Il est 17h30 ce samedi 2 décembre. La Basilique Notre Dame d’Afrique est pleine : 28 ambassadeurs et représentants diplomatiques, dont l’ambassadeur de Palestine sont présents ainsi qu’un grand nombre d’ami algériens. Tout le monde est silencieux et recueilli. L’image d’une femme en ruine serrant un enfant dans ses bras nous fait face. Le piano joue, il nous accompagnera avec délicatesse tout au long de notre méditation.
L’archevêque d’Alger, en tenue de dominicain, se lève et proclame notre soif de paix dans un monde traversé par les guerres, et en premier lieu aujourd’hui, en Palestine. Notre impuissance devant les déchainements de violence, notre besoin de nous remettre à Dieu pour demander la paix dans le monde et dans nos cœurs.
Pour vivre ensemble en vérité ce moment de prière, des textes bibliques, des méditations, des témoignages, brièvement résumés ici, sont lus par différents intervenants.
Dès le début de notre humanité les luttes fratricides ont existé, comme le raconte l’histoire de Caïn tuant son frère Abel, rapporté dans le livre de la Genèse, mais Dieu dit « la voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi ».
« Ne pas parler, c’est parler, ne pas agir c’est agir » ces paroles d’un pasteur de l’église d’Allemagne, emprisonné et exécuté par les nazis pour s’être opposé au régime nous interpellent.
Mais que faire ?
Devant notre impuissance, nous demander, avec ce dramaturge libanais Wajdi Mouawad, comment je peux au moins agir sur moi. « Il ne suffit pas dit-il de dire que les autres doivent changer, mais de reconnaitre que quelque chose en moi doit se transformer… de sorte que cet après en sera un ». « En chacun de nous pourrait exister un marécage où vont se reposer les poisons de méfiance, de détestation, de haine, générés par des blessures d’injustice et de violences non encore guéries, commises envers nos familles, nos pays ».
Christian de Chergé prieur du monastère de Tibherine nous livre lui aussi sa démarche spirituelle après la visite au monastère de la bande armée, dirigée par le responsable de l’assassinat des douze croates qu’il a affronté face à face. « Quelle prière je peux faire pour lui, se demande-t-il, je ne peux demander au bon Dieu : tue-le. Mais je peux demander : désarme-le. Après, je me suis dit : ai-je le droit de demander : désarme-le, si je ne commence pas par demander : désarme-moi. Désarme-moi, désarme-le, désarme-nous ; c’est ma prière quotidienne, je vous la confie tout simplement. »
La paix, le psaume 84 nous le rappelle, ne va pas sans la justice : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. »
C’est pourquoi nous pouvons dire :
Prions pour la paix en Palestine et en tous lieux de conflit, une paix qui soit non seulement l’arrêt de la guerre, mais la fin de la haine. Une paix qui ne se conçoit qu’avec la justice et la volonté de vivre ensemble en se respectant mutuellement.
Prions pour tous les enfants, les femmes et les hommes victimes du conflit, les blessés, les morts et leurs familles.
Prions pour les dirigeants des pays proches et lointains qui ont part aux conflits qui déchirent le monde, afin qu’ils mettent au premier plan de leurs préoccupations, non leurs intérêts immédiats et étroits, mais la sauvegarde de vies humaines, de notre commune humanité, de l’avenir de celle-ci.
Prions pour que la justice remplace le droit du plus fort, de sorte que chaque homme, chaque femme et chaque enfant, croyant ou incroyant ait droit à une existence pleinement humaine
Prions pour la paix qui seule permet à l’homme de garder son humanité
Prions pour que le Dieu d’Abraham, Dieu de tous les croyants, nous vienne en aide et nous délivre tous du mal.
Ou encore avec la prière du Cheikh Ben Tounes de la confrérie des Alawiya
Mon Dieu, je m’adresse à Toi à travers tous les cœurs et toutes les consciences contenues dans chacun et chacune de Tes créatures, pour nous délivrer de l’orgueil, de la suffisance et de la folie meurtrière qui guette chacun de nous.
Mon Dieu ouvre nous l’œil du cœur pour que nous prenions conscience que T’aimer c’est aimer toutes Tes créatures dans le respect des différences voulues par Toi afin que chacun découvre par l’autre la richesse de tes bienfaits et la grandeur de Ta miséricorde
O Miséricordieux, accorde-nous Ta Miséricorde
Toi le Généreux à nul autre pareil !
Toi qui pardonne, Sois indulgent,
Tu es l’Indulgence même
Pardonne-nous, Ton Pardon est sérénité
Accorde-nous le succès, Protège-nous des malheurs
Et Scelle notre vie par Ton Agrément
Fais que cette prière arrive à Toi comme une offrande de tous ceux et celles qui espèrent en Toi…. et qui veulent selon Ta Volonté, vivre et partager dans la fraternité et la paix le don sacré que Tu nous as prodigué : la vie.
Enfin la lecture du document sur la fraternité humaine signé le 4 février 2019 à Abu Dhabi par le Pape François et le Grand Imam d’Al Azhar Ahmad Al-Tayeb, nous appelle à renouveler les engagements pris :
« Nous – croyants en Dieu, et hommes et femmes de bonne volonté, nous demandons à nous- mêmes et aux Leaders du monde…. de s’engager sérieusement pour répandre la culture de la tolérance, de la coexistence et de la paix; d’intervenir, dès que possible, pour arrêter l’effusion de sang innocent, et de mettre fin aux guerres, aux conflits ».
Marie France Grangaud