Les Pères et la synodalité (1)

« Décider ensemble »

Nos Pères dans la foi avaient un sens très fin de la synodalité, cet appel à être Eglise ensemble, dans la diversité et la complémentarité des personnes, des charismes et des états de vie.

Saint Cyprien, Patron de l’Afrique du Nord en qualité de premier évêque à avoir connu le martyre (14 septembre 258), en donne un bel exemple concernant la manière de prendre des décisions. Dans une lettre adressée « à ses frères prêtres et diacres » de l’Eglise de Carthage, depuis la campagne où il a choisi de se réfugier en pleine persécution pour pouvoir continuer d’encourager ses frères, il écrit :

« Quant à ce que m’ont écrit nos confrères dans le sacerdoce, Donatus, Fortunatus, Novatus et Gordianus, je n’ai pu y répondre tout seul, m’étant fait une règle, dès le début de mon épiscopat, de ne rien décider sans votre conseil et sans le suffrage du peuple, d’après mon opinion personnelle. Quand par la grâce de Dieu je serai retourné près de vous, alors, en commun, comme le veut la considération que nous avons les uns pour les autres, nous traiterons de ce qui a été fait ou qui est à faire » (Lettre 14).

Cette « règle » que Cyprien s’est donnée « dès le début de son épiscopat » est en fait celle du fonctionnement synodal de l’Eglise, consistant à ne rien décider seul, mais à s’appuyer sur le « conseil » (consilium) du presbyterium et le « suffrage » (consensus) de toute la communauté, en vertu de la « considération les uns pour les autres » (honor mutuus). Il s’agit, dit le début de la lettre d’être « en mesure d’étudier en commun ce que demande le gouvernement de l’Église, et, après l’avoir examiné tous ensemble, d’en décider exactement ».

En ce court passage se dessine une théologie de la synodalité : tout s’enracine dans la « considération mutuelle », partant du principe que chaque personne, dans sa singularité, est un don irremplaçable, en elle-même et pour la communauté dans son ensemble. L’écoute de l’Esprit doit se faire à travers tous, dans un discernement convergeant vers l’accueil de la volonté de Dieu, objet d’un consensus d’adhésion à laisser émerger. La structure hiérarchique de l’Eglise y exerce le ministère spécifique du « conseil », c’est-à-dire, dans le vocabulaire de Cyprien, de la délibération avec l’évêque, pour faciliter en amont et acter en aval le consensus des fidèles. Il s’agit, par la prière et l’écoute mutuelle, de discerner en laissant d’abord s’exprimer chaque avis personnel, de discuter ensuite à partir de l’opinion émise par la plupart, enfin, de décider à la lumière de l’ensemble.

« La synodalité grandit dans l’implication de chaque membre dans les processus de discernement et de prise de décision pour la mission de l’Église », déclare le rapport de synthèse de la XVIe assemblée ordinaire du synode des évêques (octobre 2023). A des siècles de distance, nos anciens continuent de nous en donner un exemple inspirant.

+ Nicolas Lhernould

Église Catholique d'Algérie