Interview des sœurs de Constantine
Noëlle, Rosalie et Félicité, vous fêtez les 75 ans de fondation de l’Institut-Famille des Sœurs de l’Annonciation de Bobo Dioulasso. Pouvez-nous nous dire les circonstances de sa naissance ?
SAB de Constantine : La fondation de l’Institut-Famille des Sœurs de l’Annonciation de Bobo-Dioulasso s’articule autour de circonstances convergentes. D’une part elle s’insère dans la grande histoire de l’évangélisation du Burkina-Faso, particulièrement dans les stratégies de structuration de l’Église naissante dans le vicariat apostolique de Bobo-Dioulasso en Haute-Volta et dans le projet pastoral de Monseigneur André Dupont, évêque de cette Église naissante. D’autre part, elle est caractérisée par la volonté tenace et audacieuse de quelques jeunes filles burkinabés désireuses de devenir religieuses parce que fascinées par le message évangélique et l’exemple de vie de religieuses européennes qu’elles côtoyaient déjà.
C’est à la vue de l’immense foule de femmes, d’enfants et de jeunes à instruire, à soigner et à évangéliser que Mgr DUPONT, mû par sa devise d’ordination épiscopale, a eu pour soucis prioritaires de susciter et promouvoir un clergé diocésain pour l’Église locale, des religieuses autochtones qui seraient des « femmes apôtres » pour l’évangélisation et l’instruction du monde féminin et infantile et former des catéchistes1. La première circulaire qu’il fit après sa nomination épiscopale, pour donner les grandes lignes de son apostolat, était surtout un appel à tous ses collaborateurs pastoraux pour susciter des vocations dans les écoles. Ce souci de la pastorale des vocations trouve conjointement écho dans le cœur de quelques jeunes filles qui, fascinées par l’exemple de vie des Sœurs blanches (Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique), expriment leur désir de la vie religieuse aux Missionnaires sur place dans les paroisses.
Deux cousines de Bobo-Dioulasso défient l’opposition de leurs parents et se présentent aux Sœurs Blanches pour être comme elles. Le temps de se préparer au baptême et d’apprendre le français, elles vont d’elles mêmes jusqu’à l’évêque exprimer leur désir. Il les écoute paternellement sans prendre de décision hâtive, s’en remettant à l’Esprit-Saint. Ce temps de discernement voit la multiplication des candidates. Devant ces différentes demandes pressantes et répétées, Mgr DUPONT comprit que l’heure décidée par le Saint-Esprit pour pourvoir à la fondation de religieuses africaines dans ce diocèse était venue. Il devait donc prendre une décision. Celle-ci n’était pas sans discernement. Monseigneur André avait le choix de prendre sur lui la charge de fonder cette congrégation ou d’orienter les filles dans d’autres congrégations existantes, comme les Sœurs Blanches ou les Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie qui étaient en contact permanent avec les filles, ou encore à Ouagadougou dans la congrégation africaine des Sœurs de l’Immaculée Conception, fondée quelques années plutôt par un de ses confrères Pères blancs. Cette seconde possibilité présentait certes des avantages mais Mgr DUPONT décida autrement. Pour des raisons d’ordre pastoral et socioculturel, il opta d’entreprendre lui-même la fondation d’un nouvel Institut. Ce choix obtint l’approbation unanime des agents pastoraux du vicariat apostolique et de Rome. Le noviciat commence alors en 1948 avec six jeunes filles. L’ainée de ces premières SAB est aujourd’hui témoin de ce jubilé d’albâtre que nous vivons cette année !
Quelles vous semblent être les grandes étapes qui ont marqué ces 75 ans (orientations, évolutions, accueil de sœurs d’autres nationalités, fondations en d’autres pays, …) ?
SAB de Constantine : La formation des prémices du futur Institut des SAB par les Sœurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique (Sœurs blanches) jusqu’en 1968. Cette même année marque l’autonomie de la jeune congrégation par son premier chapitre général et la nomination de sa première Supérieure Générale. -La succession des chapitres généraux tous les six ans, les vœux temporaires et perpétuels, les jubilés d’argent et d’or. -La démission de Mgr André Dupont en tant qu’évêque et l’ordination de Mgr Anselme T. SANON qui devient héritier de notre Institut parce que de droit diocésain. – La formation diversifiée des SAB pour prendre en main plusieurs œuvres pastorales et la création de nouvelles. Aujourd’hui son envol missionnaire hors d’Afrique.
Comment est marquée l’année du Jubilé à Bobo-Dioulasso, en Algérie et à Constantine ?
SAB de Constantine : L’ouverture officielle s’est faite le 1er août 2022 par une célébration solennelle, riche en symboles. Les SAB traduisent dès lors leur joie et leur action de grâce à Dieu par beaucoup de compositions de chants, de poèmes et de théâtre. Des conférences ont déjà eu lieu sur les acquis et les défis à venir, sur Mgr André Dupont en tant cas que bâtisseur et fondateur. Un pèlerinage d’une journée sur sa tombe a été vécu le 21 février 2021. La clôture solennelle est pour le 25 mars 2023 avec des vœux perpétuels et l’action de grâces des sœurs jubilaires de 25 et 50 ans. Chaque communauté et chaque région en fera à sa taille avec son Eglise locale autant que faire se peut. A Constantine ce sera vendredi 14 avril à Constantine à la Maison diocésaine du Bon Pasteur et à Alger le vendredi 21 avril à la Maison diocésaine.
Pourquoi cette appellation de « Sœurs de l’Annonciation de Bobo Dioulasso » ?
SAB de Constantine : Voilà ce que Mgr André Dupont lui-même en dit : « Je voulais confier à la Sainte Vierge cette famille religieuse naissante, comme par ma devise d’évêque : ‘Interveni pro clero’, invocation tirée du Sancta Maria, je lui avais confié le presbyterium du diocèse. Ensuite en proposant ce mystère de Marie aux Sœurs de l’Annonciation, je voulais surtout leur proposer la grande disponibilité de la Sainte Vierge et leur indiquer qu’elles devaient être surtout pastorales, au service du diocèse et donc au service de l’Eglise ».
Merci à tous sans exception pour ce que nous vivons ensemble au nom de l’Evangile. Merci pour votre communion, votre intérêt et votre participation effective à cet événement de notre jubilé d’albâtre !
Joyeuse fête !
Sr Noëlle TRAORE, Sr Rosalie SANON et Sr Félicité TIENOU
1 Cf. É.-C. Sandwidé, Histoire de l’Église au Burkina, 311-314.