Frère Charles et moi

Que signifie pour nous aujourd’hui notre référence à Charles de Foucauld ?

Noblesse française, carrière militaire, époque coloniale, désir d’aller à l’aventure vers l’inconnu au Maroc accompagné par un rabbin, dessinateur talentueux, linguiste infatigable… tout cela ne correspond vraiment plus à ce que nous vivons maintenant, les temps ont changé et nos talents sont autres. Il y a cependant un point commun, un ‘‘coup de foudre’’ soudain ou une séduction, plus espacée dans le temps, née d’une rencontre que chacun ensuite vit à sa manière, celle de Jésus de Nazareth. Le désir de Charles de Foucauld d’imiter son ‘‘frère et Seigneur’’ l’a d’abord porté en Palestine à Nazareth où il a vécu 3 ans mais ensuite c’est hors de Palestine qu’il a trouvé Jésus, caché chez ceux avec lesquels il partageait sa vie et qui n’étaient même pas chrétiens. Le Saint, le Héros de l’histoire n’est pas forcement celui auquel on pense. Charles de Foucauld s’est simplement laissé appeler par son nom et a emboîté le pas.

Bernard, petit frère de l’évangile, Béni Abbès
Le bienheureux Charles nous invite à être bienheureux aussi, en faisant chemin avec les malheureux : « Etre miséricordieux, c’est incliner son cœur vers les misérables, les misérables spirituellement, intellectuellement, matériellement… vers les méchants, les fous et les ignorants, les pauvres, les malades, les souffrants, … vers tous les malheureux. »
 +  John, évêque de Laghouat-Ghardaïa
Le message de Charles de Foucauld n’est pas seulement destiné à sa famille spirituelle, il est maintenant passé à toute l’Église, sa prochaine canonisation le confirme. C’est lui qui, surtout après sa mort, a fait comprendre ce que représentait cette solidarité de Jésus-Dieu avec l’humanité en quête de libération. Et que cette solidarité était en elle même porteuse de salut. Il me semble qu’à travers l’apôtre Jean, c’est pour nous que Jésus dit : « S’il me plait qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne ». C’est cette « demeurance » qui prend sens. Et le signe que l’Eglise a intégré le message de Charles de Foucauld c’est qu’elle a béatifié les 19 martyrs d’Algérie. Ils étaient des chrétiens comme vous et moi, mais parce que le pays allait mal ils ont voulu « demeurer ». C’est là où ça va mal que l’Eglise doit demeurer. Jésus, lors de son baptême par Jean, s’est fait solidaire des pécheurs en chemin de conversion. Et il a annoncé le Royaume et fondé l’Eglise pour qu’elle continue cette solidarité de salut, c’est-à-dire qu’elle rappelle ce qu’il a fait,  en offrant en tous lieux son corps et son sang, et en servant nos frères. Tout cela me semble être le cœur du message de Charles de Foucauld et notre petite Eglise en Algérie a vocation à  le vivre.
Taher, petit frère de Jésus
Merci Seigneur car tu nous fais vivre, ici en Algérie, la fraternité au sein de l’Eglise pour former une famille. Vivre l’Evangile comme frère Charles, diffuser l’amour et la sagesse que nous recevons, avec tous ceux qui ne le connaissent pas ou le connaissent mal. Du fin fond de nos déserts,  tout comme frère Charles, nous sommes tous appelés à vivre avec Dieu, la vie de Nazareth. Une conversion et un chemin qui nous mènera à la sainteté, ouverte et possible à tous. Nous remercions le Seigneur de nous avoir permis de recevoir des grâces, beaucoup de grâces par l’enseignement et l’exemple de vie de frère Charles. Il nous laisse comme héritage le message de la fraternité. Le frère universel qui ne fait pas de tri parmi ses frères, ses amis. Il les aima comme Dieu l’a aimé. Vivre à l’exemple de frère Charles, c’est accepter l’autre tel qu’il est et voir en chacun le visage de Dieu.
Des membres de la Fraternité séculière
La grâce de Tamanrasset est pour moi le rappel de ce que notre frère aîné a vécu ici, qui s’est prolongé avec la présence des sœurs et des frères depuis 1952 et qui m’appelle à une incarnation  « continuée ». L’intimité avec Jésus pousse à la migration vers le frère. Charles l’a écrit et surtout vécu  « Plus on aime Dieu, plus on aime les hommes ». Vivre en proximité avec un peuple, un pays, des familles conduit à  faire un bout de  route ensemble  n’ayant rien d’autre à  nous donner que ce que nous sommes. Il n’y a pas  d’amitié ni de fraternité sans réciprocité. Deux mains se tendent l’une vers l’autre,  l’une ne prend pas l’autre, elles s’attirent mutuellement l’une l’autre et s’unissent. Comme Marie, être en « état de visitation », avec Jésus sortir de chez soi pour aller à la rencontre de l’Autre, chez lui. Vouloir aimer et se laisser aimer, rejoindre l’autre dans ce qui lui est cher, se sentir chez « soi » chez l’autre est un cadeau quand on sait tout ce qui peut nous séparer. Je suis vraiment touchée quand les familles ne me considèrent plus comme une hôte et me laissent faire la vaisselle ! Nos vies croisées se nourrissent et se fécondent ;  nous sommes identifiées comme des femmes de prière et il me semble que depuis quelque temps,  nous vivons mutuellement  la confiance de cette  prière, quelle que soit la couleur de notre foi ; sur le seuil de la porte, à l’heure du coucher du soleil, quand chacun  s’en va vers son lieu de prière, j’aime entendre  «  prie pour moi comme je prie pour toi ! » Adoration au Dieu unique, communion invisible à laquelle je crois, dans le silence du soir, j’entends  l’appel à la prière  de la mosquée proche.  Oui,  « Dieu avec nous » donne sens à notre enracinement dans un peuple.  Toutes ces personnes rencontrées  deviennent le lieu de notre contemplation et de notre communion, d’autant plus depuis que je rentre en prison à la rencontre de nos frères sub-sahariens. C’est l’Eglise qui est de l’autre côté des murs… ceux de la porte d’à côté…
Martine, petite sœur du Sacré-Cœur
Voici une méditation de Frère Charles, qui ouvrira le temps d’adoration que nous prendrons à Alger ce 1er décembre : « Puisque Vous êtes toujours avec nous dans la Sainte Eucharistie, soyons toujours avec Vous, tenons compagnie à Jésus au pied du Tabernacle, ne perdons pas, par notre faute un seul des moments que nous passons avec Lui, quand il dépend de nous d’aller devant la Sainte Eucharistie, c’est Jésus, c’est tout Jésus ! Dans la Sainte Eucharistie, Vous êtes tout entier, tout vivant mon Bien-aimé Jésus, aussi pleinement que Vous étiez dans la maison de la Sainte Famille à Nazareth, dans la maison de Magdeleine à Béthanie, que Vous étiez au milieu de vos apôtres… »
Odile-Claude, petite sœur de Jésus

Pour ma part, frère Charles m’a appris à mieux aimer, à aimer comme Dieu nous aime. J’accueille et je partage avec celui qui rejette ma foi mais qui, me voyant lui ouvrir les bras et le cœur, partager mon pain avec lui, finit par se rapprocher de moi et qui se rapproche de son frère, se rapproche de Dieu. J’accepte d’être jugée mais par mon non-jugement et par mon amitié fraternelle, offerte gratuitement, mon frère qui ne connaissait rien de l’Evangile, s’en approche pour  construire et faire grandir le sentiment fraternel, cher à Jésus et à frère Charles. Entre musulmans et chrétiens, travaillons  le  « vivre ensemble, en paix », en étant tous frères.

Une membre de la Fraternité séculière

Église Catholique d'Algérie