Départ de Mgr Kurian Mathew Vayalunkal Nonce apostolique

Excellence, quand êtes-vous arrivé en Algérie ?

J’ai été nommé par Pape François le 1er janvier 2021, mais avec la Pandémie de covid-19, je suis arrivée finalement le 26 mai 2021 et j’ai présenté mes Lettres de Créances au Président Tebboune le 26 juillet 2021.

J’ai été nommé pour le Chili le 15 mars 2025 et je partirai définitivement le 20 mai. J’aurai donc passé 4 ans en Algérie.

Après ces quatre années, que signifie pour vous partir ainsi ? Même si vous vous y attendiez, puisque normalement, vous changez de mission tous les quatre ans.

Quitter l’Algérie après quatre ans n’est pas facile. On s’attache aux gens, aux relations, surtout celles avec l’Église. Tout laisser derrière soi et partir vers un autre endroit complètement différent est un défi, mais c’est inévitable. Je pars donc avec un mélange de tristesse et d’acceptation, voyant cela comme la volonté de Dieu. Si le Saint-Père me nomme au Chili, j’y assumerai mes nouvelles responsabilités avec détermination, malgré la douleur du départ.

Avez-vous eu l’occasion de bien connaître l’Église d’Algérie durant ces années ? Que représentait pour vous cette expérience ?

Comprendre l’Église d’Algérie a été un défi. Venant de Papouasie-Nouvelle-Guinée, un pays majoritairement chrétien, la transition n’a pas été simple. Les premiers mois ont été un choc, mais j’ai progressivement découvert la vie quotidienne de cette Église, ses missionnaires, ses prêtres, ses sœurs et surtout ses laïcs. J’ai été particulièrement impressionné par le courage et la foi de la petite communauté catholique en Algérie.

Cette Église vit de nombreux défis avec la spiritualité de Charles de Foucauld comme guide. C’est une Église silencieuse, un peu cachée, mais qui avance malgré les difficultés qu’elle peut rencontrer. Nous trouvons toujours des solutions pour continuer le chemin.

Vous avez beaucoup travaillé durant ces quatre années…

Le rôle d’un Nonce Apostolique est d’un côté celui d’un ambassadeur comme tous les ambassadeurs des autres pays. Il participe à la consolidation des relations entre le Saint-Siège et le pays. Il représente le Saint Père comme Chef d’État du Vatican devant le gouvernement et il a la responsabilité de soutenir l’Église locale. J’aime dire que ma mission est un Pont entre le gouvernement et le Saint-Siège.

Le Nonce a aussi un rôle ecclésial : Le Nonce représente le Saint Père comme Pasteur de l’Église universelle devant l’Église locale. Il a notamment la mission d’accompagner l’Église, de chercher et proposer les nouveaux évêques, d’aider cette Église quand elle rencontre des difficultés. Pour cela le Nonce travaille en collaboration avec les évêques, les prêtres et toute l’Église. Là encore, il est un pont entre l’Église locale et l’Église universelle.

Concrètement, ces quatre années ici en Algérie et Tunisie ont été très intenses, marquées par de nombreux engagements et programmes. La première année a été perturbée par la pandémie de covid-19, limitant mes déplacements. En 2022, j’ai dû rentrer dans ma famille pour le décès de ma mère.

Ensuite, nous avons célébré le cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre le gouvernement algérien et le Saint-Siège, avec la visite de Monseigneur Gallagher, secrétaire pour les relations avec les États du Vatican. Cette visite a renforcé les relations bilatérales entre le Saint-Siège et la République algérienne, et aussi entre l’Église catholique locale et le gouvernement algérien.

Nous avons également vécu des moments importants que je vois aussi comme des cadeaux pour cette Église : la canonisation de Charles de Foucauld à Rome, l’obtention de la citoyenneté algérienne de Monseigneur Vesco, la création comme Cardinal de l’Archevêque d’Alger… Ces événements ont bien sûr valorisé l’Église catholique en Algérie.

Plus localement, nous avons assisté à des changements importants. En effet, ces dernières années nous avons réussi à renouveler presque tout l’épiscopat d’Algérie et Tunisie: le transfert de l’évêque d’Oran Mgr Vesco à Alger, l’ordination et l’installation de Mgr Davide Carraro à Oran, la nomination de Mgr Diego Sarrió Cucarella comme nouvel évêque de Laghouat-Ghardaïa, le transfert de Mgr Nicolas Lhernould de Constantine en Tunisie comme Archevêque de Tunis. À ce propos, le processus de nomination du nouvel évêque de Constantine est désormais à bon point et nous espérons que la nomination ne tardera pas…

Que retenez-vous de cette expérience dans un pays majoritairement musulman ?

Ce n’était pas ma première expérience dans un pays majoritairement musulman, mais c’était la première fois que je servais dans une Église aussi minoritaire. J’ai déjà travaillé au Guinée Conakry, Bangladesh, en Égypte où l’Église locale avait une présence significative. Ici, l’Église est surtout composée d’étrangers, ce qui rend l’expérience unique.

Dès le début, j’ai choisi de collaborer étroitement avec les évêques, les missionnaires et les prêtres. La Nonciature était ouverte à tous, créant une atmosphère de disponibilité et de flexibilité deux maîtres mots sur lesquels j’insistais avec moi-même et mon personnel. Il me semble que cela a bien fonctionné. Cette approche a permis de créer des relations solides et amicales, tant avec les membres de l’Église qu’avec les officiels du gouvernement.

Qu’est-ce qui vous manquera le plus en partant d’ici ?

Ce qui m’a profondément marqué ici, c’est l’histoire de cette Église et de ces deux pays, la Tunisie et l’Algérie, terres de Saint-Augustin et des nombreux saints des premiers siècles, de Saint Charles de Foucauld et des 19 bienheureux d’Algérie. Le sang des martyrs algériens est une force pour cette Église, et j’étais fier de dire que je suis le nonce de la terre de Saint Augustin et de ces saints martyrs. Travailler sur cette terre historiquement importante a été une bénédiction.

Nous avons créé une belle amitié et une collaboration étroite avec cette Eglise. Chaque décision était discutée avec les évêques, et nous avons toujours cherché l’aide des missionnaires, des prêtres et des sœurs. Cette solidarité et cette collaboration ont été essentielles, surtout dans les moments difficiles.

En tout les cas, je garderai beaucoup de souvenirs, d’expériences et surtout les visages de nombreuses personnes (évêques, prêtres, religieux et religieuses, diplomates, laïcs, étudiants subsahariens, bénévoles, etc.) que j’ai pu rencontrer au cours de mes visites dans ce pays et dans les diocèses. C’est notre regretté pape François qui m’a nommé nonce apostolique au Chili en me confiant la mission de continuer à travailler pour la gloire de Dieu et pour le bien du peuple de Dieu de ce pays. Concrètement je quitterai l’Algérie le 20 mai ; alors, je voudrais vous demander, s’il vous plaît, de continuer à prier pour moi et pour ma nouvelle mission.

Propos recueillis par Didier Lucas

Église Catholique d'Algérie