Saint Marcellin (+ 413)
Le 12 septembre, nous faisons mémoire de saint Marcellin, laïc, tribun, père de famille, et grand ami de saint Augustin. C’est à lui que l’empereur Honorius avait confié de présider la conférence de 411 qui devait réunir à Carthage catholiques et donatistes, afin de trouver enfin une issue à un siècle de schisme. Marcellin, fin diplomate, s’acquitta de ce rôle avec une autorité qui compléta l’éloquence d’Augustin. Après la conférence, il fut accusé avec son frère d’avoir pris part à un complot politique contre l’empire. La suspicion était attisée par de hauts responsables donatistes furieux de la manière dont le légat avait mené les débats lors de la conférence, qui ne leur ait pas été favorable. Augustin tenta de sauver les deux frères, mais on les fit comparaître brusquement et condamner à mort. Ils furent exécutés le vendredi 12 ou le samedi 13 septembre de l’année 413. Augustin en fut très affecté et quitta Carthage le lendemain. Peu de temps après, Cécilien, ancien préfet d’Italie, se rendit à Carthage, porteur d’un courrier pour Augustin de la part du pape Innocent Ier. Or Cécilien était proche de Marinus, qui avait présidé à la condamnation des deux frères, et qui était à l’origine des accusations qui avait été portées contre eux. La rumeur, qu’Augustin ne contredit pas, voyait en Cécilien un complice de Marinus. Devant l’étonnement de Cécilien qu’il ne vienne pas le voir, Augustin répond par une lettre, modèle de diplomatie, qui est aussi pour lui l’occasion d’un éloge de Marcellin. En voici un extrait. Peu de temps après, Honorius réhabilitera à titre posthume l’honneur et la probité de Marcellin et de son frère.
« Le même motif qui me fit quitter Carthage me forcerait à garder le silence avec vous, si je croyais que vous eussiez poussé cet homme à un tel crime pour vous venger de cruelles injures […] Pour moi je ne le crois pas ; ceux de mes frères qui vous ont entendu dans nos entretiens et qui ont vu votre bon cœur percer dans votre manière de nous écouter et dans tout votre extérieur, ne le croient pas non plus. Mais, je vous en conjure, pardonnez à ceux qui pensent autrement ; car ce sont des hommes, et il y a dans le cœur des hommes tant de plis et de replis que les gens soupçonneux, pendant qu’on les blâme avec raison, croient devoir s’applaudir de leur pénétrante finesse. Des motifs de soupçons subsistaient […] Lorsqu’ils se retirèrent après avoir comparu devant lui [Marinus], vous restâtes là, et ce fut après un entretien secret
entre vous deux, que l’ordre fut aussitôt donné d’arrêter les deux frères. On parlait de l’amitié qui vous unissait l’un à l’autre, amitié qui datait de longtemps. Une si grande intimité et la fréquence de vos entretiens seul à seul autorisaient les mauvais bruits. La puissance de cet homme était grande alors. La calomnie avait beau jeu. Ce n’était pas une grande affaire que de trouver quelqu’un pour dire, sous la promesse de l’impunité, ce qu’il lui commanderait. En ce moment-là tout concourait à ce que, même sur la déposition d’un seul témoin, on pût sans risque faire disparaître de ce monde n’importe qui, comme coupable d’un crime odieux et très-aisé à croire. […] [Marcellin] a vécu religieusement, et son cœur et ses jours ont été profondément chrétiens. Il avait cette réputation lorsqu’il vint présider dans la cause de l’Église ; il la garda au milieu de nous. Combien il avait d’intégrité dans les mœurs, de fidélité dans l’amitié, de goût pour la science religieuse, de sincérité dans la foi, de chasteté dans le mariage, de modération dans le jugement, de patience envers ses ennemis, d’affabilité envers ses amis, d’humilité envers les saints, de charité envers tous, de facilité à rendre service, de réserve dans ses demandes, d’amour pour le bien, de douleur quand il avait péché ! Quelle belle honnêteté, quelle splendeur de grâce, quel soin pour l’accomplissement des devoirs pieux, quelle bonté secourable, quelle douce disposition à pardonner, quelle confiance dans la prière ! Avec quelle modestie il parlait de ce qu’il savait utile au salut ; avec quelle attention il s’appliquait au reste ! Quel mépris des choses présentes ! Quelle espérance et quel désir des biens éternels ! […] »
Saint Augustin, Lettre 151, 4.8, in Œuvres complètes de St Augustin, tr. M. Poujoulat (dir.), Bar-Le-Duc 1864, http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/lettres
+ Nicolas Lhernould