Lors d’un séjour de détente à Timimoun, devenue le chef-lieu de la nouvelle wilaya 49, j’ai été visiter les sœurs de Notre Dame du Lac qui y vivent, voici ce qu’elles m’ont raconté.
En 2014 trois sœurs venues du Burkina Fasso se retrouvent à Timimoun. Elles ne savent pas l’arabe, ne connaissent pas le pays, ne savent pas ce que l’on attend d’elle dans cette ville où ne vit aucun chrétien. Au Burkina disent-elles quand une sœur est affectée quelque part on lui confie une tâche précise, on lui dit exactement ce qu’elle doit faire, elle n’a pas besoin de penser.
Les débuts ont été terrifiants pour elles. Elles venaient remplacer des sœurs blanches, qui trop peu nombreuses, préféraient se regrouper à Ghardaïa. Une seule était là à leur arrivée et est restée un mois, le temps de leurs présenter quelques familles amies de Timimoun, puis elle est partie. Ces sœurs du Burkina Fasso sont francophones, mais à Timimoun très peu de femmes parlent le français. Tout dès lors est une épreuve. Tout est effrayant : sortir, faire des courses… Le seul endroit où elles osent se rendre c’est la maison de cette famille amie des sœurs qui les ont précédées.
Elles se mettent cependant au travail en poursuivant les activités lancées par les sœurs blanches :
Pauline reprend l’activité de promotion féminine auprès des femmes de deux villages voisins. Réunies dans une des maisons du village, ces femmes apprennent la couture, le tricot, le macramé. C’est une occasion de rencontres très appréciée. Pour rejoindre ces villages situés à quelques vingt kilomètres de la ville, Pauline se déplace en moto. L’autre Pauline reprend l’activité de soutien scolaire auprès des enfants de la ville. Plus tard, considérant que soutien scolaire pouvait être assuré par d’autres personnes dans la ville, des enseignants retraités par exemple, Pauline se joindra à Bernadette pour prendre en charge les IMC.
Ces sœurs en effet ont plutôt vocation à s’occuper de personnes handicapées. C’est pourquoi leur supérieure, Bernadette, se met à faire du porte à porte auprès des familles qui ont un enfant handicapé, IMC, pour leur proposer ses services. (Il existe à Timimoun un centre pour ces enfants, mais il ne prend pas en charge les plus atteints.)
Au fil du temps, les choses évoluent. Dans une première étape les soins se font à domicile ; les enfants sont peu nombreux, si bien que les sœurs s’occupent également de quelques adultes. Par la suite les sœurs libèrent une des pièces de leur logement pour y donner les soins. Mais tout s’accélère quand une association algérienne d’aide aux IMC se crée et vient épauler l’activité des sœurs. C’est une femme énergique, maman d’une enfant IMC que les sœurs ont prises en charge, qui est à l’initiative de cette création. Cette femme, qui a été enseignante avant de changer d’activité pour avoir plus de temps à consacrer à son enfant malade, obtient la mise à disposition d’une salle au sein d’une structure scolaire pour les soins aux IMC. Aussitôt le nombre de demandes explose : c’est aujourd’hui 120 enfants de moins de 15 ans qui sont inscrits. Cinq bénévoles de l’association assistent désormais les sœurs pour la prise en charge de ces enfants, qui sont vus deux à trois fois par semaine. Certains enfants viennent de loin, jusqu’à 10km. Dans l’avenir l’association espère obtenir l’octroi d’un terrain pour réaliser une structure adaptée et dotée du matériel nécessaire.
Bernadette dit qu’elle a compris ici le sens de la confirmation, auparavant cela lui paraissait un peu inutile, mais dans ce contexte presque chaque jour est une occasion de confirmer son baptême. Au début surtout les gens s’étonnaient qu’elles ne soient pas musulmanes et les incitaient à se convertir pour ne pas aller en enfer. C’était très dur pour elles. Aujourd’hui leur existence comme chrétienne est admise. Leur vie de prière est connue et les familles dans l’épreuve leur demandent souvent de prier pour elles. Maintenant leur présence ici a trouvé un sens. Elles rendent grâce pour ce qu’elles vivent.
Mais combien de temps leur a-t-il fallu pour tisser ces liens ? Bernadette se souvient : Nous retournons au pays tous les deux ans ; après les deux premières années, la vie pour nous était toujours aussi dure ; nous avions envie d’arrêter, pourtant nous sommes trois, presque du même âge, de la même région et nous nous entendons bien ! Deux ans après cela allait un peu mieux ; Il nous a fallu cinq ans pour être à peu près à l’aise. C’est long ! Nous en avons parlé à notre évêque : il faut une préparation : parler l’arabe, connaitre le pays. Leur jeune sœur Suzanne, nouvellement arrivée, bénéficie actuellement de cette préparation : elle est à Alger, au Centre des glycines pour apprendre l’arabe et s’initier aux réalités du pays.
Au Burkina il y a une majorité, environ 60%, de musulman, mais ce n’est pas comme ici et les chrétiens sont nombreux. Pour ces sœurs, les chrétiens les plus proches se trouvent à 350km : El Meniaa à l’ouest, Beni Abbès au sud-est ; c’est de là que, depuis le départ du curé d’Adrar, un prêtre vient célébrer dans leur communauté.
Merci à cette toute petite communauté, isolée, fragile, d’être les témoins de l’amour de Dieu dans cette vaste région.