Le fonctionnement de l’Eglise des premiers siècles était naturellement synodal. Chaque fois que des questions d’intérêt commun devaient être réfléchies ou que des décisions importantes devaient être prises, c’est ensemble que la communauté chrétienne le faisait. Dans l’Eglise ancienne existaient des « synodes » provinciaux ou régionaux. Les deux termes de « synode » et de « concile » étaient utilisés indifféremment pour ces assemblées régionales. Il s’agissait de réunions fréquentes, que le concile de Nicée rendra obligatoires à partir de 325. A Carthage, ces synodes se réunissaient deux fois par an. A partir de la fin du IV° siècle, sous l’impulsion d’Aurèle, évêque de Carthage, et d’Augustin, évêque d’Hippone, la pratique sera intensifiée, les rassemblements pouvant avoir lieu dans différentes villes de la province (Carthage, Hippone…). Il est intéressant de noter – est-ce une cause ou un symptôme ? – que l’âge d’or du christianisme ancien en Afrique du Nord a coïncidé avec la période où ces assemblées régionales ont été les plus nombreuses et les plus régulières.
Ces assemblées synodales, ou « conciles régionaux », étaient constitués de chrétiens de tous les états de vie, issus de toutes les Eglises particulières d’une même province ecclésiastique : évêques, prêtres, diacres, moines, laïcs. C’était l’une de leurs caractéristiques de ne pas être réservés aux seuls évêques. Y étaient aussi invitées des personnes venant d’autres provinces, pour renforcer et manifester l’unité des Eglises. L’objectif des débats, appuyés sur l’Ecriture et les coutumes éprouvées de l’Eglise, était de parvenir autant que possible à l’unanimité, vue comme signe de la volonté de Dieu. En résultait la rédaction de « lettres synodales », qui étaient transmises à toutes les communautés locales, dont nous possédons encore beaucoup d’exemples. Cette pratique était déjà présente à l’époque des apôtres eux-mêmes, comme en témoigne le livre des Actes (Ac 15).
Les conciles étaient dits « œcuméniques » lorsque l’assemblée réunissait des participants de toute la chrétienté, entendons, à l’époque ancienne, de la Méditerranée dans son ensemble. Dans ce cas, on n’employait pas le mot « synode ». L’adjectif « œcuménique » n’avait rien à voir avec la question moderne de l’unité des chrétiens, mais désignait le caractère universel de la réunion. Les premiers grands conciles œcuméniques ont été celui de Nicée en 325, de Constantinople en 381, d’Ephèse en 431, de Chalcédoine en 451… Les participants étaient seulement des évêques, avec éventuellement quelques autres personnes. L’empereur jouait un rôle important dans la convocation des conciles œcuméniques, l’accompagnement de leurs décisions, qui acquéraient valeur de lois une fois promulguées par ses soins. Il faut se replacer dans le contexte : à partir de l’édit de Théodose, le 28 février 380, le christianisme était devenu religion d’Etat dans l’empire.
Lors du synode d’octobre 2023, ces questions ont fait à nouveau débat :
« La présence d’autres membres, en plus des Évêques, en tant que témoins du chemin synodal a été appréciée. Toutefois, la question des conséquences de leur présence en tant que membres à part entière sur le caractère épiscopal de l’Assemblée reste ouverte. Certains y voient le risque que la tâche spécifique des Évêques ne soit pas comprise de manière adéquate. Il convient également de clarifier les critères qui conduisent à appeler des membres non Évêques à faire partie de l’Assemblée. […] S’il est possible de penser au niveau régional à des étapes successives (une assemblée ecclésiale suivie d’une assemblée épiscopale), il apparaît opportun d’étudier comment cela pourrait être proposé au niveau de l’Église catholique dans son ensemble. Certains considèrent que la formule adoptée lors cette Assemblée répond à cette exigence, d’autres suggèrent qu’une assemblée ecclésiale soit suivie d’une assemblée épiscopale pour achever le discernement, d’autres encore préfèrent réserver aux Évêques le rôle de membres de l’assemblée synodale » (Rapport de synthèse, n. 20, d.f).
Le droit canonique de l’Eglise prévoit un outil très peu utilisé : le concile particulier ou provincial, qui réunit diverses Eglises d’une même province ecclésiastique (en Afrique du Nord, il n’y en a qu’une, en Algérie, regroupant l’archidiocèse d’Alger et les diocèses de Constantine et Oran). Y participent les évêques de la province, et aussi, avec voix consultative, des prêtres et des laïcs dont le nombre ne dépasse pas la moitié de l’assemblée (cf. canons 439s.). Ces conciles peuvent aussi être régionaux, rassemblant toutes les provinces ecclésiastiques d’une même conférence épiscopale (ce qui, en Afrique du Nord, correspondrait aux Eglises de Libye, de Tunisie, d’Algérie et du Maroc). Sans doute serait-il utile de retravailler ces outils, en puisant à l’expérience des conciles régionaux antiques. En Afrique du Nord, le dernier concile régional à avoir été célébré remonte à 1925. C’était à Alger, il y a bientôt 100 ans…
+ Nicolas Lhernould