S ’il n’y avait pas Noël, je crois que je ne pourrais pas vous souhaiter une bonne nouvelle année. Le Prince de la paix qui vient, peut-il nous sauver vraiment d’une haine qui ne semble pas vouloir s’arrêter ? Devons-nous choisir un camp qui devrait nier le droit à l’existence de l’autre ? Quelqu’un pourrait-il se voir attribuer, selon l’expression d’un philosophe, « le péché d’exister « ? La fraternité entre tous, oui tous, est-elle définitivement un rêve dépassé ? Chacun son camp, son clan ? Non, je ne m’y résous pas, sinon celui de toutes les mamans et de tous les enfants. Le Prince de la Paix travaille encore et toujours le cœur des artisans de paix. Ils sont plus nombreux qu’on ne les voit et comme toujours plus discrets. J’ai entendu une maman israélienne avec son enfant mort penser aux mamans de Gaza qui pleurent aussi leurs enfants.
L’humble crèche d’hier a ouvert une invincible espérance pour continuer sans relâche à préparer le nid immense de notre chère Maison Terre où les enfants de toutes les nations se béniront les uns les autres d’apporter chacun sa couleur et son parfum unique pour la joie de tous. Le feu allumé par le brasier de Bethléem il y a plus de 2000 ans ne peut pas s’éteindre. Qui n’est-il pas surpris de la petite flamme qui vacille au fond de son cœur et de celle qui vacille au fond du cœur de mon frère d’une autre culture et d’une autre religion ?
Je continue d’en être témoin par la grâce que je reçois de vivre maintenant depuis une année dans une Maison qui est un miracle permanent d’attentions et de générosité. Au cadeau que chacun, chacune, fait à l’autre chaque jour de son humanité bien fragilisée par l’âge et les blessures du temps, viennent s’ajouter les cadeaux (dons, animations) qui en permanence arrivent de l’extérieur pour faire vivre la maison, leur maison.
« Ma Maison » de nos Petites Sœurs des Pauvres est mon Nazareth. Les résidents, comme on les appelle, sont mes compagnons de vie. Je suis au milieu des petits et des pauvres qui me précèdent dans le Royaume. Ils me battent souvent aux dominos. Je les porte avec moi à la Crèche. L’Eucharistie et parfois l’adoration avec les Petites Sœurs, respiration discrète au cœur de la Maison, soutiennent ma fidélité à la prière. J’aime participer à l’accueil des visiteurs et pèlerins à la belle Basilique Saint Augustin qui jouxte Ma Maison. J’ai retrouvé les liens avec le diocèse que mon cœur n’avait jamais quitté, pour divers services pastoraux. Mes frères jésuites m’associent à leur discernement et je suis disponible pour tel ou tel service. Je prépare les retraites que je continue d’animer là où j’y suis sollicité. Cela me faire lire et relire des livres et revues que j’aime. Aussi je ne vois guère les journées passer. En outre, je suis régulièrement absent de Ma Maison.
Il est toujours délicat de parler du pays. Bien des jeunes voudraient aller vivre ailleurs. Cependant les capacités du pays sont très importantes. Une plus grande ouverture aux investissements étrangers s’installe peu à peu. L’importante mine de fer de Gara Djebilet va commencer à être exploitée, qui relance la sidérurgie et peut l’insérer dans une filière internationalisée … La vie associative peut continuer dans les limites imparties … Notre Église a toujours des difficultés pour obtenir les visas nécessaires … Certains visas attendent depuis deux ans. Des enfants du pays qui ont accueilli Jésus dans leur vie doivent souvent le porter en silence. Mais en Algérie, il faut tenir bon dans la durée et la confiance. Des surprises arrivent toujours. L’arrivée d’une bonne période de pluie est une bénédiction.
Je suis attentif naturellement aux relations algéro-françaises qui continuent à faire du yoyo. Elles s’insèrent dans un contexte international tendu. Nous fêtions ce 8 décembre le cinquième anniversaire de la béatification de nos martyrs d’Algérie, célébrée en honorant les milliers d’Algériens qui avaient eux aussi perdu la vie, fidèles à leur foi et à leur conscience. A la suite de nos bienheureux, de saint Charles de Foucauld, du Pape François, nous continuons à œuvrer pour faire grandir la fraternité universelle. Ne sommes-nous pas tous, d’un bout à l’autre de la planète terre, des frères et sœurs en humanité ? En ce temps de Noël, la fragilité et la vulnérabilité de nos cœurs d’enfants viennent à la rencontre d’un Dieu doux et humble, lui aussi fragile, dans la mangeoire de Bethléem. Il se confie à nos soins, car il a besoin de nous. Il a tellement mal des hommes qui se font du mal et qui lui font mal.
Dans la grâce de ce jour de fête de Marie, en marche vers la crèche, je suis heureux de vous souhaiter une bonne nouvelle année 2024. Mon espérance est qu’elle sera l’année des artisans de paix.
Avec toute mon affection, + Paul Desfarges