Marseille – 17-24 septembre 2023
Le 23 septembre, jour de la visite du pape François dans la cité phocéenne pour la conclusion des Rencontres Méditerranéennes, l’Archidiocèse de Marseille a publié le compte-rendu suivant.
Les Rencontres Méditerranéennes, mosaïque d’espérance, ont réuni des jeunes des cinq rives de la Méditerranée et de vingt-cinq pays ainsi que des évêques du pourtour méditerranéen, qui sont tous par leurs responsabilités et leurs engagements d’authentiques signes d’espérance. Leur présence manifeste le désir de l’Eglise de ne pas penser sa mission comme une obsession pour sa survie propre mais un désir de contribuer au bien commun des sociétés de manière gratuite, au nom de sa foi en Celui qui nous aime gratuitement.
Ces rencontres s’inscrivent dans le prolongement des rencontres de Bari et de Florence. Elles ont commencé par une neuvaine de prière car la première attitude à avoir était de se mettre à ’écoute de l’Esprit. Nous avons fait le choix de faire confiance à l’expérience de chacun et au récit qu’il pouvait en faire car Dieu parle à travers chacune de nos histoires, à partir de chacune de nos rencontres. Notre parti pris fut celui de l’espérance qui permet de voir au-delà de ce qui se voit.
1. Marseille et sa vocation méditerranéenne
Ce n’est pas un hasard si es Rencontres Méditerranéennes se sont tenues cette année à Marseille. En effet, cette ville, par son histoire, par sa dynamique actuelle et par son état d’esprit, propose un message porteur d’espérance pour la Méditerranée. Depuis 26 siècles, Massilia, puis Marseille, n’a cessé d’accueillir, après les Phocéens et les Grecs, des femmes et des hommes venant de divers peuples des autres rives : Arménie, Italie, Algérie, Tunisie, Maroc, Liban, et tant d’autres. Ensemble, ils ont été et sont encore les artisans d’une mosaïque, dont la diversité fait la beauté.
À Marseille, on sait que l’identité ne peut se construire sans l’altérité, qu’un bonheur se construit en s’ouvrant à l’autre et qu’une rencontre partagée à hauteur de visage procure de la joie. Au fond, Marseille offre quelque chose, un “presque rien” d’unique et indispensable. Ici, on ne vient pas toujours par choix : beaucoup sont arrivés comme naufragés, mais Marseille a aussi souvent offert la possibilité d’un nouveau départ, d’une nouvelle vie. L’histoire personnelle de notre archevêque en est un exemple, et ils sont nombreux. Ne nous y trompons pas : cela ne signifie pas que tout est simple et facile. Mais nous savons d’expérience que l’espérance peut être plus forte que les drames et les défis à affronter.
2. Drames et défis
Les drames et défis sont nombreux : au cri de la terre résonne celui de la mer. La mer est source de vie, promesse d’avenir, mais elle est aussi devenue aujourd’hui la scène des plus grandes tragédies. Dans les pays qui l’entourent, cette mer à la jointure de trois continents, rassemblant des hommes de l’Orient et de l’Occident, du Mashrek et du Maghreb, ouverte au foisonnement des rites et des mythes est devenue une mer où résonnent les armes et les violences. Elle est aussi devenue tombeau pour celles et ceux qui en ont risqué la traversée en quête d’un avenir meilleur. Femmes, hommes et enfants, fuyant la guerre, jeunes pour qui les avenirs sont bouchés, croyants empêchés de vivre leur foi librement. Ces rencontres ont permis d’entendre à nouveau le cri de nos frères chrétiens d’Orient se sentant abandonnés, isolés, menacés dans leurs traditions séculaires. La proclamation libre et engagée de sa foi et de son espérance sur nos rives est apparue précaire, fragile et difficile.
Mais le drame n’est plus seulement humain, il est environnemental. Les rives se dessèchent, les arbres brûlent, les forêts sont rasées, les plaines sont inondées. L’enjeu écologique devient celui de tous, mais la responsabilité est inégale. D’aucuns travaillent à élaborer des solutions, mais ils s’essoufflent devant les égoïsmes et les indifférences.
Nos rencontres ont été l’occasion d’une indignation. Le Saint-Père, hier, devant le mémorial des disparus en mer, à Notre-Dame-de-la-Garde, allait jusqu’à parler d’un fanatisme de l’indifférence. Nous sommes tous interpellés, surtout et avant tout au sein de nos Églises. Comment répondent-elles à ces drames et à ces cris ? Sont-elles à la hauteur de ces défis ? On les voit fragiles, parfois aussi divisées, se repliant sur elles-mêmes.
La Méditerranée, riche de ses expériences, nous enseigne un chemin de vie. Les témoignages des rencontres de ces derniers jours nous l’ont appris.
3. L’engagement de nos Églises
Ce chemin de vie, c’est l’engagement à réinventer la Méditerranée à partir de ce qu’elle nous dit. Nous avions reçu une commande du Saint Père : proposer des chemins concrets de réconciliation et de paix. Ensemble, nous avons reconnu que ces chemins consistaient à redécouvrir une histoire, un récit commun, à explorer une identité ouverte plus vaste que nos seules nations. C’est pour cela que nous prenons l’engagement de nous retrouver régulièrement, grâce à un réseau académique et solidaire pour renforcer la conscience méditerranéenne, fondement d’une fraternité authentique entre les peuples.
Nous souhaitons promouvoir pour la jeunesse une éducation à la relation, où la voix du plus fragile et du plus discret est entendue au même titre que toutes. Nous voudrions aussi, à l’issue de ces rencontres, promouvoir des jumelages entre les acteurs civils, économiques et religieux de nos cinq rives. Nous voudrions travailler ensemble à une sensibilisation et une saine émulation pour promouvoir une écologie respectueuse de la terre, de la mer et des hommes. En ce sens, nous envisageons une Rencontre méditerranéenne des jeunes sur l’écologie. Le projet d’un bateau de la paix, circulant entre tous les ports de la Méditerranée pourra contribuer à la formation au dialogue de la jeunesse méditerranéenne. Se dessine déjà la perspective d’une instance de propositions pour valoriser nos expériences et nos ressources communes, une Conférence ecclésiale de la Méditerranée. Pour ce faire, nous nous doterons d’un outil de recherche et de réflexion sur les défis spirituels, humains et ecclésiaux qui sont les nôtres. Que la Méditerranée puisse redevenir berceau, espace de rencontre et source de croissance.
Archidiocèse de Marseille
23 septembre 2023