Le Pape François s’envole jeudi 3 novembre pour le Bahreïn. Pour ce 39e voyage apostolique, le Saint-Père rencontrera une petite communauté catholique immergée dans un royaume qui applique la loi islamique, la charia, tout en garantissant la liberté de culte aux autres religions. Entretien avec Mgr Paul Hinder, administrateur apostolique pour l’Arabie du Nord.
Entretien réalisé par Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican
Le 39e voyage apostolique du Souverain pontife l’amène pour la deuxième fois dans la région du Golfe après, il y trois ans, une visite aux Émirats arabes unis. À Bahreïn, le Saint-Père clôturera le forum pour le dialogue entre Orient et Occident organisé à Awali; il s’entretiendra avec le roi Hamad ben Issa Al Khalifa, avec le conseil des sages musulmans et avec le grand imam Al-Tayeb, avec lequel François a signé le Document pour la fraternité humaine, à Abou Dhabi en février 2019.
Au programme également, une large place accordée à la communauté catholique, minoritaire et essentiellement composée d’expatriés et de travailleurs immigrés. Cette communauté est immergée dans un royaume qui applique la loi islamique, la charia, tout en garantissant la liberté de culte aux autres religions. C’est cette réalité que présente l’administrateur apostolique pour l’Arabie du Nord, Mgr Paul Hinder.
Le Pape entame un voyage dans un pays du Golfe, à large majorité musulmane. Ce pays qui ne compte que deux paroisses à Awali et Manama, dans les deux villes que François visitera; qui est cette communauté catholique?
Au Bahreïn vivent à peu près 80 000 catholiques qui proviennent pratiquement du monde entier, mais surtout de l’Afrique, de l’Inde, des Philippines et des autres pays. Cela donne un visage particulier à cette Église.
Bahreïn applique la charia, autrement dit la loi islamique. Mais c’est un pays aussi où les religions jouissent de la liberté de culte. Cela veut-il dire que la charia est compatible avec la rencontre des cultures et des religions?
Cela dépend toujours de la façon dont elle est appliquée. Bahreïn a toujours été très ouvert à l’égard des autres religions, quand même. Pour l’Église catholique, il faut remonter à 1939 quand on a obtenu la première église à côté des grandes écoles arabes. Alors on profite de cette ouverture qui est plus grande que dans d’autres pays de la région.
On présente aussi Bahreïn comme un État, et ce n’est pas le premier d’ailleurs que le Pape François visite, où l’on applique la peine de mort, où les droits humains ne sont pas pleinement respectés. Est-ce que sur ce terrain-là, l’islam au Bahreïn, les dirigeants du Bahreïn sont ouverts au dialogue?
Je pense que le Pape, discrètement, parlera aussi de cette situation. Il est au courant. Évidemment, des choses pareilles, probablement, ne feront pas la publicité que certains peuvent attendre. Mais comme je connais le Pape, il ne se taira pas et peut-être qu’il ne se prononcera pas en public sur de telles questions.
Le programme de François prévoit évidemment du temps avec la communauté catholique, mais également une prière œcuménique et une rencontre avec le conseil des sages musulmans. Et puis il y aura aussi une rencontre avec l’imam Al-Tayeb, avec lequel François a signé le document, rappelons-le, sur la fraternité humaine. Que vous inspire personnellement cette relation presque d’amitié qui s’est installée maintenant entre le Pape François et le grand imam d’Al-Azhar?
Oui, je crois que le terme amitié est juste. J’ai constaté cela déjà il y a trois ans, quand le Pape est venu à Abou Dhabi. C’était clair et il y a là un rapport particulier qui est plus avancé, plus profond peut être qu’avec d’autres dirigeants musulmans. Et le Pape profite de cette relation particulière pour pousser de l’avant, je dirais le dialogue.
Évidemment, il ne voudrait pas le limiter seulement à une portion ou une partie du monde musulman, et probablement, il aura aussi la possibilité d’approfondir les relations, pas seulement avec les sunnites, mais aussi avec les chiites ou d’autres tendances à l’intérieur du monde musulman.
Ce que je vois c’est que le Pape est conscient qu’il faut améliorer les rapports entre les religions et de trouver une base commune pour agir au regard des grandes questions de l’humanité qui sont la paix, la justice, le climat et bien d’autres choses, y compris évidemment, les droits humains.