Dans le cadre des activités de la cinquième édition de la « Journée Augustinienne d’Hippone » tenue, vendredi 8 novembre, à la basilique Saint-Augustin, Son Excellence l’ambassadeur de Suisse en Algérie Pierre-Yves Fux a présenté une conférence intitulée : « Paix et guerre chez Saint Augustin. Existe-t-il des guerres justes, et à quelles conditions ? ».
L’événement a été organisé par la basilique Saint-Augustin, en collaboration avec la fondation Konrad-Adenauer-Stiftung en Algérie. Un public connaisseur était présent, constitué principalement d’hommes de foi, de religieuses, de pères et de curés, entre autres, venus d’Alger, Annaba, Constantine, Sétif, Khenchela, Souk-Ahras, Skikda, Ghardaïa et Béjaïa. Des écrivains et des artistes étaient également présents. Son Excellence l’ambassadeur Pierre-Yves Fux a exprimé, au début de son intervention, sa joie de participer pour la deuxième fois à Annaba à un événement dédié à Saint Augustin. Il avait précédemment participé, en 2001, alors qu’il était jeune diplomate, au colloque international : « Saint Augustin : Africanité, universalité ». D’emblée, il déclare : « Chez Saint Augustin, l’essentiel c’est la paix. Il l’a décrite à tous les niveaux, c’est une base essentielle à la vie ». Il explique ensuite ces différents niveaux : la paix du corps, la paix de l’âme, celle de l’Homme mortel, la paix des Hommes, la paix de la maison, de la cité ou la politique, la paix de toutes choses et la tranquillité de l’ordre. En évoquant les écrits de Saint Augustin, rédigés à Hippone ou à Carthage, l’intervenant est aussi revenu sur la notion de l’amour et le partage de la paix. « La partager, c’est l’augmenter », a-t-il noté. La notion de justice a également été abordée. Théologien de la paix certes, mais Saint Augustin n’a pas pour autant occulté la guerre, ou la guerre juste. Qu’a-t-il donc inspiré au monde d’aujourd’hui ? L’ambassadeur explique : « Je pense que c’est le seul Père et Docteur de l’Église auquel on fait référence, explicitement ou implicitement, au Conseil de sécurité des Nations Unies. Car, pour savoir si une guerre est légitime ou pas, certains critères, élaborés progressivement, se retrouvent dans les lettres que Saint Augustin avait envoyées à un évêque, à un général, à un haut fonctionnaire romain et à un diplomate ». De ces écrits, selon le conférencier, ont été dégagés des critères qui justifient les guerres, même si aucune guerre n’est justifiable. Pour engager une guerre selon les points dégagés à partir des écrits de Saint Augustin, plusieurs conditions doivent être réunies. Les dommages causés par l’agresseur doivent être durables et graves et toucher toute la communauté ; les armes ne doivent pas entraîner des maux plus graves que le mal à éliminer ; tous les autres moyens d’y mettre fin doivent s’être révélés impraticables ou inefficaces. D’autres critères ont été notés dans cette conférence. Interviewé par L’Est Républicain, Matthias Schäfer, directeur de la Konrad-Adenauer-Stiftung et coorganisateur de la journée augustinienne, déclare : « Nous soutenons cette journée augustinienne en faveur de la paix et de la justice. Nous sommes convaincus que ces sujets sont importants dans ce monde contemporain qui fait face à des défis et des conflits. Nous essayons de trouver des pistes de dialogue et des chemins possibles entre musulmans et chrétiens, pour mieux se connaître et échanger autour d’une personnalité comme Saint Augustin qui a eu un parcours considérable en Algérie, en Afrique du Nord en général, mais aussi en Europe. C’est pour nous un engagement important qui donne une réflexion et une vision partagées ». Par ailleurs, la pièce de théâtre « Augustin passe aux aveux », basée sur l’ouvrage « Les Confessions » de Saint Augustin, a été présentée. Durant plus d’une heure, le comédien Dominique Touzé, aux côtés d’un musicien jouant du oud, a présenté le récit de Saint Augustin, son histoire et l’itinéraire initiatique et métaphysique de ce jeune Algérien, brillant intellectuel, qui deviendra Père de l’Église et fondateur de la littérature autobiographique. La fin de la représentation fut émouvante lorsque le oudiste a joué et chanté « Zahrat El Madaen » de la diva Fayrouz. Des mots contre les maux, une tirade et une mélodie ont retenti comme une prière artistique pour la paix en Palestine au sein de cette splendide basilique Saint-Augustin. Cette journée a réuni des étudiants internationaux inscrits à Annaba, Skikda et d’autres universités, François Pugeaut, Consul Général de France à Annaba et Constantine, l’archevêque émérite d’Alger, Mgr Paul Desfarges ainsi que l’écrivain et ex-directeur du site et musée d’Hippone, Saïd Dahmani, et bien d’autres personnalités et anonymes.
Fatima Zohra Bouledroua
tiré de « L’est republicain » on-line