Billet de l’évêque: « Le juste doit être humain » (Sg 12,19)

Cette photo m’a bouleversé. Elle accompagnait une dépêche publiée en juillet au sujet des migrants en Méditerranée. Le visage de cette maman, son angoisse, sa détresse, auxquelles répondent terriblement le visage et l’angoisse de ce petit garçon. Impossibilité pour elle d’offrir une espérance. Douleur de l’un et de l’autre, pesante, insupportable quand une consolation semble à ce point inatteignable. Comment sont-ils arrivés là ? Qu’est-il advenu d’eux au-delà du rivage ? La photo ne le dit pas et ne peut pas le dire, saisissant cette angoisse en un instant vertigineux. J’ai longuement prié devant cette image, pour cette maman, son fils, ceux et celles qui secourent les personnes en détresse, ceux et celles également qui exercent un pouvoir au service du bien commun ; en pensant intensément à cette parole du livre de la Sagesse : « Par ton exemple, tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain » (Sg 12,19). Une personne n’est jamais un problème à résoudre mais toujours et d’abord un visage à aimer. Face aux défis du monde, répondre avec justesse à la question « que faire ? » suppose d’abord d’oser, à hauteur de visages, en formuler une autre, avec humilité : « qui es-tu », toi dont j’ignore l’histoire, la beauté, la richesse, les rêves, la pauvreté, la souffrance, la recherche, l’espérance, la vie ? Qui es-tu, toi dont je partage l’humanité qui nous fait frères et sœurs même si nos chemins semblent si éloignés ? Vos visages ont touché en moi jusqu’au plus vulnérable. Le 22 septembre, à Marseille, sur les hauteurs de Notre-Dame-de-La-Garde, le pape François prononçait ces paroles, évoquant les personnes qui n’ont pas survécu au péril de la mer. J’espère de tout mon cœur que vous êtes en vie, et que d’autres rencontres ont permis que lève sur vos visages l’aurore d’une nouvelle espérance : « Ne nous habituons pas à considérer les naufrages comme des faits divers et les morts en mer comme des numéros : non, ce sont des noms et des prénoms, ce sont des visages et des histoires, ce sont des vies brisées et des rêves anéantis. […] Devant un tel drame, les mots ne servent à rien, mais des actes. Mais avant cela, il faut de l’humanité, il faut du silence, des larmes, de la compassion et de la prière […] » Tout cela, vos regards l’ont réveillé en moi, d’une manière intense, inattendue. Dieu soit béni pour notre rencontre. Qu’il vous protège et vous garde, qu’il fasse briller sur vous son visage et vous donne la paix. Qu’il vous rende aussi au centuple tout ce qu’il m’a donné à travers vos visages.

+ Nicolas Lhernould

Evêque de Constantine et Hippone

Photo Illustration : https://www.rtl.be/actu/monde/international/Article n° 572803 – 26/07/2023

Église Catholique d'Algérie