Sœur Praxedes et les Sœurs Blanches à Bejaïa
Sœur Praxedes Sanchez Domingo a vécu à Bejaïa les années les plus heureuses de sa vie de sœur blanche. Elle a quitté cette belle région et sa population après quarante années d’amitié dont elle gardera toujours le souvenir. Notre Congrégation est très reconnaissante envers chacun de vous qui avez permis à nos sœurs, et spécialement à sr Praxedes, de trouver et donner sens à sa vie. Que Dieu vous bénisse infiniment. Voici le témoignage de sr Andrée Geoffroy, actuellement à Lyon. Sr Andrée est l‘une des ces trois sœurs blanches, fondatrices de la communauté sœurs blanches de Béjaïa. Elle nous partage leurs débuts.
Zawadi Barungu pour les Sœurs Blanches
Nous sommes arrivées à Béjaïa à la fin de l’été 1979. Il y avait à Béjaïa, à cette époque, une communauté de 4 sœurs de la doctrine chrétienne et une petite fraternité de deux prêtres du Prado : Gabriel Piroird et Louis Aguesse.
C’est sur la demande des prêtres du Prado, qui avaient visité Madeleine Alain en Kabylie, que les responsables de l’époque ont accepté d’envoyer trois sœurs fonder une nouvelle communauté en petite Kabylie.
Sœur Françoise Dilies – qui faisait partie du conseil provincial- était venue prospecter quelques mois avant afin de trouver un appartement en ville et du travail pour deux d’entre nous. Les deux frères se sont chargés de la question de l’appartement, ce qui fut très difficile, et Françoise à pris contact d’une part avec l’hôpital et d’autre part avec le CFPA.
Elle fut très bien reçue à l’hôpital où le directeur lui promis d’engager Praxedes dès son arrivée, et encore mieux reçue par le directeur du CFPA qui proposa qu’Andrée, ayant enseigné le dessin industriel à Alger, prépare une nouvelle section de dessin dans son centre. Cet accueil si chaleureux de la population nous a bien aidé à démarrer cette nouvelle insertion.
Très vite après notre arrivée Madeleine Alain qui a travaillé tout sa vie dans l’étude du Kabyle, a pris contact avec une famille amie des sœurs afin de continuer son travail sur le dictionnaire kabyle-français que le Père Dallet avait mis sur fiche de son vivant.
Pendant nos années communes, Madeleine a fidèlement terminé la correction et la mise à jour du dictionnaire qui, ainsi, a pu être imprimé. Elle a également beaucoup travaillé à la méthode d’apprentissage du Kabyle, la méthode »Tizi Wuccen » qui a été »récupérée » par un fameux professeur de berbère de l’université d’Aix en Provence (Salem Chaker).
Ce travail de linguistique l’a mise assez vite en relation avec le »milieu berbérisant » de Béjaïa, à l’université d’une part et dans l’équipe dirigeante de l’Église évangélique d’autre part. Des deux côtés Madeleine a beaucoup donné de son temps, de ses connaissances, et de ses documents qui étaient précieux pour certains. Elle a aussi participé longuement au travail de traduction de la bible en kabyle courant que le pasteur évangélique Mustapha Krim organisait dans leur studio de traduction et de composition des chants religieux berbères auxquels Madeleine a aussi un peu participé.
Madeleine a été très appréciée par beaucoup à Béjaïa pour ses connaissances linguistiques, culturelles et ethnologiques. Elle aimait transmettre ses connaissances avec une gratuité et une amitié qui lui ouvraient bien des portes. Il y aurait beaucoup à écrire sur elle.
Praxedes Sanchez a été embauchée à l’hôpital de Béjaïa dès notre arrivée. Elle a, du moins au début, refusé d’être nommée responsable d’un service mais a très vite été acceptée et respectée pour sa compétence et son engagement responsable dans les situations difficiles. Elle a travaillé à l’hôpital jusqu’à sa retraite, et même au delà ?
Oui, le service d’accueil des enfants abandonnés dépendant de l’hôpital, étant laissé lui même totalement à l’abandon, Praxedes a organisé, avec plusieurs amies de la région, une association et un centre d’accueil pour ces enfants. Elle a consacré beaucoup de temps et de forces après son départ à la retraite pour l’organisation et le bon fonctionnement de ce centre, et spécialement pour répondre aux demandes d’adoption de ces enfants.
Nous avons vécu en communauté avec Praxedes les 4 premières années. Puis, nos deux frères du Prado ont décidé de nous laisser leur appartement situé dans les cités à Ihaddaden et de se réfugier dans les locaux de la paroisse, qui, petit à petit ont été totalement réorganisés.
C’est à ce moment-là que Praxedes a décidé de vivre seule, dans la première maison où nous avions habité au début, et où elle est restée jusqu’à son départ définitif.
Avec Madeleine, nous nous sommes installées à Ihaddaden en 83.
Andrée Geoffroy a, elle aussi, été embauchée dès notre arrivée au CFPA de la ville, afin de mettre en route une section de formation au dessin industriel. Le directeur ayant arrêté son contrat en 82 pour donner la place à un collègue algérien, elle a repris des cours de mathématiques au CFPHU situé juste à côté de notre cité de Ihaddaden. L’arabisation et l’algérianisation des enseignants en 85 l’ont obligée à quitter ce travail.
Un de ses collègues avait 3 enfants ayant un handicap mental. Avec lui, et d’autres amis, il a été décidé de mettre en route une association afin d’ouvrir des centres d’accueil pour ces enfants. Andrée et Madeleine avaient déjà fait le tour de la ville afin de repérer les familles qui avaient un enfant handicapé. Il y en avait beaucoup, plus ou moins »cachés ». Nous avons cherché et trouvé toute une équipe afin de constituer un bureau pour cette future association.
Le Wali de cette époque nous a beaucoup aidés, ayant lui même une petite fille qui avait une maladie incurable, et nous a très vite attribué deux appartements dans les cités. Le centre des petits était né, en 1983, et a entraîné à sa suite un grand centre agricole pour adolescents et adultes, en 1987. Toute la population nous a aidés pour le fonctionnement »financier » de ces deux centres. Ils existent toujours tous les deux. Il faudrait un livre pou r raconter leur histoire.
Au service de ce travail dans les centres nous avons accueilli tout d’abord, dans notre communauté, Gabriele Brand, une jeune sœur allemande, qui avait une formation d’éducatrice spécialisée. Elle a fait merveille au centre des petits … mais n’est restée chez nous que deux ans.
Marie-Hélène Blais est venue à sa suite comme pédagogue au centre des grands. Elle aussi a fait du très bon travail en formant un jeune pédagogue, pour la remplacer, et nous a quittées pour le Canada, trois ans après.
Nous avons quitté définitivement Béjaïa-Ihaddaden en 94, laissant Praxedes seule avec les sœurs de la doctrine chrétienne et le Père Louis Aguesse.
La population a toujours très bien collaboré avec chacune de nos activités. Nous avons les unes et les autres vécu des amitiés qui durent encore. Par les réseaux sociaux, je reste en relation régulière avec plusieurs familles de Béjaïa.
Cela me semble important aussi de souligner le très bon travail fait en communauté, en paroisse, en région (Sétif) et en diocèse, sur, d’une part la parole de jésus dans l’évangile, cela grâce à notre évêque Gaby Piroird, qui a invité Monique Rosaz pour des session d’été, et d’autre part sur le sens de notre présence en terre d’islam, long travail qui a abouti à la venue de Christophe Théobald et à l’écriture de ses livres faisant émerger la prise de conscience que la vie de Dieu grandit et prend corps au cœur de nos relations. Nous avons osé la nommer »le sacrement de la rencontre » (Cf. »Présence d’évangile » de Christophe Théobald).
Sr Andrée Geoffroy, smnda
Extrait de l’Echo de Constantine N°1 2021