Nuena, camps Sahraouis

Il est des personnes qui vous marquent à vie. Ils ont en commun de porter l’Espérance au-delà du raisonnable. Dans les camps sahraouis et en Algérie, j’ai eu le privilège d’en croiser. Nuena est l’une d’entre elles.

Cette jeune femme photographiée en 1976 par Christine Spengler a 18 ans. Fin 1975 elle a traversé à pied pendant quatre semaines une partie du Sahara sous les bombardements avec ses deux jeunes enfants, pour se réfugier en Algérie, dans les camps sahraouis. Elle s’est immédiatement occupée de l’accueil des réfugiés, regroupant les familles, distribuant abris et nourriture. Après le deuil de son mari tué aux côtés  d’El Ouali Mustapha Sayed, secrétaire général du Front Polisario, elle s’engage dans l’action politique  en plus de ses responsabilités dans l’organisation des  camps. Directrice des six crèches de la wilaya, membre du Conseil populaire et du bureau national des femmes sahraouies, elle se forme, met en œuvre et sert inconditionnellement sa jeune république en exil. Pasionaria, elle témoignera en Espagne, Mexique, Panama, Cuba, Nicaragua, Chili, Venezuela…du combat des femmes et du peuple sahraoui. Pendant de nombreux mois elle m’a accueilli dans sa famille comme on accueille un frère. Cinquante ans plus tard, elle vit toujours sous la tente, dans le même exil désertique d’un camp de réfugiés. Dans ses yeux la même détermination, dans ses bras une autre génération.Je l’ai vu réparer et monter les tentes, bâtir des murs de briques de sable, faire le pain, traire les deux chèvres familiales, accueillir des délégations, improviser un discours dans une langue étrangère, faire jaillir l’émotion dans les regards, y compris le sien.Comme 150 000 autres réfugiés des camps sahraouis, comme les sahraouis des territoires occupés par le Maroc, comme la diaspora, Nuena continuera de se battre pour que le droit à l’autodétermination par referendum inscrit dans la Charte de l’ONU puisse enfin s’appliquer.«Le pouvoir de notre ennemi n’est rien face à la détermination d’un peuple qui résiste pour être libre ».(El Ouali Mustapha Sayed 1976)

le 03 novembre 2025
Jean-François Debargue

Église Catholique d'Algérie