Témoignage de Jean-Désigaux
Réponse à la question « quelles relations avais-tu avec Henri Teissier, toi un des rares anciens maintenant ».
J’ai connu Mgr Henri Teissier dès mon arrivée en Algérie le lendemain de la démission du président Chadli Bendjedid, le 12 janvier 1992. Nouvellement arrivé, je ne l’ai pas rencontré de près au sujet des événements douloureux qui le préoccupèrent jusqu’au décès des différents bienheureux. J’ai rencontré le pasteur, responsable des activités apostoliques dans son diocèse lorsque j’étais dans une bibliothèque d’aide aux étudiants jusque fin août 2006, puis dans les associations créées pour permettre à l’Église Catholique d’Algérie d’exercer ses activités dans le cadre de la législation algérienne. Comme tous, j’ai apprécié ses invitations où il favorisait l’échange entre personnes d’univers différents.
Mgr Henri Teissier était un homme simple, au courant de questions concrètes, soucieux du maintien d’une présence d’Église dans cette période douloureuse pour tous, attentif à chacun, prêt à aider un nouvel arrivé. L’archevêque-président des associations a favorisé toutes les propositions d’élargissement des lieux dans cette bibliothèque, imposant au Centre des « Glycines » le transfert de la section « Sciences humaines en français » alors que les livres auraient pu partir vers l’université ; donnant son accord pour le transfert des « Sciences de la vie- médecine, pharmacie, biologie … » vers un local devenu libre après le départ des religieuses, rue Khemissa ; favorisant le transfert des « Sciences humaines en arabe dans un local des sœurs blanches aux « Palmiers ». Le père Teissier appréciait l’une d’entre elles, sœur Anemie, qui –revenant avec ses connaissances acquises en arabe- invitait des personnalités algériennes et permettait aux étudiant(e)s une réflexion sur leur pays dans leur langue.
En 2002, il proposa à une association d’appui à l’insertion professionnelle d’installer ses activités dans le local de La Bouzaréah. C’est dire l’importance pour Monseigneur Henri Teissier de lieux où –en langage chrétien- l’amour de Dieu se reconnaît à l’amour des frères. Pour lui, le maintien des activités de la bibliothèque pendant la période la plus grave des attentats était une décision courageuse qui a sauvé toutes les autres activités chrétiennes de service sur le Grand Alger, qui auraient vraisemblablement fermé leurs activités au public, si la bibliothèque n’avait pas maintenu ouvertes les siennes. Henri Teissier a apprécié la vivacité de ceux qui restaient, de ceux qui créaient durant cette période. Il voulait que chrétiens et musulmans travaillent ensemble pour le bien de l’Algérie dans les activités de service.
La nationalité algérienne m’a été accordée en 2006, non sans l’intervention de Monseigneur Teissier. Le président des associations d’Église m’a demandé de faire partie de ces deux associations ; j’étais alors à Skikda, j’ai accepté. Henri Teissier avait le souci de respecter la souveraineté des congrégations religieuses, et acceptait de gérer les biens de ces congrégations lorsqu’elles ne pouvaient plus le faire elles-mêmes ; il comprenait le rôle différent des religieux et des diocésains.
L’envergure de Monseigneur Henri Teissier est reconnue pratiquement par tout le monde, d’autres que moi sont plus habilités pour la présenter. Je voudrais seulement ajouter ce que je crois être sa théologie sous-jacente : c’est aujourd’hui que nous avons à reconnaître et à aimer Jésus dans la vie des personnes que nous rencontrons, et Henri aime le peuple algérien. Il n’est pas naïf, il n’est pas ignorant, mais il sait dire et écrire ce qui est beau et bon chez ceux qu’il rencontre : ses écrits dans des journaux comme « El Watan » en témoignent. Et dans des récollections ou retraites, il faisait le lien avec ceux qui avant nous ont fait ce même trajet –les rédacteurs des évangiles. C’est cet amour qui est à l’origine des témoignages reçus à l’occasion de son décès, et qui le rend vivant aujourd’hui.
Jean Désigaux