Temps de la Création

Chaque année, du 1er septembre au 4 octobre, se déroule dans le monde entier le « Temps de la Création », une initiative de prière et d’actions concrètes pour sauvegarder et protéger notre maison commune

 

Pascal Aude, frère capucin de 56 ans, vit en Algérie depuis 2017 avec quatre autres frères, à Tiaret. Ce disciple de Saint François d’Assise a aussi fait des études d’agriculture, c’est peut-être tout cela qui l’a rendu sensible à l’environnement.

Frère Pascal Aude

Depuis l’encyclique Laudato Si, l’écologie est aussi à la mode dans l’Église Catholique, comment voyez-vous cet évènement ?

C’est vrai qu’on en parle beaucoup dans les publicités, les voitures hybrides, la nourriture bio, il y une espèce d’engouement : on « peint tout en vert » mais dans l’Église c’est beaucoup plus profond. Le pape François a frappé très fort, c’est un virage conséquent de l’Église Catholique, c’est aussi un vrai sujet théologique: les trois dimensions de l’écologie sont présentes dans cette encyclique. Il ne s’agit pas seulement de l’environnement, mais encore d’une meilleure distribution des richesses, d’une plus juste répartition des biens. L’aspect socio-politique s’y trouve aussi avec le vivre ensemble, la fraternité, sans oublier la question de la pluralité :comment faire pour la vivre ? C’est l’écologie intégrale qui est proposée dans ce document, voilà qui est novateur !

Selon vous l’Église Catholique en Algérie a-t-elle pris la mesure de cette encyclique ?  Comment faire ?

L’Église en Algérie s’y met aussi peu à peu, poussée par l’Église universelle. Avant la pandémie il y avait un projet à Constantine, nous avons dû le repousser à une date ultérieure. L’Église locale n’a pas fait grand-chose pour l’anniversaire de cette encyclique en mai dernier, mais je crois que les Évêques la prennent au sérieux et qu’une commission va être mise en place. Cela implique un changement pas seulement par rapport à la création, mais aussi au plan social, politique, par exemple sur la façon dont nous traitons nos employés. La fraternité est au centre de la lettre pastorale de notre évêque1, c’est aussi une dimension de l’écologie. Ce n’est pas seulement suivre François dans ses gestes prophétiques c’est adopter une vision du monde avec les musulmans que nous côtoyons chaque jour, je crois que les choses avancent.

Que faites-vous sur ce thème avec vos frères disciples de Saint François auteur du Cantique des créatures ? Auriez-vous quelques idées pour que cette prise de conscience écologique devienne prioritaire ?

Aperçu du jardin de la communauté

Comme disciple de Saint François à Tiaret, j’ai hérité du travail des frères passés avant moi : je bénéficie de toutes les relations fraternelles qu’ils ont tissées. Nous avons un jardin où les gens viennent voir comment on fait, c’est l’occasion d’échanger et de faire connaissance avec des personnes nouvelles. Il y a des serpents, une mare, des tortues, des oiseaux, des insectes. Je travaille beaucoup au jardin avec la bio-diversité, l’énergie alternative, le travail du sol. Saint François demandait toujours de laisser intact un endroit du jardin pour donner un sens graphique et laisser la place pour quelque chose qui ne rapporte rien, une manière de poser la question du don. Saint François loue le Seigneur pour la diversité des herbes et la pluralité des fleurs, ce qui comporte une dimension politique : il considérait cette diversité comme très positive, car la vie est ainsi faite, Dieu l’a voulue ainsi.

Je me suis engagé dans une association qui travaille dans l’environnement avec une forte composante pédagogique, au service des enfants et dans le milieu scolaire. Comment apprécier le vivant, le soigner, le composter c’est une dimension inclusive et on essaie d’intéresser des enfants handicapés, autistes, en marge de la société etc. Pour moi c’est aussi une dimension écologique que de se mettre à la vitesse de ceux qui sont plus lents.

Comment se fait cette prise de conscience de l’urgence de l’écologie en Algérie ?

Pour moi le Hirak est un mouvement écologique, car il prend en compte la dignité, le respect de la personne humaine et laisse propre derrière son passage. Il y a une prise de conscience en Algérie de plus en plus grande je connais à Alger l’association « Torba » qui fait un très bon travail. Ils sont passés aussi à Thibhirine pour la production de plantes aromatiques et bien d’autres choses. C’est la société civile qui est porteuse de ce message.

Je rêve que l’on puisse faire de l’éveil pédagogique à travers le contact avec la nature, sortir du scolaire et plutôt sensibiliser, cultiver,    planter des graines, susciter l’émerveillement. Comme visiteur de prison, je rêve qu’un jour les prisons en Algérie compostent leurs déchets, puisqu’elles ont de la main d’œuvre : ce serait formidable, sinon on continue à « peindre en vert » !

Propos recueillis par Didier Lucas

1Mgr Jean-Paul Vesco

Église Catholique d'Algérie