons trop souvent que ce sont les autres qui doivent changer. Par ces attitudes, nous favorisons la diffusion d’une culture porteuse de personnes toxiques, d’inaction, du négativisme et d’un constant glissement qui paralyse toute initiative : aimeriez-vous partir en week-end à la montagne avec des enfants ou des jeunes pour découvrir la nature, la biodiversité et l’effort ? << Non ! Et si quelqu’un se blessait ? Et si un moniteur était un pedo ? Il vaut mieux ne pas se compliquer la vie et rester à la maison ! >> Il y a un projet qui pourrait embellir notre village ? << Non ! Derrière cette initiative, il y a sûrement un conseiller, un parti, une entité ou une entreprise qui veut faire des affaires… >> Et ainsi de suite, un interminable etc.
En agissant de la sorte, le résultat ne peut être plus décourageant : nous nous privons de l’embellissement de notre propre personne et de notre humanité… et nous nous étonnons ensuite que cette culture de la « Plainte et du Soupçon » soit responsable d’une augmentation alarmante de la consommation de substances pour lutter contre l’anxiété, l’insomnie, la dépression, le stress et la tristesse. Le contraire de la Peur n’est ni le Courage, ni la Fermeté, mais la Confiance et l’Espérance. Tout le monde sait que la peur paralyse et bloque, alors que l’espérance et la confiance sont les stimulants les plus dynamiques pour la personne humaine. Contre la peur et la méfiance, il n’y a pas d’antidote plus puissant et contagieux que de cultiver l’espérance et la confiance et si on y ajoute la joie, nous avons la trilogie qui ne rend rien d’impossible. Il est touchant de voir que le mot le plus répété à travers les évangiles et aussi de la bouche de Jésus, est : <<Confiance>> ou son synonyme « N’ayez pas peur »; il semblerait que <<Confiance>> soit le mot de passe que Jésus nous donne afin d’avoir accès à Lui. Comment sortir de ces réactions impulsives de peur, d’inaction, de repli sur soi ? Comment sortir du tunnel ? Évidemment par un changement radical d’attitude, et je crois que Noël nous donne des pistes très claires à suivre. Si nous regardons la crèche, tous ses personnages sont des gens ordinaires, parfois anonymes ou marginaux, et s’il y a aussi des mages venus d’orient, leur réaction naturelle n’est autre que de s’agenouiller et d’adorer.
Et si nous décidions d’être une personne de plus dans cette crèche ? Si nous regardons bien tout ce qui entoure Noël et ses protagonistes, il semblerait que nous ayons entre les mains un disque rayé : Zacharie et Élisabeth : n’ayez pas peur, courage ! Ce n’est pas une question d’âge, tu n’es pas trop vieux, tu peux avoir encore un enfant : <<Ne crains pas Zacharie : ta prière a été exaucée, Élisabeth ta femme t’enfantera un fils !>> (Lc. 1, 12-13). Joseph : ne doute pas ! Marie ne te trompe pas avec un autre : <<Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : le fruit vient de l’Esprit Saint !>> (Mt. 1, 20). Marie. <<Elle fut troublée en entendant ces paroles…. Ne crains pas, Marie, Dieu t’a donné sa grâce… que ta parole s’accomplisse en moi>> (Lc. 1 :29-30,38). Les bergers. << Dans la même région, il y avait des bergers…. N’ayez pas peur ! Je vous annonce une bonne nouvelle qui réjouira tout le peuple >> (Lc.2, 9-10). Le lâche Hérode et les mages d’Orient : <<Lorsque le roi Hérode entendit les mages, il eut peur… Les mages se mirent en route, et leur joie fut grande quand ils virent l’étoile. Ils entrèrent dans la maison, virent l’enfant avec Marie sa mère, tombèrent à genoux et l’adorèrent >> (Mt, 2, 3. 9-11). Il est clair que suivre Jésus n’est pas pour les personnes effrayées, pessimistes ou paresseuses… Il me semble que c’est l’un des grands messages de Noël, qui n’a pas grand-chose à voir avec les chants de Noël, les lumières et les gourmandises. En ces temps difficiles et compliqués que nous vivons, la Bonne Nouvelle nous invite à rester debout, fermes dans la Confiance et l’Espérance : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt. 28,20). L’enfant de la crèche nous dit : << Faites-moi confiance ! Voyez comme j’ai cessé d’être le ‘Toutpuissant’ pour devenir le ‘Toutbonté’ et le ‘Toutvulnérable’. Voyez-moi, à chaque page de ma vie publique, rendre leur dignité aux malades, aux pécheurs, aux exclus, aux femmes, aux enfants, aux étrangers…, et ma salutation de Ressuscité n’est d’autre que le don de la Paix et de la Confiance.>> Et si j’ouvrais la porte et que ce Noël soit un tournant, un prélude à ce que pourrait être 2024 ? C’est avec joie que j’apprends que la devise de l’Année Sainte 2025 sera : « Pèlerins de l’Espérance ». La crèche est pour moi une invitation à commencer dès maintenant à semer, à arroser et à faire grandir cette espérance perdue et si nécessaire.
Joyeux Noël et bonne année à tous et à toutes ! Ventura