Notre petite Église du Sahara est une vraie Église ! Elle vibre au même rythme que l’Église universelle et s’efforce, évidemment, d’être en communion avec l’ensemble du Peuple de Dieu. C’est l’une des raisons pour lesquelles notre nouvel évêque, Mgr Diego, une fois installé en mai dernier et après avoir pris connaissance des différentes communautés, a souhaité, dans son premier programme, nous inviter à accomplir une démarche jubilaire avant la fin de l’Année sainte. Le rendez-vous fut donc donné les 18 et 19 décembre derniers dans la ville d’El Meniaa (anciennement El Goléa), où la tombe de saint Charles de Foucauld fait de cette oasis l’un des lieux de rayonnement spirituel du Sahara algérien.
L’équipe de préparation — sœur Zawadi de Ghardaïa, le père Vincent de Ouargla, sœur Lucy de Hassi Messaoud et frère Hubert de Béni Abbès — s’était inspirée du thème de l’Année jubilaire pour organiser la partie liturgique du pèlerinage. Elle a également veillé avec soin à toute la logistique nécessaire à l’accueil des pèlerins, assurant que chaque détail pratique soit parfaitement pris en charge. Certes, nous n’étions pas une foule immense — seulement trente-cinq personnes —, mais certaines venaient de plus de mille kilomètres et représentaient, par la diversité des âges et des nationalités, toute la catholicité de notre Église diocésaine.
L’accueil, très simple, fut magnifiquement assuré par les Sœurs de Notre-Dame de La Salette — Josée, Perline et Marie-Ursule — et par le père Bruno, qui ont également mobilisé des amis pour nous soutenir dans l’organisation pratique. Mention spéciale à une veuve qui a préparé pour tous un couscous à la fois copieux et savoureux !
Tout au long de la journée d’arrivée, une pluie abondante a accompagné les pèlerins en chemin, signe que Dieu nous bénissait ! Le jeudi 18 au soir, nous avons commencé par les mots de bienvenue de l’équipe organisatrice, suivis de la célébration eucharistique dans la salle transformée en chapelle. Beaucoup d’entre nous avaient laissé leurs chaussures à l’entrée, image très touchante de piété populaire et d’adaptation au milieu. Des explications ont ensuite été données sur le déroulement de la journée suivante, et chacun a reçu, sur son téléphone portable, les détails du programme. Après un dîner fraternel, riche de rires et d’anecdotes, une nuit de repos bien méritée nous attendait.
Le vendredi 19 décembre, après un café bien chaud, nous nous sommes retrouvés à la chapelle, où le père José María, de la communauté d’Adrar, nous a partagé les raisons pour lesquelles il rend grâce à Dieu depuis son arrivée en Algérie en 2002. Nous nous sommes ensuite mis en route pour marcher en pèlerins vers l’église Saint-Joseph, dans la palmeraie de Belbachir. Comme les disciples d’Emmaüs, chacun avait reçu un « Cléophas » (tiré au sort) avec qui partager en chemin ses motifs d’action de grâce. Ce fut sans doute l’un des plus beaux moments du pèlerinage : entendre, de la bouche les uns des autres, tout ce que le Seigneur a accompli pour nous depuis nos arrivées respectives en Algérie. La marche à travers la ville et les palmiers nous a paru trop courte, tant les partages étaient riches et la joie grande d’apprendre à mieux nous connaître.
Au fur et à mesure de leur arrivée à l’église, les pèlerins se rassemblaient autour de la tombe de frère Charles pour la récitation du chapelet, permettant ainsi à ceux qui marchaient plus lentement de rejoindre le groupe.
Une fois tous réunis, notre évêque nous a introduits dans le rite de la traversée de la Porte sainte, et nous avons suivi la Croix jubilaire, fièrement portée par Elias, un jeune universitaire burundais. En chantant le psaume 23, nous avons rempli le temple, soigneusement préparé pour l’occasion. La démarche pénitentielle a ensuite pris le relais, avec un temps prolongé de méditation de la Parole de Dieu et la possibilité de recevoir personnellement le sacrement de la réconciliation.
Un repas pris à la manière locale, en petits groupes assis par terre autour d’une table basse, a refait nos forces et ouvert un temps de détente autour du café ou du thé, d’échanges amicaux et, bien sûr, du jeu de cartes « Uno », devenu presque le jeu officiel du diocèse tant il est apprécié dans les différentes communautés, pour le bonheur et le rire contagieux de tous.
Frère Ventura n’ayant pu quitter son ermitage de l’Assekrem, il a néanmoins eu la générosité de nous envoyer un long texte pour la troisième partie du pèlerinage, centrée sur les raisons d’espérer. Il y relit avec profondeur les différents moments de la vie de notre Église d’Algérie, nous encourageant à durer dans ce pays et à y aimer. Son confrère Zbechék a également proposé un texte. Les deux partages ont été lus — presque déclamés ! — par frère Hubert.
L’Eucharistie finale a été présidée par notre évêque, entouré des prêtres du diocèse et du Provincial des Pères Blancs, le père Benoît, venu pour l’occasion. Les chants, en français, en arabe et en anglais, nous ont permis de vivre un moment d’une grande intensité. Tandis qu’au-dehors le soleil déclinait et que l’obscurité gagnait l’église et le monde, nous avons allumé nos bougies, apportant clarté et joie autour de nous : quelle plus belle manière de conclure cette journée jubilaire ! Ce fut aussi le témoignage d’un ami médecin musulman qui, en nous voyant, s’est exclamé : « Merci d’avoir réanimé notre église. »
À la fin de la journée, malgré le froid et la fatigue, certains ont choisi de refaire le chemin du retour à pied plutôt que de prendre la voiture, signe que les échanges étaient riches et que l’on comprend mieux pourquoi les disciples d’Emmaüs sont rentrés de nuit, le cœur brûlant.
Dès la nuit, les premiers départs ont eu lieu vers nos lieux de vie, prêts à parcourir à nouveau des centaines de kilomètres. Les autres se sont dispersés au fil de la journée, par petits groupes : on aurait dit des disciples envoyés en mission. Tous repartaient avec le sourire aux lèvres et le cœur brûlant, déterminés à demeurer serviteurs de l’espérance.
Texte : José Maria Cantal Rivas, M.Afr.
Photos : René Mounkoro, M.Afr.
