« Ce que je rêve involontairement, c’est quelque chose de très simple et très peu nombreux, ressemblant à ces premières communautés très simples des premiers temps de l’Eglise…quelques âmes réunies pour mener la vie de Nazareth, petite famille… » (1898, Lettre à l’Abbé Huvelin)
Une petite maison de terre, enfouie au cœur d’un grand quartier, surplombée par le minaret de la Mosquée de la Miséricorde, c’est le crépuscule, un soir de lumière, c’est l’heure de l’appel à la prière du « Dieu plus grand », la porte de l’ermitage s’entrouvre, de Tam, nous sommes 4 ! Notre frère Ventura, seul à l’Assekrem, notre frère Taher seul à Tazrouk, joie pour chacun de nous d’être aux lieux « Source », puissions-nous nous laisser traverser davantage par ce qui a irrigué toute la vie de Charles au milieu de ce peuple.
Dans l’ordinaire d’une ville qui s’apaise à la tombée de la nuit, dans cet espace intime, habité par un souffle imperceptible, le sable frémit sous nos pieds, la veilleuse rougeoyante semble nous murmurer en catimini « Je suis venu porter un feu sur la terre, comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ». Nous écoutons l’Evangile, une fois encore Charles nous le confie.
Du pain, du vin, nous célébrons le mystère tant chéri de notre frère, c’est comme une nuit de Noël…dans cette offrande, c’est tout un peuple, ils sont là, les Touaregs de 1908 qui ont sauvé le marabout, ils sont là dans notre cœur ,ceux des campements d’aujourd’hui , les Kabyles, les Arabes, les malades , les prisonniers, les migrants qui traversent à pied le Sahara, ces hommes et femmes de l’ombre…tous nos amis qui nous font le don d’eux-mêmes, là où se déchiffre les signes du Royaume…là où se lève le vent dont on ne sait pas d’où il vient, ni où il va, le vent nomade qui se joue de tous les verrous, le vent qui sème, le vent qui livre des senteurs nouvelles…
D’un grain tombé en terre, sont nés des milliers de disciples, parce que son cœur a signé la confiance infinie. Le sceau de l’amour reste pour toujours imprimé dans les murs de son humble maison, lieu de son travail, de ses relations, de ses combats, de sa prière, de son abandon pour devenir véritablement le frère universel qu’il désirait être. Il nous est donné de pressentir le « secret » de cet homme qui disait « avoir perdu son cœur pour ce Jésus de Nazareth, mort il y a deux mille ans », son ombre et son souffle continuent d’animer nos pas pour que se déploient dans le ciel de Tamanrasset des signes de fraternité pour l’humanité…