Sur le chemin de la prison

« Fais-moi connaître, Seigneur, tes chemins ; enseigne-moi tes routes » Psaume 25,4

Visite spéciale aujourd’hui, je dois prendre le chemin de la prison de Berrouaghia, à la rencontre de quelques détenus chrétiens, après une année d’absence due à la pandémie.

Il est tôt en ce mois de mars et la température est de 9° à Alger. Mon compagnon de route a une panne de réveil, du coup je l’attends. Je vois dans le jardin la ronde des chats en chasse en ce début de printemps, je salue la fille de la voisine qui part à l’école, le boucher d’en face qui me répond par un grand signe de la main.

Avec ce retard nous allons tomber dans les bouchons de la sortie d’Alger « Fais-moi connaître, Seigneur, tes chemins » , rester calme, respecter mon compagnon qui a un rythme différent.

Finalement on part, mon compagnon aime beaucoup partager ses idées et analyses, au milieu de la circulation ce n’est pas facile de bien écouter et de suivre les raisonnements, « Fais-moi connaître, Seigneur, tes chemins », j’écoute de mon mieux, c’est aussi un frère en qui Jésus est présent.

Chemin faisant, en arrivant du côté de la vallée de Schiffa et des hauteurs de Médea, le paysage attire mon regard comme un chemin de contemplation que Dieu me donne à voir. Et nous voilà aux portes de la maison d’arrêt.

Après nous être mis d’accord afin que ce soit Jésus au milieu de nous 1qui vienne réchauffer le coeur de ces hommes incarcérés depuis quelques années, nous pénétrons dans la prison, le gardien nous reconnaît difficilement : cela fait une année que l’on ne s’est pas vus, mais l’accueil est chaleureux.

Une fois passés les contrôles de sécurité, nous voilà un peu coincés dans une espèce de couloir et nous attendons les détenus. Aujourd’hui ils ne sont que quatre, l’un d’entre eux n’a pu venir , un autre a été libéré depuis notre dernière visite. Derrière les masques on peut lire la grande joie de nous retrouver et il faut résister à la tentation de s’embrasser, on se donne des nouvelles, on échange sur la vie à l’intérieur et à l’extérieur. Peu à peu les visages s’éclairent dans ce couloir, sous le regard des gardiens qui surveillent de temps en temps.

Aujourd’hui nous méditons sur ce passage du psaume 25, 4 « Fais-moi connaître, Seigneur , tes chemins ; enseigne-moi tes routes ».  Le chemin  est d’écouter très attentivement chacun avec les difficultés de la langue, s’en suit un partage de vie au quotidien. L’un d’entre eux évoque les douleurs et les tracas de l’existence, depuis le manque d’argent pour payer le loyer en passant par les disputes en famille, mais la privation de liberté l’emporte grandement. C’est le chemin de la vie qu’il faut vivre pleinement, en mettant en valeur les moments de joie. Un autre rappelle un moment vécu avec avec sa femme où chacun voulait démontrer à l’autre que son amour était plus grand, un rayon de lumière passe au milieu de nous…

Ils reconnaissent leurs erreurs passées, nous essayons de partager aussi notre façon de vivre sur les chemins du Seigneur, l’instant présent étant le chemin privilégié, y compris en prison. On parle de leurs familles avec qui il est très difficile de communiquer, du moment de leur libération qui approche… Puis c’est le chemin des remerciements pour notre visite, nous expliquons qu’ils sont aussi un cadeau pour nous, mais : « Vous ne pouvez pas comprendre – nous disent-ils – pour nous vous êtes la vie , sans vous nous sommes presque morts ! » Notre échange est un concours de preuves d’amour : nous voilà bien sur le chemin que le Seigneur nous a tracé , Lui seul connaît la source de cet amour que nous recevons.

Nous rentrons à la maison, sûrs de cette route que le Seigneur nous a fait connaître.

Didier Lucas

1Matthieu 18-20

Église Catholique d'Algérie