La distanciation est facile à appliquer dans la cathédrale d’Alger en cette célébration du mercredi des Cendres, l’homélie de Mgr Desfarges parle beaucoup d’amour , « car aime » est bien une autre façon de décliner le carême.
Descente dans la rue Didouche Mourad, toujours très animée en cette matinée ensoleillée, l’atmosphère est joyeuse, beaucoup de sourires, le carême y serait-il pour quelque chose?
Les terrasses de café se remplissent, les masques tombent «finalement on peut s’asseoir à la table d’un restaurant, on revit» m’explique Saïd . Un aveugle un peu perdu se fait accompagner par une dame qui lui explique comment arriver place Audin. Les femmes, en petites grappes, envahissent les magasins de vêtements, masques tombées, elles sourient. La police veille en différents lieux à la bonne tenue de cette foule qui semble sortir d’une longue léthargie. Cette diversité de personnes que l’on croise est toujours impressionnante.
Je m’assois à une terrasse, et commande un café, le ballet des serveurs m’interroge, ils me semblent désorientés et cherchent les places. J’interroge l’un d’eux, tout souriant, un peu timide : «Je fais ce travail pour la première fois car avec ma licence de français je n’ai pas rien trouvé, il faut bien faire quelque chose on ne peut pas rester sans rien faire, je suis content c’est mieux que rien .» un autre plus alerte, tout souriant, me dit «sa joie de reprendre le travail après six mois d’arrêt.»
Je rencontre un ami tout joyeux lui aussi «finalement les brasseries sont ouvertes, c’est magnifique!»
Place Émir Abdelkader plein de petits sourires pour se faire prendre en photo avec la statue de l’Émir. Je poursuis mon chemin, devant l’entrée des rôtisseries les tables ont disparu et les salles se remplissent. Le patron me dit avec un grand sourire «on est ouvert de 9h du matin jusqu’à 21h, il y a toujours plein de monde, on renaît! Ce corona nous a fait très mal .»
Sur le trottoir un jeune homme endormi devant une petite écuelle en plastique semble mal en point, le son d’une monnaie qui tombe le réveille rapidement.
Le chauffeur du taxi n’est pas en reste lui aussi est très content, les clients sont plus nombreux, même si le temps semble suspendu en ce mois de février qui évoque de nombreux souvenirs…
Autour du lycée Descartes les ados laissent éclater leur joie, çà grouille de tous côtés, les «fast food» sont envahis et on fait la queue jusque sur la route, ce qui ralentit un peu la circulation, normal « il faut bien laisser les jeunes se défouler!»
Bien entendu ce n’est pas l’entrée en carême qui a suscité cette exaltation mais la décision du gouvernement de ré-ouvrir les cafés et les restaurants il y a quelques jours.
En ce jour le Pape François parle de chemin pour «discerner vers où est orienté notre cœur».
Revoir des gens contents, joyeux, gais, sous ce beau soleil de février fait du bien à tout le monde. «Le Carême est une humble descente au-dedans de nous-mêmes et vers les autres. »
Élias Duric