La spiritualité chrétienne méditée par une musulmane

« L’humilité chez saint Augustin » conference de Nadjia Kebour à la Maison Diocésaine d’Alger

Nadjia Kebour est une philosophe algérienne qui, pour son mémoire de Master à Alger, a choisi parmi les philosophes anciens, d’étudier saint Augustin. Ce travail de recherche l’a amenée à fréquenter la bibliothèque des Glycines et à rencontrer Monseigneur Teissier avec lequel elle a eu de nombreux échanges. Comme elle désirait poursuivre dans le cadre de son doctorat l’étude des œuvres de saint Augustin,  l’ancien archevêque d’Alger lui a conseillé de travailler à Rome dans une bibliothèque consacrée à l’évêque d’Hippone, ce qu’elle a fait. Mgr Teissier, Nadjia en parle comme son guide, et lui exprime une admiration et une reconnaissance immense.

Face à une assistance composée de chrétiens et de musulmans, la conférence donnée par Nadjia Kebour à la maison diocésaine sur l’humilité chez saint Augustin et dans la perspective du dialogue inter-religieux, a été l’occasion d’une véritable rencontre.

En premier lieu, Nadjia a présenté, avec clarté et une véritable compréhension de l’intérieur, les fondements de la foi chrétienne à partir de sa lecture des Confessions de saint Augustin.

L’humilité pour un chrétien trouve son fondement dans l’incarnation, car Dieu s’est volontairement abaissé en prenant notre condition humaine afin de réaliser le salut de l’humanité  :« C’est par l’humilité, nous dit Augustin, que le Christ nous a ouvert le chemin du ciel ». Pour Augustin, nous dit Nadjia, l’humilité n’est pas une simple disposition morale, mais une expérience intérieure, une contemplation et une méditation, car le maitre de l’humilité, le Christ, habite au cœur de l’homme. Seul un cœur humble peut véritablement adorer Dieu. Par ailleurs cette humilité conduit également à la charité fraternelle.

S’interrogeant ensuite sur la notion d’humilité en Islam, Nadjia Kebour constate que « L’Islam pour sa part n’est pas dépourvu de la notion d’humilité, laquelle joue un rôle essentiel dans la relation du croyant à Dieu ». Si l’Islam est soumission, l’humilité dans cette soumission s’exprime par l’abandon de sa volonté propre pour se conformer à celle de Dieu.

Nadjia rappelle que les trois vérités fondamentales en Islam sont : l’Unicité de Dieu, le Coran comme parole directe de Dieu et Mohammed son Prophète et que la soumission à Dieu consiste à lui obéir et à observer les cinq piliers fondamentaux de la foi. Ces pratiques ont pour but de guider le croyant vers l’adoration de Dieu ; ainsi, la prière, relation entre le Créateur et sa créature, allie louange, glorification et soumission : « Et invoque ton Seigneur en toi-même, en humilité et crainte, à mi-voix, le matin et le soir » (Coran 7,205). Cette humilité se concrétise aussi par des actes, qui sont des actes d’adoration : consoler les affligés, aider les pauvres, enseigner les ignorants ou accueillir les étrangers. Enfin, nous dit Nadjia, le Prophète Mohammed quant à lui incarne l’humilité par sa soumission parfaite à Dieu et ses interactions humaines empreintes d’humilité ; il offre un modèle pour le croyant.

Ainsi, pour Nadjia, l’humilité peut servir de lien entre croyants malgré leurs différences. Et de conclure : « l’humilité signifie se faire petit pour être grand en esprit. L’humilité signifie s’annuler et faire la place pour se faire un avec l’autre. L’humilité est une conversion à l’amour, à l’ouverture, à la tolérance et au respect de l’autre »

Marie France Grangaud

Église Catholique d'Algérie