Pères de l’Eglise: « Qu’est-ce que le donatisme ? »

Qu’est-ce que le donatisme ?

Le 4 juin, nous fêtons saint Optat de Milev (Mila, à environ 50 km au nord-ouest de Constantine) qui fut le premier grand auteur à donner la réplique au donatisme. Le donatisme est un mouvement chrétien hérétique des IVe et Ve siècles, qui apparaît en 311, à la suite de la consécration de Cécilien, évêque de Carthage. De manière anormale, sa consécration est célébrée en l’absence des évêques de Numidie (l’Est algérien actuel), alors qu’il revenait à leur doyen de la présider. Ces évêques, au nombre de 70, déclarent nulle son ordination, arguant aussi que l’un des consécrateurs, l’évêque Félix d’Aptonge, avait été « traditor » (un « traître », coupable d’avoir livré les Saintes Écritures aux Romains pendant les persécutions). A sa place, ils élisent Majorin, qui décède peu après, auquel succède Donat le Grand (Donatus Magnus), évêque de Cellae Nigrae en Numidie (aujourd’hui Négrine, au sud de Tébessa).

Donat organise la dissidence lors d’un concile qui se tient à Carthage en 312, prônant une utilisation rigoureuse des sacrements, et soulevant de nombreux cultivateurs berbères contre les colons romains. Dès la conversion de l’empereur Constantin et la publication de l’Edit de Milan en 313, Cécilien est pourtant reconnu par l’empire évêque catholique légitime de Carthage. Le 2 octobre, Donat est excommunié par le pape Miltiade. Lors d’un ultime recours en 316 auprès de la juridiction impériale, la justice prouve que l’accusation de trahison portée contre Félix d’Aptonge était une diffamation reposant sur des faux de fabrication donatiste, mais que d’authentiques traditeurs se trouvaient en revanche parmi les consécrateurs de Majorin. Constantin punit alors sévèrement les donatistes, ordonnant la confiscation de leurs basiliques et l’exil de leurs meneurs.

Le mouvement va prendre de l’ampleur à partir de la fin des années 340. Le donatisme fait alors alliance avec le mouvement des ouvriers agricoles luttant contre les propriétaires fonciers. Les rebelles, appelés « circoncellions » (de circum cellas, « ceux qui vont de grange en grange ») parcourent le pays, pillant, brûlant, tuant, aspirant au martyr, prétendant avoir mission de réparer les injustices et de rétablir l’égalité, traqués et massacrés par les troupes impériales. L’empereur Constant Ier envoie finalement Donat en exil où il meurt en 355. En 361 cependant, Julien l’Apostat rétablit les dissidents dans tous leurs droits. Parménien, successeur de Donat à l’évêché de Carthage, écrit alors l’apologie du donatisme, selon lequel la validité d’un sacrement dépend du caractère moral du ministre qui le dispense. Ceux conférés par des clercs illégitimes sont sans valeur, quelles que soient la disposition spirituelle de celui qui les reçoit et la régularité du mode d’administration. La conclusion est qu’il faut rebaptiser les catholiques et consacrer à nouveau les édifices sacrés.

C’est contre Parménien, au summum de la crise, qu’Optat écrit six des sept livres de son traité contre le donatisme, entreprenant une première réfutation théologique vigoureuse du schisme. Il prépare ainsi la voie à Augustin, qui reprendra nombre de ses arguments lors du synode d’Hippone, en 393, puis de la conférence de Carthage, du 1er au 26 juin 411, qui réunit, sous l’égide impériale, 279 évêques donatistes et 286 évêques catholiques dont Augustin est le porte-parole. Les catholiques l’emportent. Honorius Flavius, empereur d’Occident (395-423), promulgue de nouvelles lois antidonatistes : leurs églises et propriétés sont transférées aux catholiques, leurs clercs sont exilés et leurs fidèles persévérants condamnés à des amendes. Sous la domination vandale, donatistes et catholiques sont persécutés. À l’époque byzantine, Justinien Ier, empereur de 527 à 565, prend encore des mesures contre les donatistes. Le donatisme survivra de manière éparse jusqu’aux conquêtes musulmanes.

+ Nicolas Lhernould

Photo de couverture: La conférence de Carthage en 411 G. MAIGRET, Iconographia magni Patris Aurelii Augustini…,  Paris, 1624 (BmL, Rés est 319808, pl. 15)

Église Catholique d'Algérie