Témoignage et opinion d’un ambassadeur

Un ambassadeur qui participe chaque jour à la messe, ce n’est pas très habituel, nous avons voulu en savoir d’avantage. Sa vision de l’Église n’est certes pas la plus courante ici en Algérie mais en pleine marche synodale il est juste de laisser la parole aussi à ceux qui ont une vision différente.

Vous êtes ambassadeur du Portugal en Algérie. Nous vous voyons très régulièrement à la messe de la paroisse Catholique de la maison diocésaine à Alger. En quelques mots comment êtes-vous arrivé à la Foi Catholique ?

Teirreiro do Paco Lisbonne

Dr Luis de Albuquerque Veloso  La réponse à  votre question est assez simple. J’ai été baptisé quand j’étais bébé et j’ai grandi dans la Foi prenant exemple sur mes parents et ma famille qui m’ont toujours accompagné. Aujourd’hui j’ai 57 ans et je me rends compte qu’à l’époque tout était plus facile, presque tout le monde était catholique et presque personne ne mettait Dieu en cause, ce qui malheureusement n’est plus le cas maintenant. La Messe du Dimanche faisait partie de la vie hebdomadaire, nous y participions en famille, et les Églises étaient pleines. Même si ma famille n’était pas engagée dans les mouvements de l’Église, Messe, catéchisme, quelques activités paroissiales, ma Mère ayant été catéchiste pendant une période, faisaient partie intégrante de notre/ma vie, Dieu était toujours « un parmi nous ».

En plus, et certainement par une grâce du bon Dieu, je n’ai jamais eu de crises de Foi, ce qui, pour quelques-uns, commençait déjà à s’apercevoir. Dans la vie occidentale de nos jours, les hommes ne sentent plus le besoin de Dieu. Je ne me souviens pas d’avoir jamais raté la Messe Dominicale, mais c’est mon arrivée à l’Université, à mes 17 ans, qui a eu une énorme importance dans la consolidation de ma Foi. Effectivement, j’ai fait ma licence en Droit à l’Université Catholique portugaise de Lisbonne et j’y ai connu un prêtre, le Chapelain, devenu mon directeur spirituel – jusque-là je me confessais, mais sûrement sans la périodicité nécessaire – qui a été fondamental pour que j’approfondisse ma Foi et ma vie religieuse, et aussi pour que je connaisse mieux l’Église et son Histoire. Je remercie le Seigneur de l’avoir mis sur mon chemin et je remercie également ce prêtre de sa proximité et d’avoir répondu oui à sa vocation.

 

Après bientôt deux années ici à Alger vous connaissez bien notre Eglise, quelle est votre impression de cette petite Eglise locale ?

Monastère Hyeronymites Lisbonne

Je ne dirais pas que je connais bien l’Eglise en Algérie. Moins de deux ans, et avec la pandémie qui a fort réduit les voyages et les activités, n’est pas suffisant pour bien connaître la vie d’une communauté. Pourtant, d’après ce que je peux constater et vivre, ma conviction est que l’Eglise en Algérie a les mêmes lacunes que la généralité de l’Eglise universelle. L’Eglise en Algérie, comme l’Eglise universelle, devait être plus croyante et le démontrer urbi et orbi, tout en respectant les règles des Etats, comme elle le fait dans n’importe quel pays du monde.

Avec cette affirmation assez dure, je veux surtout transmettre que l’Eglise universelle, celle de l’Algérie incluse, devrait laisser les agendas des autres et se concentrer sur son propre message de Vie Eternelle et de salut de l’âme de chacun – ce n’est sûrement pas en tutoyant Dieu, en disant « frères et sœurs » ou, comme le disait récemment un Cardinal africain, en participant dans un synode de plus, que nous allons sauver notre âme, mais avec notre amour à Dieu et, comme conséquence inévitable, aux frères. L’Eglise est bien dans le monde et il faut qu’elle y soit, pourtant, son rôle est de changer le monde avec son message de salut et non pas de s’influencer par ce qui s’y passe. Un jour, ici en Algérie, un musulman m’a fait remarquer que les catholiques ne prient pas. Je me suis dit que ce n’était pas vrai, mais cela m’a fait réfléchir et je trouve qu’effectivement, les catholiques semblent se passer de Dieu, aussi dans la vie de tous les jours.

L’Eglise ne témoignage plus d’une façon visible et claire de l’Amour de Dieu pour les hommes. Elle le vit, certainement, mais sans le démontrer visiblement. Elle parle de l’amour envers les frères, ce qui, bien sûr, est très bien, le bon Dieu l’a dit Lui-même, mais presque plus que ce qui est le premier de tous les commandements, est aimer Dieu au-dessus de toutes choses. Même la Messe a beaucoup perdu son caractère sacramental de louange à Dieu et ce manque est fort perceptible. Selon leurs propres agendas personnels, pratiquement tout le Clergé commet des abus liturgiques en célébrant la Messe (sur ce sujet il est fort édifiant de connaître l’Instruction Redemptionis Sacramentum, de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements), ce qui n’aide pas les fidèles à vivre le mystère de l’Eucharistie, le mystère du don du Seigneur sur la croix. Nous ne voulons pas être des gens bons, bien, gentils et agréables avec un tas de remarquables œuvres caritatives, comme n’importe quelle ONG, mais l’être et le faire parce que nous croyons en Dieu qui est venu sur terre et s’est donné Lui-même pour nous sauver.

Nous, les catholiques, nous somme guidés par la Doctrine et Tradition de l’Eglise. Et je touche à une question fondamentale concernant le bien vivre la Foi catholique sur laquelle, d’une façon générale, l’Eglise, universelle et algérienne, n’insiste plus : les principes que nous devons suivre, considérés non comme une contrainte qui nous opprime et ne nous laisse rien faire, mais comme la proposition d’un chemin de joie pour sauver l’âme et, aussi, pour être le plus heureux possible dans cette vie terrestre. Le seul moyen pour y arriver c’est, précisément la Doctrine et la Tradition, c’est le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Pour cela, toutefois, il faut les connaître, il faut que nous ayons la notion du péché, qui, finalement, n’est rien d’autre qu’un comportement qui nous éloigne de Dieu et de nos frères.

Église de Valega

Peut-être à cause d’une vision passée trop positive de la loi de l’Eglise, le péché, surtout le péché mortel (même si personne n’en parle), est encore vu comme un comportement qui nous conduit directement à l’enfer. Je n’en sais rien. Ce que je sais, et dont je suis certain, c’est que le Seigneur pardonne nos mauvaises conduites, celles qui nous éloignent de Lui. Nous savons, nous l’entendions à outrance, que Dieu pardonne tous nos péchés, heureusement nous avons cette grâce, mais cela ne veut pas dire que le péché n’existe plus! Cette exclusive insistance du pardon divin a conduit à une idée généralisée que nous n’avons plus besoin de suivre la proposition de l’Eglise, car le bon Dieu pardonne tout, toutes nos faiblesses et misères. Pourtant, nous serons pardonnés dans la mesure où nous aurons conscience de nos mauvaises conduites et il est absolument nécessaire que nous soyons repentants. Sans la notion de péché, les fidèles se désorientent, nous ne savons plus ce qui est bien et ce qui est mal, et l’Eglise, tout en voulant être « politiquement correcte » et plus « attractive », ne nous en parle plus. En plus, l’Église n’insiste plus sur le remède pour le péché, le Sacrement de la Confession, ou si elle le fait, elle le fait d’une façon assez théorique. De nos jours il y a encore des curés dans le monde qui, contre toutes les règles, qui n’existent que pour nous aider à bien vivre la Foi, donnent des absolutions générales à l’assemblé des fidèles, tout en les privant de la grâce d’une confession individuelle bien faite, qui vraiment nous libère. Au moins au Portugal, il y a des années de cela, une grande partie des Eglises ont détruit les confessionnaux – seuls les plus beaux ont été gardés – donnant un signe très négatif de l’absence de la nécessité du pardon de Dieu.

Comme d’une façon si claire, sa caractéristique, l’a affirmé l’alors Cardinal Joseph Ratzinger dans l’homélie qu’il a faite à l’occasion de la Messe pro eligendo pontifice, de 2005, qui a précédé le conclave qui l’allait élire Pape, « Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme (…) apparaît comme l’unique attitude à la hauteur de l’époque actuelle. L’on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs. ». Effectivement, chacun veut construire, et vivre, une Foi à sa propre mesure, au lieu de, avec un esprit humble et d’obéissance, vivre les vérités de Dieu, exprimées par la Doctrine et la Tradition de l’Eglise. Cela aussi dans les milieux ecclésiastiques, car le Catéchisme est là, mais souvent, de nos jours, il est mis de côté au nom d’une pastorale qui attire les gens, mais qui, certainement sans le vouloir, nie les Vérités de la Foi, de Dieu. Pourtant, le Catéchisme n’empêche en rien la pastorale, c’est même la base et le seul et meilleur moyen pour le service pastoral. Il faut que l’Église, toujours celle de l’Algérie incluse, revienne en arrière dans tout ça.

Ceci-dit, et en revenant concrètement à l’Algérie, je reconnais l’énorme et exceptionnelle dévotion des prêtres, des religieuses et des laïcs consacrés qui, avec une grande abnégation, générosité et témoignage ont quitté leurs pays pour trouver en Algérie une nouvelle patrie d’adoption. Merci.

Comment votre Foi vous aide-t-elle dans votre travail de diplomate ?

La Foi aide n’importe quel catholique dans n’importe quelle profession car elle fait partie de notre vie et nous ne pouvons pas être catholique que pendant quelques heures de la journée ou de la semaine. Être catholique ce n’est pas une option, ce n’est pas une façon de vivre, mais une rencontre avec Dieu, un don que le Seigneur nous a fait et auquel nous répondons oui, présent.

Concrètement je ne sais pas dire comment le fait d’être catholique m’aide dans mon travail de diplomate, mais ce que je peux vous dire c’est que l’être est fondamental dans tous les domaines de ma vie. Peut-être non seulement en essayant de vivre et choisir les options moralement correctes, mais tout aussi en essayant de donner témoignage du caractère sacramental de la vie. Je pense que si j’avais une autre profession, ce serais pareil, je tiendrais également à la vivre d’une façon totale, pas vraiment comme si c’était un choix, mais comme une inévitabilité de la présence de Dieu dans ma vie.

  Propos recueillis par Didier Lucas

11 Déc 2021 | A la une, Société

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Église Catholique d'Algérie