Des chefs religieux africains, chrétiens et musulmans, ont adressé une déclaration conjointe au G20, au G7, aux Nations Unies, au FMI et à la Banque mondiale, appelant à un allègement de la dette de l’Afrique en vue du Jubilé de l’espérance de 2025.
Lisa Zengarini – Cité du Vatican
À l’approche de l’année jubilaire 2025, les chefs religieux africains se sont joints aux appels croissants en faveur d’une nouvelle série d’annulations de la dette pour l’Afrique, affirmant que cette dernière ne permet pas aux pays les plus pauvres de répondre aux besoins de leurs populations dans les domaines de la santé, de l’éducation et des services sociaux. Des représentants des Églises chrétiennes, de la communauté musulmane, des conseils nationaux des Églises et des conseils interreligieux de 13 pays d’Afrique se sont réunis à Kigali, au Rwanda, la semaine dernière pour discuter de cette question cruciale sur laquelle le pape François s’est souvent penché.
Dans une déclaration conjointe adressée au G20, au G7, aux Nations Unies, au FMI et à la Banque mondiale, ils ont appelé à des changements substantiels dans le système économique mondial pour permettre à ces pays de se développer et d’investir dans les services sociaux, de santé et d’éducation pour leurs populations.
L’Afrique dépensera 90 milliards de dollars au service de la dette publique en 2024
«Nos pays sont à nouveau confrontés à des choix déchirants entre dépenser et investir pour leur population et payer leurs créanciers », indique le communiqué, faisant remarquer que «rien que cette année, l’Afrique dépensera 90 milliards de dollars américains pour le service de la dette publique», tandis que «les dépenses combinées d’un pays africain moyen dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la protection sociale représentent les deux tiers de leurs paiements de dette».
Le succès de la campagne d’allégement de la dette du Jubilé 2000
Les chefs religieux ont rappelé le succès de la campagne menée par les communautés religieuses et les militants à l’approche du grand jubilé de l’an 2000, qui a abouti à la plus grande initiative collective d’allègement de la dette de l’histoire. L’idée a été inspirée par le Jubilé biblique des 50 ans de l’ancien Israël, que l’Église catholique célèbre tous les 25 ans comme un temps de renouveau spirituel dédié au pardon et à la réconciliation avec Dieu et les autres. L’initiative Jubilé 2000 a mobilisé 130 milliards de dollars américains pour l’allégement de la dette, ce qui a permis d’importants investissements dans la réduction de la pauvreté dans plusieurs pays.
«Malheureusement, les inégalités dans les systèmes fiscaux, financiers et commerciaux internationaux, ainsi que les lacunes dans la gouvernance nationale, ont continué à favoriser une dette insoutenable». Les chefs religieux remarquent que ces défis financiers ont été aggravés par les conflits et les guerres, entre autres «chocs multiples», notamment la pandémie de Covid-19 et le changement climatique. «De multiples chocs se poursuivent en raison des guerres et des conflits, de la fragilité des systèmes de santé, du changement climatique, de la pénurie alimentaire et de la montée en flèche du coût de la vie».
Placer les personnes et la Terre au-dessus de la dette
Les responsables religieux exhortent donc les prêteurs mondiaux à aligner leurs actions et leurs décisions dans les mois à venir sur les valeurs jubilaires «qui placent les personnes et la Terre au-dessus de la dette». La déclaration appelle tout d’abord à «annuler les dettes qui sont impayables sans mettre en danger la réalisation des objectifs de développement et de climat de l’ONU à l’horizon 2030». Selon les chefs religieux, les pays en développement devraient avoir accès à des processus permanents, fondés sur des règles, et prévisibles qui obligent tous les créanciers à réduire leur dette, «afin de limiter les souffrances inutiles et de réduire le coût des crises pour tous».
Ils appellent, en outre, à la mise en œuvre de principes de prêt et d’emprunt responsables: «par le biais des lois, de règlements et de meilleures pratiques, les prêteurs et les emprunteurs ont un rôle à jouer pour prévenir l’émergence de nouveaux cycles de dettes inutiles et insupportables, y compris par le biais de régimes d’autorisation et de divulgation pour les contrats de dette», disent-ils. Il est également nécessaire d’intégrer le partage des risques entre créanciers et débiteurs dans les contrats de dette: «Dans un monde plus sujet aux chocs, les pays en développement endettés ne devraient pas être laissés seuls pour supporter les coûts des catastrophes climatiques, des pandémies et d’autres événements indépendants de leur volonté», remarquent les chefs religieux. Enfin, la déclaration appelle à élargir l’accès aux ressources pour le développement à des conditions abordables et non créatrices de dette.
Les responsables religieux concluent leur déclaration en rappelant à la communauté internationale qui se trouve à la croisée des chemins: «vous avez le pouvoir et la responsabilité de l’orienter sur le chemin qui restaure l’espoir et le renouveau», ont-ils déclaré.