Célébré jusque dans les écrits de Karl Marx, André Gide, Albert Camus ou Jacques Derrida, l’histoire du Jardin d’Essai du Hamma à Alger, considéré comme un des plus importants jardins d’acclimatation au monde, se confond précisément avec celle de la colonisation. C’est effectivement le 30 décembre 1832, que le Général Antoine Avisard signe le décret portant création du Jardin d’Essai.
Il s’étale sur une parcelle de cinq hectares expropriée à un Algérien au lieu-dit El Hamma à l’est d’Alger. On y entame alors l’assainissement de quelques hectares de terrains marécageux, dans le but de les transformer en terres agricoles. A cette époque, les majeures préoccupations étaient la création d’un jardin d’expérimentation capable de propager la culture des végétaux les plus utiles et auxquels convient le sol et le climat d’Afrique.
Les plus hautes instances de l’État s’impliquent et font parvenir au jardin d’Essai dénommé en 1837 « Pépinière centrale du gouvernement » des végétaux sous toutes les formes (graines, boutures…), de toute nature (arbres, arbrisseaux, plantes fourragères…) et de toutes les parties du monde (Afrique tropicale, Asie, Amériques, Australie). L’archevêque d’Alger envoyait des graines de Rome pour des essais au jardin. Et à côté des productions végétales et animales, l’industrie de transformation et études technologiques (soie, sucre de canne, alcool de tubercules, huile d’olive…) occupe un volet important. La théorie de l’acclimatation connaît un engouement sans pareil. A cette période, le Jardin d’essai manifeste son activité dans tous les domaines de l’agriculture et de l’horticulture et devient un jardin botanique de renommée mondiale. Auguste Hardy, Directeur, en tentant l’acclimatation de ces plantes, enrichit les diverses collections. En 1867, il dénombre 8 214 espèces et variétés, près de la moitié d’origine tropicale et qui confèrent au jardin une dimension exotique.
L’âge d’or du Jardin du Hamma
Depuis, le jardin n’est que succession d’agrandissements jusqu’à atteindre une surface de 60 hectares. « Devant cette diversité de végétaux, venus là des régions les plus opposées et les plus lointaines, le visiteur attentif en quelques heures de promenade, se donne facilement l’illusion d’un voyage autour du monde » témoignait Charles de Galland. Ainsi, petit à petit le jardin d’Essai commence à prendre forme sous la houlette de Auguste Hardy nommé directeur en 1842 « une surface presque carrée, trois axes principaux qui traversaient le jardin du nord au sud (allée des Platanes créée en 1845, l’allée des Dragonniers et l’allée des Bambous créées en 1847 et l’allée des Ficus créée en 1864) et délimitaient ainsi les grands secteurs (le jardin à la française, le jardin à l’anglaise, la pépinière, les serres).
En 1860, le lac est creusé où trône ‘’la Baigneuse ‘’ du sculpteur Georges Bigue une des statues emblématiques du jardin qui ornent les allées. Devenu aussi un lieu de villégiature et de promenade, des travaux d’embellissement sont entrepris en 1914 par les architectes Régnier et Guion, lauréats d’un concours à qui on doit la perspective du jardin français qui s’étend du musée national des Beaux-Arts (créé en 1930) à la rue Hassiba Ben Bouali sur une superficie de 07 hectares. C’est là que le jardin prend sa forme définitive qu’on lui connaît encore aujourd’hui. « Adossée à une terrasse, une large perspective, encadrée par l’alignement de somptueux palmiers et ponctuée de miroirs d’eau, est réalisée et l’inauguration du musée des Beaux-Arts qui domine le site et l’oriente sur les horizons marins, donne à l’ensemble un caractère classique, monumental et définitivement triomphant » (1).Parallèlement, un jardin zoologique voit le jour en 1900 à l’initiative du Dr Joseph d’Ange, réaménagé en 1930 pour accueillir des oiseaux aquatiques, des singes, des lions, des panthères, mais aussi un élevage d’animaux de basse-cour.
De nouvelles directives permettent la création en 1918 de l’Ecole d’horticulture et l’Ecole ménagère. Le but étant de mettre en place un laboratoire agronomique où on étudierait la production et la propagation des espèces végétales utilitaires.
Classé en 1967 comme monument naturel par la législation algérienne, le jardin ferme en raison de travaux de réhabilitation entre 2001 et 2009.
Vers un classement universel
Il est renommé, Jardin botanique du Hamma en 2018. M. Boulahia Abdelkader , Directeur du jardin botanique nous confiera avec enthousiasme « son classement universel imminent parmi les grands jardins du monde et parcs zoologiques ; pour ce, nous avons élaboré un dossier que les experts internationaux en jardins botaniques ont validé dont Mme Maïté Delmas du Muséum d’Histoire naturelle de Paris et vice-présidente de Jardins botaniques de France et des pays francophones qui s’est prononcé sur sa conformité pour être classé jardin universel ».
Dans cette démarche, le jardin botanique se réapproprie sa vocation originelle, celle d’un grand espace d’étude de la flore et de la faune, consolidé par son Conseil scientifique. Ce qui a permis selon son directeur « de réhabiliter l’Ecole d’horticulture pour la relance des métiers de jardiniers, de cueilleurs et de pépiniéristes et par la même d’intensifier nos échanges et nos partenariats ».
Dalila Ziani
Extrait de la revue Hayat N° 240
Sources :
- « Le jardin d’Essai du Hamma : Histoire d’un jardin colonial » de Ghanem Laribi et Sofiane Hadjadj.
- « Jardins d’Alger » de Catherine Rossi, Editions Dalimen 2012
- Babzman, « le Jardin d’Essai »
Le jardin du Hamma : un enjeu touristique
Conscient de cet enjeu touristique, cet espace propice à la promenade et à la découverte et qui a servi de décor au film Tarzan, l’homme singe en 1932, continue de subir des travaux d’embellissement et même de restauration des statues et sculptures’’ confiées notamment à un artiste, enseignant à l’école des beaux-arts, Mr Belkhalfa ‘’ nous précisera Mr Boulahia en ajoutant que ‘’le Jardin d’une superficie de 30 hectares ,est devenu une destination privilégiée et incontournable pour bon nombre de touristes en plus de nos visiteurs nationaux dont le nombre s’élève à près 1,9 millions en 2018. Un chiffre éloquent pour un jardin mythique enraciné depuis presque deux décennies.