Louis et Jeanne LEVESQUE ont passé presque deux ans à Constantine. Comment les caractériser? Présence, visibilité, dévouement à tous les niveaux de la vie du diocèse et de la vie sociale à Constantine. Ils créaient la rencontre à domicile, dans les rues, dans les institutions diocésaines. Ils allaient vers l’autre autant que faire se peut. Mais hélas ! La rencontre porte toujours en elle, la séparation. C’est dans la reconnaissance que leur départ à été accepté, matérialisé par un verre d’amitié et d’au-revoir. Aussi la porte reste ouverte pour leur retour quand ils voudront.
Cette Eglise nous a beaucoup touché
Nous venons de déposer nos bagages dans un lieu familier. Ils sentaient encore la chaleur de Constantine. Nous avons été accueillis par une fraicheur caractéristique de ces vents d’Ouest. L’océan n’est pas loin. L’Algérie s’est éloignée et avec elle une des plus belles pages de notre vie. Comment la résumer ? Nous dirions qu’elle fut écrite avec l’intensité d’une relation qui a éclos comme notre plus belle découverte ici. Elle fut un don de Dieu. Elle fut un don de cette mission en Algérie, de ceux qui ont croisé notre route.
La relation a pris pour nous une saveur particulière en Algérie. Elle y est au premier abord si facile, si enveloppante, peut-être parfois un peu pesante. Mais elle y est surtout attachante. Nous en avons mesuré un peu plus l’importance. Nous avons appris d’elle ici. Par elle, nous avons pu creuser dans la profondeur des êtres, toucher des sujets de fond, questionner, interroger, aider aussi. Nous avons, je crois, pu toucher des cœurs de cette manière. Et en retour, nos cœurs aussi ont été touchés. La relation ouvre des portes. Nous nous y sommes engouffrés et nous y avons découvert un peuple à l’esprit fier, aux mains ouvertes et généreuses, d’une générosité débordante qui nous a beaucoup touchés. Un peuple qui se questionne également, qui cherche aussi sa place. Nous y avons apporté le témoignage de notre couple, d’un couple qui cherche chaque jour un peu plus à s’aimer et se respecter, d’un couple qui cherche à cultiver une complicité et une attention à l’autre. Nous avons senti que cela avait questionné, peut-être surtout touché. Dieu est bon. S’il ne nous a pas encore donné d’enfant, il nous a accordé ces grâces-là et nous le remercions chaque jour d’avoir déposé l’amour dans notre couple et de nous accompagner pour le cultiver.
Au service du diocèse de Constantine, nous avons eu à cœur de mettre notre énergie à son service. Au début un peu à tâtons, en expérimentant notamment pour Jeanne l’image du serviteur inutile de l’Evangile, dans une mission qui avait été remise en cause peu avant notre arrivée par la fermeture de Caritas. Mais une apparente inutilité comme aimait à le dire notre évêque Mgr Lhernould, elle qui offrait le temps pour une plus grande attention à l’autre. Nous y avons découvert une Eglise bien différente de celle que nous connaissions en France. Elle y est si petite. Il n’est pas certain que nous ayons pu voir se réunir dans notre diocèse de Constantine plus de fidèles que dans l’ordinaire de notre (petite) paroisse française. Et pourtant cette Eglise nous a beaucoup touchés, par son sens de l’attention à l’autre, par son désir de servir les habitants de ce pays, par son souci de témoigner de cette tendresse de Dieu si nécessaire et qu’avait si délicatement pointée Mgr Lhernould dans sa lumineuse lettre pastorale. Elle nous a aussi touchés par son accueil, la fraternité qu’elle cultive mais aussi par sa pauvreté et sa fragilité, dans un pays où sa place n’a peut-être jamais été aussi questionnée. Et avec elle peut-être aussi cette question : comment, dans chaque contexte, témoigner de ce trésor qui nous habite, celui d’un Dieu d’Amour ? Rien n’est jamais acquis et cette Eglise d’Algérie peut en témoigner. Mais une pauvreté et une fragilité qui lui permettent d’être peut-être davantage au côté des plus pauvres et des plus fragiles. La main qui donne est toujours au dessus de celle qui reçoit, disait le père Joseph Wresinski. Vivre de manière « modeste mais juste » comme aime à le dire Fidesco, chercher à élaguer le superflu de notre vie, ont pour objectif commun de nous recentrer sur Dieu qui est la source de tout Amour. Il est aussi un moyen de rejoindre l’autre, le plus modeste, dans ce qu’il vit. Il ouvre à la relation. Ce fut une belle expérience pour nous. Nous remercions cette Eglise, nous remercions l’Algérie, pour cet accueil et ces deux années qui resteront gravées dans notre cœur. L’Esprit a soufflé pour nous vers la rive sud de la Méditerranée, vers ce beau et grand pays. Nous pouvons dire avec le recul que nous y avons été pleinement à notre place. Deo gratias.
Témoignage recueilli par Sr Rosalie SANON, SAB