Hippone, la cité d’Augustin

Sinus Rega : le « port royal »

Hippone est la doyenne des cités de l’Afrique du Nord. De l’âge préhistorique, elle conserve de nombreux vestiges. Dès le XII° siècle av. JC., elle est déjà un comptoir phénicien où transitent les navigateurs et les marchands de Tyr et de Sidon se rendant en presqu’île ibérique. Les métaux de l’Espagne sont transportés vers la Phénicie tandis que les objets manufacturés d’Orient sont dirigés vers l’Occident. Grâce à son port protégé, à son étendue, à la richesse de son arrière-pays, elle méritera son surnom, donné par les navigateurs, de Sinus Rega, le « port royal« .

Hippo Regius : Hippone royale

Massinissa, « le grand africain » (en tamazight : ⵎⴰⵙⵏⵙⵏ Masensen, ⵎⴵⵏⴵⵏ MSNSN en écriture libyque), né vers 238 av. J.-C. et mort en janvier 148 av. J.-C

Le roi numide Syphax Ier (qui régna entre 213 et 202 av. JC.) en fait sa ville de plaisance en marge de ses deux capitales, Cirta et la lointaine Siga, assise à l’embouchure de la Tafna. Syphax perd son royaume à la bataille de Zama, en 202 av. JC. Hippo Regius passe alors sous la domination de Massinissa, son adversaire, ami des Romains (203-148 av. JC.), qui lui confirme son titre honorifique de « royale », comme il le fera pour toutes les grandes villes qu’il prendra à Carthage, comme Bulla Regia, sur l’actuel territoire tunisien.

Hippone romaine

Avec César, Hippo Regius passe sous la domination romaine, lors de la guerre civile en Afrique, en 44 av. JC. Jouissant des bienfaits de la Pax Romana, devenue ville de la Proconsulaire avec un gouverneur local spécial, elle prend rapidement le visage d’une ville africaine romanisée. D’abord Municipe sous Auguste, elle devient Colonie romaine sous les Antonins (qui régnèrent entre 96 et 192 ap. JC.). Elle progressera si vite dans la voie de la romanisation qu’on dira d’elle qu’elle était plus romaine que les Romains. Hippo Regius est une ville où fleurit le génie de l’urbanisme dirigé par le goût de l’art et l’amour du confort. Elle est grande ouverte aux autres cités africaines par les grandes voies de Cirta, de Tipasa et de Carthage. Port commercial très actif, cité maritime remplie d’étrangers et de marchands, ouverte à l’Orient et à l’Occident, cité bariolée, dont la population est composée de Berbères, de Romains et d’étrangers.

Ce que vit Augustin à Hippo Regius

A son retour de Rome à Thagaste à la fin de 388, et après trois années de vie monastique dans sa ville natale de Thagaste (388-391), Augustin commence à servir à Hippone, d’abord comme prêtre puis, de façon inattendue, comme évêque, ministère qu’il exercera pendant 35 ans, de 395 à 430. Tandis que la grandeur de Rome décline et finalement s’écroule sous le pillage d’Alaric en 410, précurseur du sac de Genséric en 455, Hippone la Royale, jouissant de sa situation florissante, du rayonnement de la pensée, des œuvres et des luttes d’Augustin, deviendra comme une nouvelle Rome africaine. La pauvreté y est néanmoins très présente. Le soi des pauvres est un thème cher à Augustin, comme la recherche de l’unité dans une ville divisée entre catholiques et donatistes, ces derniers représentant environ les trois quarts des chrétiens résidents.

Le quartier chrétien

Hippone, vue générale de la grande basilique et de ses annexes – E. Marec, Hippone la Royale, Alger 1950, 56-57.

La Basilique moderne.

Dans le quartier chrétien antique, on peut admirer grande basilique à trois nefs avec son abside rehaussée, sa cathèdre, son ambon et son chancel. Les archéologues sont partagés sur son identité : s’agit-il de la basilique de la Paix, où officiait Augustin ? A droite, la chapelle à abside, flanquée du baptistère et de petits thermes utilisés pour la préparation des catéchumènes au baptême. A gauche, la basilique tréflée, les appartements de l’évêque, du clergé, des œuvres… C’est là qu’Augustin évêque reçoit le petit peuple comme les grands de ce monde. Là aussi qu’il recevra les rescapés de la chute de Rome, qu’il rédigera la plupart de ses œuvres, en les dictant au scriptorium du monastère à une équipe de secrétaires… Il voyagera souvent, sur le dos de son petit âne, à pieds ou sur les chars du Cursus Publicus, à Carthage, Cirta, Milève… et jusqu’à Césarée de Maurétanie (Cherchell). Malgré sa petite santé, il fut ainsi homme de voyages fatigants et périlleux réclamés par la visite du diocèse, les conférences, les conciles et les synodes. Au soir d’une vie de travail, de pénitence et de prière, c’est dans Hippone assiégée par les Vandales qu’il s’éteindra, proche de ses 76 ans.

+ Nicolas Lhernould

[D’après P. Laily, pb, XVI° centenaire de la conversion de saint Augustin, Hippone 1987, document imprimé].

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