Les femmes dans l’Église des premiers siècles
La question des « diaconesses »
En écho au 9e chapitre du rapport de synthèse de l’assemblée synodale d’octobre 2023, nous consacrons le dernier volet de notre bref parcours sur les Pères de l’Église et la synodalité à la place des femmes dans l’Église des premiers siècles. Pour ce qui touche aux origines, on se reportera avec profit à la catéchèse que le Pape Benoît XVI donna le 14 février 2007 sur ce thème, disponible en ligne sur le lien suivant : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/audiences/2007/documents/hf_ben-xvi_aud_20070214.html.
Même si elle ne correspond qu’à l’un des aspects du sujet, traité de manière beaucoup plus ample par l’assemblée synodale, la question de l’accès des femmes au ministère diaconal a fait débat, comme en témoigne le paragraphe suivant :
« A propos de l’accès des femmes au ministère diaconal, différents points de vue ont été exprimés. Certains considèrent cette évolution inacceptable, la jugeant en discontinuité avec la Tradition. Pour d’autres, en revanche, l’accès des femmes au diaconat rétablirait une pratique de l’Église primitive. D’autres encore voient dans cette suggestion une réponse appropriée et nécessaire aux signes des temps, fidèle à la Tradition et susceptible de trouver un écho dans le cœur de nombreuses personnes qui cherchent une vitalité renouvelée et une énergie dans l’Église. D’aucuns encore craignent que cette demande ne soit l’expression d’une dangereuse confusion anthropologique, laissant l’Église s’aligner sur l’esprit du temps »
(sur la synodalité, Rapport de synthèse, 9, « Les femmes dans la vie et la mission de l’Eglise », j, 2023).
La figure des « diaconesses » dans l’Église primitive n’est pas claire. A la fin de la Lettre aux Romains, Paul évoque la figure de Phébée, la qualifiant de « diaconesse » (diakonon) de l’Église à Cenchrée (cf. Rm 16,1), l’un des deux ports de Corinthe. Mais Paul ne donne aucun détails sur ce que recouvrait exactement ce service. Correspondait-il à un ministère institué ? S’agissait-il seulement d’un engagement méritant d’être souligné en vertu de sa qualité ou d’un mandat particulier ? Les Pères de l’Église ne sont pas unanimes. Origène, qui vécut à la charnière entre le IIe et le IIIe siècles, penche vers la première interprétation dans son Commentaire de la Lettre aux Romains (10,17). Clément d’Alexandrie, son contemporain, souligne dans les Stromates (3,6) le rôle dévolu à des femmes de seconder le ministère des apôtres dans des espaces domestiques. La Didascalie des apôtres (2,26), écrite en Syrie au IIIe siècle, et les Constitutions apostoliques (3,6), rédigées à Antioche vers la fin du IVe siècle, rapportent les fonctions diaconales attribuées aux femmes : l’évangélisation des femmes dans le cadre domestique, l’assistance au baptême des femmes (notamment pour l’onction sur le corps et au moment de leur sortie de l’eau), la visite aux malades… mais en soulignant qu’il ne leur était pas permis d’enseigner ni de baptiser elles-mêmes. Si les textes évoquant les « diaconesses » deviennent plus abondants en Orient à partir du IVe siècle, les femmes n’étaient pas considérées comme membres du clergé, quand bien même leur service diaconal était marqué par une cérémonie d’imposition des mains correspondant probablement plutôt à une bénédiction qu’à une ordination, même si les avis divergent sur ce point. Entre autres conditions pour y accéder, il fallait être vierge ou veuve d’un seul mari. Cette réalité des diaconesses sera présente surtout en Orient, mais ne se développera pas ou très peu en Occident. Dans certains mouvements hérétiques, comme le montanisme fondé en Phrygie au IIe siècle, des femmes enseignaient, baptisaient et assumaient des charges presbytérales ou même épiscopales, au sens donné à ces fonctions par le mouvement, différent de celui de l’Église catholique.
« La réflexion autour de cette question est liée à la réflexion plus large à propos de la théologie du diaconat (cf. chap. 11, h – i) », note le rapport de l’assemblée synodale d’octobre 2023 (cf. Id, 9, k). Plusieurs commissions théologiques instituées par les papes s’y sont attelées depuis la restauration du diaconat permanent par le concile Vatican II en 1964, sans conclusion définitive à ce jour.
+ Nicolas Lhernould