« Il ne peut y avoir de plus grand don que celui de donner son temps et son énergie pour aider les autres sans rien attendre en retour» avait dit un jour Nelson Mandela. C’est dans cette force évangélique que s’inscrit le couple Davienne. Ah qu’ils sont beaux leurs pas, doux leur voix au service de l’Eglise Sœur de Constantine! Qui sont-ils et que font-ils ?
Garder la maison ouverte, y prier,
en faire une « Oasis » de paix…
R. SANON, SAB : Merci de bien vouloir vous présenter: vos origines, votre situation matrimoniale ?
M. et Mme DAVIENNE : Nous sommes Pierre et Geneviève Davienne, mariés depuis 48 ans, parents de 8 enfants et grands-parents de 11 petits-enfants. Nous sommes originaires de Reims pour Pierre, de Strasbourg pour Geneviève
R. SANON, SAB : Que faisiez-vous avant votre arrivée en Algérie ? Pourquoi êtes-vous venus en Algérie, où et depuis quand?
M. et Mme DAVIENNE : Nous nous sommes rencontrés dans le Mouvement ATD Quart-Monde, en région parisienne, mais avions déjà un point commun à ce moment-là : nous étions venus tous les 2, sans nous connaître, en Algérie, en juillet 1971 pour donner des cours de soutien à de jeunes collégiens durant l’été (Pierre à Ghardaia, Geneviève à Alger,) cours proposés par des établissements Pères Blancs.
Le Mouvement ATD Quart-Monde (Aide à Toute Détresse) a rejoint dans les années 1950 des familles exclues et vivant dans une extrême pauvreté dans nos pays riches. Le fondateur, le P Joseph Wrésinski qui avait connu la misère, s’est battu pour que ces hommes et ces femmes aient les moyens de se libérer de l’assistance par le savoir, la culture, l’art, la spiritualité. Pour que les plus pauvres puissent avoir une parole et une place de choix dans l’Église, nous avons initié avec un autre couple une communauté, la Communauté du Sappel. Le nom de cette communauté est un lieu-dit près de Lyon où elle est née. Son objectif est de permettre à des familles exclues qui le désirent de rejoindre une communauté d’Eglise et en même temps de permettre aux communautés chrétiennes de se constituer autour du souci du plus pauvres, de vivre la fraternité, signe du Royaume qui vient. Cela se fait par des propositions de groupes de prière, des temps de partage de la Parole, de temps de créations artistiques pour exprimer la vie difficile que vivent les familles, mais aussi leurs espoirs et leurs joies. Tous cela dans un « vivre avec » qui est indispensable.
Pour son 30ème anniversaire nous avons senti qu’il fallait laisser la place à des plus jeunes pour la conduire. Nous avons alors répondu à l’appel de Nicolas Lhernould, évêque de Constantine, à venir soutenir l’Église d’Algérie.
R. SANON, SAB : Quels sont les activités qui sont les vôtres depuis votre arrivée?
M. et Mme DAVIENNE : Nous avons été quelques mois à Batna, bien introduits auprès de la population et peu à peu « initiés » au fonctionnement de la société algérienne, à sa culture, à ce que vit le peuple algérien, à ses soucis et à ses joies. Tout cela reste évidemment plein de questions pour nous ! Cela nous a permis d’arriver à Tébessa début octobre, introduits aussi par Sr Anne Dujardin auprès de quelques familles ou personnes proches des sœurs FMM (Franciscaines Missionnaires de Marie). Nous savons combien nous profitons de l’héritage impressionnant des prêtres et sœurs qui sont passés là et qui ont marqués des générations de familles ici ! Pour l’heure, nous avons « la mission » de garder la maison ouverte, d’y prier, d’en faire une « Oasis » de paix, de contemplation, tant pour les chrétiens qui voudraient y prendre un temps de ressourcement que pour les habitants de Tébessa qui ont envie de parler et d’échanger. Nous nous rendons disponibles à ceux qui passent et qui frappent à la porte ! Et qui pour beaucoup nous partagent aussi spontanément des plats qu’ils ont confectionnés ! Nous sommes gâtés, dans tous les sens du terme ! Nous prendrons le relais de Sr Anne Dujardin pour la visite des détenus dans les prisons autour de Tébessa (jusqu’à Bir El Ater à 90 km de là).
Notre évêque nous a demandé également de faire des propositions de formation pour le diocèse, compte tenu du bagage qui est le nôtre dans le domaine biblique avec la gestuation de la parole de Dieu. C’est en grande partie grâce à « Parole et Geste » que nous sommes ici, puisque nous avons animé deux sessions à Constantine en 2010 et 2015, et que Michel Guillaud, prêtre à Skikda est venu plusieurs fois en France avec des jeunes pour apprendre à mémoriser la parole de Dieu !
R. SANON, SAB : Quelles sont vos impressions, vos découvertes depuis votre arrivée dans l’Eglise d’Algérie ? Quels sont les faits marquants de la vie de l’Eglise d’Algérie dont vous avez été témoins ou acteurs ?
M. et Mme DAVIENNE : Nous avons rencontré une Eglise toute petite, des communautés de quelques personnes, mais du coup une Eglise qui d’un bout à l’autre de l’Algérie se connaît ! Nous nous sommes rendus récemment dans le Diocèse du Sud et avons été accueillis chez les Pères Blancs de Ouargla et ensuite chez les PIME et les petites Sœurs de Jésus à Touggourt… on peut parler de l’un ou de l’autre… personne n’est inconnu! Force et faiblesse bien sûr ! Mais on rêve d’une Eglise dont les membres ne sont pas des étrangers les uns pour les autres !
A Pâques 2023, à Batna, nous avons vécu une veillée pascale à 11 personnes, un jour de Pâques à 14 personnes en présence de notre évêque… des célébrations d’une intensité et d’une ferveur exceptionnelles !
R. SANON, SAB : Quelles sont vos relations avec la population ? Apprenez-vous un peu l’arabe ? Comment ?
M. et Mme DAVIENNE : Nous avons déjà parlé un peu de ces relations ci-dessus…
Oui, nous avons appris l’arabe pendant quelques mois en visio puis au cours d’une session intensive à Alger en juillet dernier. Nous sentons qu’il faudrait entretenir cela par des cours… nous glissons dès que nous le pouvons des petites expressions dans nos conversations et cela provoque tout de suite des réactions de sympathie et de connivence… à poursuivre !
R. SANON, SAB : Qu’est-ce qui vous plaît en Algérie, qu’est-ce qui vous manquerait si vous quittiez l’Algérie?
M. et Mme DAVIENNE : Ce qu’il nous manquerait ? Ce genre de petites phrases entendues si souvent dans la rue, même par des personnes qui nous connaissent à peine : « soyez les bienvenus ! Vous êtes ici chez vous ! Si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes là, vous pouvez nous appeler ! » Nous sentons à quel point nos sociétés aisées ont perdu le sens et l’importance de la relation…
R. SANON, SAB : Un dernier message à l’endroit des lecteurs de notre site s’il vous plaît.
M. et Mme DAVIENNE : La fraternité que nous découvrons ici a pour nous une saveur évangélique et les personnes de ce pays nous l’apprennent chaque jour… Spontanément, nous sommes adoptés comme « frères et sœurs ». Mais plus que cela, nous sentons combien l’universalité de l’Eglise se joue dans une profonde qualité de relations fraternelles qui fait sens et annonce le Royaume qui est au milieu de nous.
Propos recueillis par
Rosalie SANON, SAB