Les religions, facteurs de paix ou sources de conflit ? La réponse la plus commune est que les religions sèment la division. Or le Saint Père dans sa dernière lettre Encyclique Fratelli tutti convoque les religions au service de la fraternité dans le monde pour aider notre monde à faire la paix. Est-ce naïveté de sa part ou invitation à un autre regard sur les religions ?
Avec l’Eglise, le Pape regarde et fait confiance au rayon de vérité qui illumine tous les hommes. Ce rayon de vérité, il le voit dans la valeur infinie que reçoit chaque personne humaine comme créature issue de la même origine divine. Il regarde la qualité des expériences morales et spirituelles que les croyants peuvent partager dans un esprit d’amour et de vérité.
Comment le pape François et le Grand Imam de l’Université d’El-Azhar Ahmed Al-Tayyeb ont-ils pu se reconnaître frères? Ils se sont fait proches l’un de l’autre. Le regard de foi en l’autre s’est nourri pour chacun de sa foi en Dieu. Le Pape rappelle au début de son Encyclique combien il s’est senti encouragé à l’écrire par le Grand Imam et le texte signé à Abou Dhabi rappelle que « Dieu a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoir et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux ».
Puisqu’elle est d’origine divine, la fraternité est universelle, est ouverte à toute personne sans exception. Chacun est « image visible du Dieu invisible et, de par sa nature même, sujet de droit que personne ne peut violer, ni l’individu, ni le groupe, ni la classe, ni la nation, ni l’État… ». Le pape note l’importance de la reconnaissance d’une transcendance pour faire fraternité. La raison à elle seule peut aider à faire avancer l’égalité, mais ne peut pas créer la fraternité. Le Pape croit et nous le constatons ici quotidiennement que : « Croyants de religions différentes, rendre Dieu présent est un bien pour nos sociétés. Et chercher Dieu d’un cœur sincère, à condition de ne pas l’utiliser à nos intérêts idéologiques ou d’ordre pratique, nous aide à nous reconnaitre comme des compagnons de route, vraiment frères. »
L’Encyclique nous conforte dans notre mission ici de faire signe de la fraternité universelle. Pour nous la différence religieuse est une chance et un défi. A la suite du Christ, le frère universel, chaque disciple de Jésus est appelé à vivre fraternellement avec tous, car dans le Christ tout homme lui est déjà donné à aimer comme un frère. Le défi de la différence de couleur de peau est une épreuve pour nos frères et sœurs subsahariens. Et il commence déjà dans notre Église très multiculturelle. Le défi est grand pour les enfants du pays devenus disciples. L’une d’elle témoignait ainsi : « un jour, la parole de Jésus : « aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent« , a ouvert mon cœur à une dimension jusque-là inconnue. Alors je peux aimer même ceux qui ne m’aiment pas ou ne m’aiment pas encore ». Et il est heureux de voir que le miracle de la fraternité finit par l’emporter sur les étroitesses d’appartenance identitaire, religieuse ou nationale.
Oui notre Église veut continuer à garder vivant le grand signe de la fraternité tracé dans le ciel algérien, à Oran, le 8 décembre 2018, lors de la béatification de nos frères et sœurs, martyrs du grand amour. Avec eux il nous était donné de rendre grâce pour le même martyre d’amour de nos frères et sœurs musulmans.
+ Paul Desfarges