- L’Eglise des « émigrés » et des captifs, du XIIe au XIXe siècle
( de Jean Toussaint )
Comme le montrent les lettres pontificales qui mentionnent le Maghreb (201 lettres de 1200 à 1419), la papauté considérait le Maghreb comme une terre de croisade. Mais, à la différence de la Terre Sainte, aucun pape n’a pris l’initiative de lancer une croisade en direction du Maghreb. Les papes se sont contentés de soutenir quelques expéditions militaires. La préoccupation principale des lettres pontificales est la protection des chrétiens d’Afrique. Qui sont-ils ?
Depuis le début du XIIème siècle, l’Eglise ayant perdu son caractère autochtone, il n’y a plus de chrétiens maghrébins. Il s’agit de « nouveaux » chrétiens, étrangers au pays, selon 4 catégories :
– Des marchands, Italiens ou Espagnols pour la plupart.
– Des mercenaires utilisés par les différents royaumes
– Des captifs capturés sur les côtes ou en Méditerranée
– Des religieux.
Les marchands
Pour favoriser l’essor du commerce, certains souverains musulmans accordent le droit aux marchands chrétiens de se livrer librement et publiquement à l’exercice de leur culte, d’avoir leurs prêtres, leurs couvents et leurs églises, dans un bâtiment spécial : le foundouk (diapo 13). C’est le cas dans les royaumes de Tunis, de Bougie et de Tlemcen. (Ce qui n’était pas vraiment réciproque : aucune mention de liberté de culte pour les musulmans en Europe).
Exemple : le traité conclu par Pise avec l’Etat Hafside en 1313 :
Dans toutes les villes côtières de l’Ifrîqiya et des régions qui en dépendent, où les Pisans ont l’habitude de commercer dans le cadre de leur dîwân, qu’ils y disposent d’un funduq qui leur soit exclusivement affecté. Ce funduq sera consacré à leur commerce et ils ne peuvent le partager avec d’autres chrétiens. Dans chaque funduq, ils peuvent disposer d’une chapelle, d’une crypte pour leurs morts, d’un four qui leur soit dédié comme de coutume ; ils peuvent aussi aller au bain public une fois par semaine, le jour qui leur sera strictement réservé.
Les marchands européens achètent des matières premières comme du fer, des peaux, de la laine, de l’alun et de la céramique et vendent des produits finis comme des tissus, des draps, des cotonnades, des couvertures, des étoffes et des soieries. Le Maghreb sert également de région de transit pour des produits importés de l’Afrique sub-saharienne, principalement l’or.
Exemple de Tlemcen
Tlemcen, longtemps capitale d’un royaume, a joué un rôle commercial important, grâce à son port de Honeine. Au XIVème siècle, il y avait à Tlemcen une colonie catholique d’au moins 4 000 individus, marchands, artisans ou soldats. Cette société étrangère était en relation avec la population locale qui dépassait alors le chiffre de 100 000, parmi lesquels de nombreux juifs.
Les marchands chrétiens étaient établis dans des foundouks1 protégés par un mur d’enceinte, dont une partie subsiste encore aujourd’hui. Cette petite cité européenne, qui s’étendait sur un espace d’environ 5 hectares, avait reçu le nom d’El Kissarïra.
En plus des boutiques, des magasins et des logements particuliers, elle contenait un entrepôt commun, des fours, des bains, un couvent de frères prêcheurs (?) et une église.
Cette cité chrétienne, active et industrieuse, atteint l’apogée de sa prospérité vers le milieu du XIVème siècle. A partir du XVIème siècle, sa décadence commence. Les Espagnols conquièrent Oran2. Les marchands chrétiens abandonnent progressivement Tlemcen et se réfugient vers le littoral.
C’est aussi l’époque où, suite à la découverte des Amériques, le commerce maritime européen, jusqu’alors orienté Nord Sud, s’oriente de plus en plus vers l’Ouest.
Les soldats
Sans que l’on sache Sans que l’on sache exactement à quelle époque cette institution est apparue, on note la présence, à la fin du XIIème et au début du XIIIème siècle, de miliciens chrétiens dans des troupes des souverains maghrébins. Ces milices chrétiennes sont avant tout chargées de la garde et de la sécurité du sultan. Les soldats qui composent ce corps de garde ne sont pas des renégats ou des fuyards, mais des volontaires libres qui conservent leur religion. Ces soldats partagent un quartier avec les marchands chrétiens, sous le contrôle vigilant du pouvoir. Ils jouissent d’un certain nombre de privilèges : ils ne paient aucune taxe ou impôt, ils ont l’autorisation de sonner les cloches de leur église.
En 1290, le pape Nicolas IV leur adresse le message suivant : « aux nobles hommes, les barons chevaliers et autres hommes d’armes engagés au service des rois de Maroc, de Tunis et de Tlemcen : Mes fils, demeurez fidèles aux Princes Arabes à qui vous avez juré obéissance, mais en même temps, sachez faire respecter le nom de chrétiens ».
Les captifs
Au début de la période que nous étudions, il s’agissait essentiellement de prisonniers de guerre.
Une partie sont exécutés, d’autres sont maintenus en vie pour servir de monnaie d’échange.
Les prisonniers riches peuvent obtenir d’aller rassembler une rançon, moyennant la remise d’un otage. Les pauvres ne peuvent espérer qu’une intervention charitable pour être libérés.
Parfois, un échange est organisé, comme on le voit dans deux lettres du sultan de Tlemcen au Roi d’Aragon.
Lecture des documents 3 et 4
Lettre du sultan Abu Tashufin (cinquième sultan zianide du royaume de Tlemcen de 1318 à 1337) à Jacques II (roi d’Aragon de de 1291 à 1327)
Vous nous demandez de libérer tous les captifs en notre possession. Or ce n’est pas possible, de même que nous ne pouvons pas vous demandez de libérer les captifs musulmans en votre possession. Car vous savez bien que les captifs font la prospérité de notre pays, que la plupart d’entre eux sont des artisans experts dans toutes sortes de professions.Si vous nous demandiez d’en libérer cinq ou six dont nous pouvons nous dispenser, nous pourrions satisfaire à votre demande. Mais les libérer tous est chose difficile, car cela laisserait vacante la place qu’ils occupent et paralyserait nos besoins dans divers métiers.
Lettre de Abu Hammu II roi de Tlemcen à Pierre IV, roi d’Aragon (1336-1387)
Datée du 11 décembre 1362
Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux […]
Quant à l’affaire des chrétiens qui ont été pris dans les galères et qui ont quitté le port de Honein la bien gardée, lorsqu’ils ont été vaincus, ils se sont réfugiés chez nous à cause de cela. Certains d’entre eux se sont enfuis, tandis que vous n’avez cessé, avec insistance, de multiplier des lettres à leur sujet. Quand votre premier ambassadeur s’est présenté à nous pour nous les réclamer, nous les avons tous libérés, à condition que votre envoyé les accompagne.
Lorsque nous les avons relâchés, qu’ils se sont rendus compte que nous les avons renvoyés et que nous leur avons repris les chevaux que nous leur avons cédés, la plupart d’entre eux se sont refusés à s’en aller. Ils ont préféré rester ici et nous ont demandé à servir en permanence. Ils ont donc été considérés avec égard et honneur et ceci de leur propre consentement, de leur plein gré et choix, sans avoir subi de dommages dans tout cela.
Nous leur avons rendus leurs chevaux, nous les avons réintégrés dans leur service, nous avons rétabli leurs soldes et nous les avons laissés libres selon leurs coutumes. Quant à ceux qui ont voulu reprendre la mer pour aller dans leur pays, ils étaient une trentaine ou à peu près le même nombre. Lorsqu’ils voulurent se séparer de nous et qu’ils s’apprêtaient à partir, voici que nous apprîmes que des Musulmans qui sont nos sujets et originaires de notre pays, furent pris de nos ports de Honain, Oran et Mostaganem par force, en employant contre eux la violence, la supériorité du nombre et la provocation aux troubles et à la guerre. Cela après que vous eûtes rédigé le traité de paix que vous nous avez envoyé.
Nous avons donc, à la suite de cet accord, retenu ceux qui ont voulu effectuer la traversée, jusqu’à ce que vous libériez ceux qui ont été pris, que vous frappiez sur les mains les agresseurs et que vous punissiez les coupables. Si vous libérez les nôtres, nous relâcherons les vôtres en vertu du traité de paix que vous vous êtes engagés à respecter et au sujet duquel vous avez dépêché votre envoyé, Francis….
A partir du XIIIème siècle, on assiste à une forte augmentation des captures de navires militaires ou commerciaux par les deux camps, menées :
-soit par des pirates qui agissent individuellement par le seul appât du gain
– soit par des corsaires qui sont mandatés par les Etats et dont l’activité s’appelle ‘la course’.
En plus du butin matériel, les pirates et les corsaires capturent les marins ou des habitants de l’intérieur des terres dans le but :
- Soit de les vendre comme esclaves, utilisés dans divers domaines : le service dans les palais royaux, la construction, l’artisanat, le travail agricole, et le travail de rameur sur les galères, qui était interdit aux hommes libres. 3
- Soit d’obtenir une rançon, ce qui va donner lieu à une véritable économie de la rançon. Peu à peu, le rachat des captifs devient non seulement un acte de justice, mais aussi un acte de charité religieuse. On assiste à une valorisation religieuse des souffrances du captif chrétien, aux mains des « Infidèles ». Parallèlement aux institutions spécialisées dans la capture se créent progressivement des institutions de rachat, que nous verrons par la suite.
Qui sont ces captifs ?
La plupart des captifs étaient Italiens, Espagnols, Français, Anglais, Hollandais ou Suédois. La majorité était des hommes, mais il y avait également des femmes et des enfants. Ils appartenaient à diverses classes sociales : des nobles, des militaires, des religieux, des commerçants, ou encore des individus exerçants toutes sortes de métiers.
Une partie était propriété de l’Etat, ils étaient alors enfermés dans des bagnes4, et fournissaient la main-d’œuvre nécessaire pour les chantiers navals et les galères, ou pour travailler à la construction ou réparation de forteresses, de murailles, de routes et de ponts.
D’autres appartenaient à des particulier et bénéficiaient en général d’un sort moins dur. Ils pouvaient devenir domestiques ou ouvriers agricoles.
La privation de liberté, les travaux forcés, les mauvais traitements, le manque d’aliments et d’eau, l’exposition aux maladies conduisaient certains à se convertir à l’islam, dans l’objectif d’améliorer leurs conditions de vie ; ils devenaient ainsi des renégats. Les obligeait-on à se convertir ? La propagande chrétienne l’affirmait, mais en fait, la conversion des captifs allait à l’encontre des intérêts de leurs propriétaires musulmans, qui risquaient de perdre une main-d’œuvre utile ou la rançon qu’ils attendaient. C’est la raison pour laquelle des religieux ont été demandés par les autorités musulmanes elles-mêmes, pour prendre soin des captifs.
A Alger vers 1631, on compte de 25 à 30.000 captifs. A partir de la fin du XVIIème siècle leur nombre diminue pour se stabiliser de deux à trois mille. Le temps passé en captivité est très variable. Une statistique faite sur les bagnes d’Alger montre que la moitié passent 2 ans en captivité, les autres de 3 à 8 ans, un seul y passe 19 ans. Ce n’est qu’au XIXème siècle qu’est mis fin à ce fléau.
Un double captif : le vénérable Geronimo
Le Vénérable Géronimo5, est un musulman du XVIème, qui se convertit au christianisme après avoir été capturé par les Espagnols. Capturé ensuite par les musulmans, il refuse de revenir à l’islam et est emmuré vivant dans un fort de Bab El-Oued, où ses restes furent découverts en 1853. Voici son histoire, racontée par Fray Diego de Haëdo6
Dans une des chevauchées ou excursions que firent dans les années qui viennent de s’écouler les chevaliers et les soldats d’Oran en territoire maure, un jeune indigène presque enfant fut capturé. […] Il fut acheté par le licencié Jean Caro7[…]. Grâce à la bonne éducation et à l’instruction qu’on donna à cet enfant, il fut peu de temps après chrétien et on lui donna pour nom Gérôme. Quand il eut atteint l’âge de huit ans, alors qu’une peste s’était déclarée à Oran, […] des Maures qui s’y trouvaient captifs s’enfuirent pendant une nuit et emmenèrent avec eux Géronimo le petit Maure, et le rendirent à ses parents.
De retour chez lui, l’enfant se trouvant parmi les siens, revint facilement à ses coutumes et à sa religion et vécut de la sorte pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’il eût atteint l’âge de 25 ans à peu près. En 1559, touché par le Saint-Esprit, qui l’appelait à ce qu’il fut plus tard, il revint de lui-même à Oran pour vivre dans la foi de N. s. Jésus-Christ. […] Le lieutenant général le maria avec une jeune fille chrétienne, d’origine maure, son esclave, et il les considérait comme ses propres enfants. Géronimo vécut de la sorte pendant dix à douze ans dans le service de son seigneur jusqu’au mois de mai de l’année 1569.
(Geronimo est capturé et transféré à Alger, comme esclave de Aluch Ali8 ).
[…] Une grande quantité de Maures, surtout de leurs lettrés et des marabouts, ayant appris qui il était, pensèrent qu’il serait facile de le faire revenir à leur croyance. Aussi beaucoup allaient au bagne, les uns exposant leurs raisons, les autres lui faisant des propositions, d’autres le menaçant pour amener sa conversion. Toute cette peine était vaine, car il avait une foi vive et pour rien au monde, ni par menaces, ni par crainte il n’abandonnerait le christianisme. […] Les Maures, voyant qu’ils s’étaient trompés et que leurs conseils n’aboutissaient à rien, […] racontèrent le tout à Aluch Ali, envenimant comme de juste la chose et attribuant la sainte constance du serviteur du Christ à de l’obstination ; ils le prièrent de lui infliger un châtiment tel qu’il servît d’exemple et d’épouvante aux autres. Le roi fut outré de colère en entendant ce récit et calmant les Maures par de douces paroles, il forma dans son cœur le ferme projet de faire périr le serviteur de Dieu d’une façon cruelle et extraordinaire. Il sortit ce jour-là pour voir la construction d’un bastion ou fort qu’il faisait élever en dehors de la porte Bab-el-Oued (1), vers le couchant, pour défendre un débarcadère et assurer la sécurité de la plage qui est de ce côté de la ville. Après avoir examiné la construction pendant un grand moment, sur le point de s’en retourner en ville, il appela un de ses chrétiens, un maçon, qui était le chef de certains mineurs occupés à la construction dudit bastion. Ce maçon se nommait Michel, il était navarrais. Le roi lui parla ainsi : « Michel, ne remplis pas encore ces planches […] laisse ce vide, car je veux ensevelir dans le pisé ce chien d’Oran qui ne veut pas se convertir à l’islamisme, » […] Maître Michel fit ce que le roi lui avait commandé. Peu après, comme il se faisait tard, il quitta le travail avec les autres captifs qui travaillaient avec lui et se rendit au bagne. Dès qu’il y fut arrivé, il alla trouver Géronimo et comme il était fixé sur les intentions du roi, il lui raconta tristement ce que Aluch Ali lui avait dit, puis il le pria, l’exhorta d’avoir du courage et de se préparer, comme tout bon chrétien doit le faire, au supplice qui l’attendait, et il ajouta qu’il avait de ses propres mains préparé son tombeau.
Le bienheureux Géronimo ne perdit pas courage en apprenant une pareille nouvelle et répondit à maître Michel : — « Que Dieu soit loué dans toutes ses actions. Ces canailles pensent-elles m’épouvanter par de » pareilles menaces ? Croit-on que je cesserai d’être chrétien ? Que Notre Seigneur se souvienne de mon âme et me pardonne mes péchés ». Quelques chrétiens et ses amis, entre autres, ayant appris la chose, vinrent le trouver et le consolaient, et l’encourageaient à recevoir la mort avec fermeté pour l’amour de Dieu. Il leur répondit à tous avec la même sérénité qu’il espérait que le Seigneur lui ferait la grâce et lui donnerait le courage nécessaire pour mourir pour son saint nom ; il les pria de le recommander à Dieu. Puis désirant se préparer à ce combat comme un bon chrétien, il appela tout d’abord un père, un prêtre qui se trouvait parmi les captifs du roi et le pria de l’entendre en confession, ce que le père fit avec le plus grand plaisir. Il entra avec lui dans une chapelle que les chrétiens possèdent depuis longtemps dans ce bagne et écouta pendant assez longtemps sa confession, il le consola et lui donna du courage pour supporter la mort.
[…] Il était encore de très bon matin, quand il revint à la chapelle où le père ne tarda pas à le rejoindre. Géronimo entendit la messe avec beaucoup de dévotion, reçut la communion, viatique du très saint corps de Notre Rédempteur Jésus-Christ […] Il pouvait être trois heures du matin[…]quand trois ou quatre chaouchs entrèrent dans le bagne et demandèrent Géronimo qui était encore en ce moment dans la chapelle se recommandant à Dieu. Il s’empressa de venir à eux. Dès qu’ils l’aperçurent ils commencèrent, comme c’est leur habitude, de l’accabler par bravade de mille affronts, de mille injures, le traitant de chien, de cornu, de juif et de traître, et lui demandèrent pourquoi il ne voulait pas être musulman. Le serviteur de Dieu ne répondit pas un mot.
Les chaouchs le placèrent ensuite au milieu d’eux et s’acheminèrent vers le fort ou bastion dont nous avons parlé et où devait avoir lieu son heureuse mort. Le roi les y attendait ; dès qu’ils furent arrivés les chaouchs placèrent Géronimo en face du roi, qui était entouré d’un grand nombre de renégats et de Turcs. Le roi lui dit : « Brê, Juppé » (Ce qui veut dire : Holà, chien !) pourquoi ne veux-tu pas être musulman ? Le martyr de Dieu répondit : Je ne le serai pour rien au monde. Je suis chrétien, je veux demeurer chrétien ! Le roi ajouta : « Si tu n’abjures pas, je vais te faire murer là », et il montrait l’endroit où les planches laissaient un creux entre elles. Le saint homme répondit avec un courage extraordinaire : « Fais comme tu l’entendras ; je suis préparé à tout et cela ne me fera pas abandonner la foi de mon Seigneur Jésus-Christ ».
Le roi voyant que sa foi était inébranlable fit enlever la chaîne attachée à la jambe de Géronimo, lui fit lier les pieds et les mains et ordonna qu’il fût jeté dans l’espace laissé entre les planches et qu’il avait fait réserver la veille, pour l’y faire murer vivant. Les chaouchs exécutèrent immédiatement cet ordre. Dès qu’il eut été placé entre les planches, un renégat espagnol […] sauta sur Géronimo à pieds joints et prenant entre ses mains un des pilons qui se trouvaient là, demanda avec empressement qu’on lui apportât de le terre, ce qui fut fait; la jetant alors sur le corps du saint de Dieu qui ne prononçait pas une parole, et était doux comme un agneau, il commença, tenant l’instrument des deux mains, à damer la terre de toutes ses forces et à grands coups. Des renégats, et il y en avait un grand nombre auprès du roi, voyant cela, voulant montrer qu’ils étaient de bons et parfaits turcs s’emparèrent d’autres pitons et se mirent avec fureur à tasser toute la terre qu’on apportait, jusqu’à ce que la cavité fût complètement comblée et que la mort du glorieux martyr s’en suivît. 9[…] On était alors à la mi-septembre de l’année 1569. Le bienheureux Géronimo pouvait avoir 35 ans au moment de sa mort, il était petit de taille, fluet, maigre de visage et très brun comme presque tous les Maures de Berbérie.
( à suivre… Les religieux missionnaires)
1 MAS LATRIE, M.L. DE, Traités de paix et de commerce…, vol. I, p. 89 : « Une porte unique, forte et basse, donnait accès à une ou plusieurs cours plantées d’arbres, arrosées d’eaux vives, entourées de galeries sous lesquelles se trouvaient l’entrée des habitations, l’entrée des magasins de dépôt et les boutiques particulières des marchands, des artisans et des ouvriers dans les principaux métiers et dans les diverses spécialités de chaque nation. […] Une partie spéciale des habitations était réservée au consul et à sa chancellerie […]. Au bas, quelques salles servaient de bourse, de prétoire et de prison. Dans une cour ou dépendance particulière communiquant aux précédentes, étaient l’église et le cimetière de la nation »
2 La colonisation espagnole en Oranie a duré près de trois siècles, de 1509 à 1792 (avec une interruption de 1708 à 1732)
3 Les Européens avaient la même pratique ; les prisonniers réduits en esclavage étaient envoyés loin de la frontière pour diminuer leur chance d’évasion. Les témoignages sont nombreux qui évoquent ces esclaves musulmans travaillant dans les grands chantiers de construction (cathédrales, églises), dans les monastères et aux travaux des champs.
4 De l’italien bagno (« bain »)
5 déclaré tel par le pape Pie IX