que sera »le monde d’après »?

Que sera « le monde d’après » ?

La question fait débat, les perspectives se cherchent, face aux défis de tous ordres suscités ou révélés par la pandémie de COVID 19. Deux paradigmes émergent:

Celui de la « relance », au sens plus qu’économique, qui réfléchit les conditions d’un « retour à la normale », à travers des rouages à faire redémarrer, des coûts à supporter, des bouleversements à accompagner… Sa force est dans son pragmatisme: le « monde d’après » ne se bâtira qu’en partant de l’actuel. Rien ne se construira sans fidélité au réel tel qu’il est. Sa limite principale: le risque de renvoyer les questions de fond à plus tard, face aux urgences légitimes, au manque de visibilité… en pensant réformes et ajustements au seul service des priorités immédiates.

Celui de « l’utopie », dans un sens positif, qui s’efforce de penser en profondeur le renouvellement des rouages du monde. Sa force tient à son audace visionnaire et à sa créativité. Son défi: proposer des chemins crédibles pour passer des concepts à l’action, dans un contexte où les urgences ne laissent souvent que peu d’espace à l’agir sur le fond. Toute approche de long terme se décrédibiliserait en négligeant les urgences du présent sous prétexte de bâtir le futur. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il faille y renoncer.

Entre ces deux paradigmes se place le magistère de l’Eglise: Caritas in veritate de Benoît XVI, sur « le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité » (2009), et « l’écologie intégrale » de Laudato Si, l’encyclique du pape François sur « la sauvegarde de la maison commune » (2015). Si le pape vient d’annoncer le 24 mai dernier une « année Laudato Si« , à l’occasion du 5ème anniversaire de sa publication, ce n’est pas seulement pour inciter à en relire le texte, mais surtout pour stimuler la réflexion et l’action réelle en faveur d’un rééquilibrage visionnaire et réaliste de la marche du monde.

La prière composée par le Dicastère pour le Développement Humain Intégral pour « l’année Laudato Si » dit ceci: « Maintenant que nous pouvons nous sentir interconnectés et interdépendants, rends-nous capables d’écouter vraiment et de répondre au cri de la terre et au cri des pauvres ». Le paradigme de « l’écologie intégrale » part d’une analyse concrète de cette interconnexion, dans une acception large du concept d’écologie: environnementale, sociale, économique, culturelle… L’enjeu est celui d’une « écologie de la vie quotidienne », qu’il s’agit de construire vraiment, en commençant par voir ce que nous pouvons faire là où nous sommes, chacun et communautairement.

Un champ nouveau, également, pour le dialogue interreligieux. Dans l’objectif de contribuer à l’émergence d’une conscience mondiale plus affinée sur ces thèmes, à une refonte humaniste de la notion de « progrès », à une « éducation écologique » au sens global, à des formes nouvelles de partenariats et d’action. « La majorité des habitants de la planète se déclare croyante, et cela devrait inciter les religions à entrer dans un dialogue en vue de la sauvegarde de la nature, de la défense des pauvres, de la construction de réseaux de respect et de fraternité » (Laudato Si, 201). Nous sommes en première ligne pour tâcher de relever ensemble une part de ce défi.

Nicolas Lhernould

Evêque de Constantine et Hippone 

 

Église Catholique d'Algérie