« La petite sœur Espérance… »

Déjà quatre mois, bientôt cinq que le temps semble avancer au ralenti. L’horizon de notre quotidien s’est comme figé. Jusqu’à quand ? Aucune réponse rassurante, ni celle des politiques, ni celle des autorités sanitaires, ni celle de « ceux qui savent«  et qui annoncent, à longueur de réseaux sociaux, leurs prévisions. Et si nous osions l’espérance ?

Nous connaissons cette page inoubliable de Charles Péguy : « C’est elleui est, Et elle, elle voit ce qui sera. La foi voit ce qui est dans le temps et l’éternité. L’espérance voit ce qui sera dans le temps et l’éternité. Pour ainsi dire dans le futur de l’éternité même ». Comme c’est vrai ! L’espérance est l’horizon ouvert à l’infini de notre quotidien. Car il faut recommencer chaque matin, même si l’on sait que ce sera à peu près comme hier et probablement déjà comme demain.

Le bienheureux Christian de Chergé a parlé du « martyre » de l’Espérance. Le mot martyre est alors employé dans son sens premier de témoignage. Il dit qu’il convient bien à la vie monastique car dit-il « il s’ajuste à toutes les dimensions du quotidien ». « Il n’est ni glorieux, ni brillant…le pas à pas, le goutte à goutte, le coude à coude (bien indiquer en ce moment) …cela qu’il faut recommencer en vie régulière chaque matin, encore dans la nuit, qu’il faut continuer de ruminer, de corriger, de discerner, d’attendre surtout…voilà bien le chemin où le Seigneur nous précède de commencement en commencement… et citant St Grégoire de Nysse : « par des commencements qui n’ont pas de fin… » Le confinement peut nous rapprocher de ce quotidien de la vie monastique. Mais plus que cela, il nous fait découvrir l’infinie grandeur du quotidien, apparemment répétitif et toujours nouveau car il recommence, à chaque commencement, porté par l’espérance.

Car Il vient. La fin du livre de l’Apocalypse nous promet le proche retour du Seigneur. « Marana tha », est la prière de l’Esprit et de l’Epouse : « Viens Seigneur Jésus », reprend une prière de l’Eglise des premiers jours. Cette prière est celle de l’Espérance, car elle exprime le désir ardent de l’amour qui a faim de la présence de l’Epoux.

Pour celui qui espère la Rencontre, nos peurs nous rapprochent de Dieu. La peur de la mort qui rode et qui, en ce moment, s’approche aussi bien de nos communautés chrétiennes que de nos proches voisins musulmans est vaincue par la Présence Pascale de Celui qui nous dit sans cesse : ne crains pas, je suis avec toi. La peur du lendemain qui tarde à venir et qui suscite bien des angoisses et des inquiétudes est apprivoisée par la Présence de Celui qui est avec nous tous les jours. Des frères et des sœurs en sont si souvent le surprenant visage bien concret. La peur de l’inconnu parfois redouté est déposé dans le fiat de l’abandon confiant à Celui qui nous attend toujours.

Nous recevions ces jours une belle réflexion de l’Académie pontificale au sujet du temps que nous fait vivre la Covid 19 qui s’est invitée à partager nos existences. Et si la leçon de fragilité, de vulnérabilité que nous recevons était une chance, une grâce. Car nous sommes fragiles et vulnérables, et nous pensions pouvoir l’oublier. Bienheureuse fragilité, bienheureuse précarité qui nous rappelle que la vie nous est donnée. La recevoir chaque matin, nourrit l’espérance qui ne déçoit pas.

C’était peut-être le secret de la Bienheureuse Odette une des 19 martyrs du grand amour béatifié le 8 décembre 2019. Voici la prière qu’elle portait dans une de ses poches :

« Dans nos journées occupées, surchargées, garde-nous dans la lumière des choses qui ne se voient pas. À travers l’accessoire qui nous sollicite et nous séduit souvent, donne-nous aussi le sens et la faim de l’essentiel. T’attendre…T’attendre…Toi, le Dieu Vivant, quand malgré la repentance notre cœur en vient à nous condamner, Tu es là, tellement plus grand que notre cœur, et Tu ne veux jamais la souffrance humaine. Ta présence, ô Dieu, c’est ta confiance déposée en nous, c’est aussi le pardon. Tu oublies ce qui est en arrière de nous pour que nous nous tournions vers un devenir : être créateurs avec toi, T’attendre, de jour et de nuit, c’est laisser s’élargir notre cœur au point que, plus l’existence se charge d’années, plus le cœur voudrait brûler dans un même amour, le nôtre et le tien… ».

Chacun peut personnaliser cette prière. Certains sont stoppés dans leurs activités habituelles, d’autres, pensons aux soignants, sont débordés par les besoins des malades. Il y a pour tous l’attention aux voisins de la porte d’à côté. Demandons les uns pour les autres, la grâce d’accompagner notre petite sœur Espérance.

+ Paul Desfarges

30 Juil 2020 | A la une, Actualités

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Église Catholique d'Algérie