Gosia, tu as participé comme représentante des Églises d’Afrique du Nord au Congrès Eucharistique international qui s’est tenu à Quito, en Équateur du 8 au 15 septembre 2024. Peux-tu nous dire ce qu’est ce Congrès ?
C’est en France qu’a débuté la longue tradition des Congrès Eucharistiques, avec l’organisation du premier Congrès, à Lille, en 1881, afin de réaffirmer la foi et l’unité de l’Église. Ce premier Congrès eucharistique international avait pour thème : « L’Eucharistie sauve le monde ». Depuis, de nouvelles éditions ont été organisées dans le monde entier. Après Budapest en 2021, l’Église a choisi Quito pour approfondir les thèmes de l’unité et de la fraternité, afin de renforcer la foi des chrétiens face aux défis contemporains.
Quel était le thème du Congrès et qui y participait ?
« La fraternité pour guérir le monde. Vous êtes tous frères » (Mt 23,8) : telle était la thématique de cette 53ème édition du Congrès Eucharistique International. La question de la fraternité dans notre monde en guerre y a été abordée, comme aussi la question de la migration. L’événement a réuni plus de 25 000 délégués venus de 53 pays et parmi eux beaucoup de laïcs.
Quel a été le contenu des échanges lors du Congrès ?
Tout au long de ce Congrès, nous avons pu approfondir que l’Eucharistie est le fondement d’une fraternité qui devient une condition « indispensable à la construction d’un monde nouveau, plus juste et plus humain ». Lors de la messe d’ouverture, le dimanche 8 septembre, dans un message vidéo, le pape François nous a exhortés à vivre chaque jour une « fraternité authentique » et « active », en invitant à incarner cette fraternité en tout lieu et à tout moment. Il a souligné que c’est ainsi que « nous grandissons ensemble, comme frères et comme Église ». Cette unité ecclésiale se nourrit de « la communion régulière » et de l’adoration eucharistique qui nous permettent de faire face aux défis contemporains. Nous avons entendu également l’appel à panser les blessures sociales et spirituelles que la violence et l’individualisme laissent partout. Dans un monde marqué par l’injustice, la violence et le désespoir, « l’Eucharistie devient une source inépuisable de paix et de réconciliation. L’adoration eucharistique est bien plus qu’un acte de dévotion ; c’est une expérience transformatrice qui nous relie intimement à l’amour du Christ ». Pour sa part, l’Église avance dans un processus de discernement synodal, en se questionnant elle-même. A partir des Églises locales et continentales, elle cherche à redécouvrir, au niveau universel, son essence synodale caractéristique. Ce « cheminer ensemble » pour la mission, nous le vivons dans la communion et la participation, afin de réaliser la vocation ecclésiale de toujours : Devenir un lieu fraternel d’inclusion radicale, d’appartenance partagée et de profonde hospitalité, en « élargissant l’espace de sa tente » (cf. Is 54,2). En effet, l’affirmation du Christ : « Vous êtes tous frères » (Mt 23, 8) résonne fortement avec l’expérience synodale actuelle de l’Église à devenir un lieu fraternel d’inclusion, d’appartenance commune et de profond accueil.
Qu’avez-vous envie d’ajouter ?
En marge de toute cette méditation centrale de la rencontre, deux choses m’ont frappées. Le lieu d’abord : Quito, m’a charmée par sa diversité culturelle, ses montagnes et ses monuments coloniaux. J’ai pu ressentir et m’imprégner de l’ambiance de cette ville fondée au XVIe siècle sur les ruines d’une cité inca à 2 850 m d’altitude, qui possède toujours, malgré le tremblement de terre de 1917, le centre historique le mieux préservé et le moins modifié d’Amérique latine. Je ne m’attendais pas non plus à me retrouver dans une ville si bien organisée, si propre, où on attend son tour pour monter dans un bus ou dans un métro, où les gens se parlent doucement et tranquillement, où les espaces verts sont partout. Il y a une sorte de l’harmonie entre l’homme et la nature, soignée et respectée.
Mais ce qui m’a vraiment touchée, c’est la place et l’engagement des laïcs dans ces Églises d’Amérique centrale et latine. J’ai rencontré de nombreux laïcs, venant de plusieurs pays et contextes, et écouté leurs témoignages : malgré les limites et les difficultés dans lesquelles ils se trouvent, ils vivent, seuls ou le plus souvent en famille, un engagement très fort et en même temps très concret auprès des hommes et des femmes qui les entourent. Je pense que cet engagement des laïcs est un modèle à méditer dans notre Eglise d’Algérie. Je dirai en conclusion que ce Congrès a été une très belle rencontre, dont le thème était important, et abordé de façon profonde et juste. Et pourtant, en rendre compte me procure comme un malaise. Aujourd’hui en effet, ce sont mes sœurs au Liban qui se trouvent au cœur de cette situation de guerre qui coûte et a déjà coûté tant de vies en Palestine, tant de souffrances aux personnes déplacées et sous les bombes. Que pouvons- nous faire pour que cette paix tant désirée puisse advenir ? Et que la fraternité puisse guérir le monde ? Prier, jeûner, comme le pape nous y a invités, continuer à croire qu’elle est toujours possible ? Ce sont les questions que je me pose, qui m’habitent et qui ne me laissent pas en paix.
Gosia Jablonska, fmm, à Alger