Dans cette situation particulière comment vivez-vous cette période ? (programme, rapport avec votre communauté, famille etc.)
Sr.Mary Jacintha.p.s.d.p Le programme que j’ai suivi pendant cette situation particulière est tout simplement la vie d’une Petite Sœur des Pauvres dans cette communauté de Paris Picpus , où je me trouve bloquée depuis le 17 mars. Nous avons la même mission partout, ce qui m’a permis de me mettre facilement au service hospitalier auprès des personnes âgées et vivre tout simplement la vie fraternelle dans la communauté.
Mes rapports avec la communauté d’Oran étaient réguliers grâce à Whatsapp. Nous avions fixé un horaire pour que les Petites Sœurs puissent partager leur vie quotidienne de la maison, leurs soucis ; ainsi je pouvais les soutenir par la prière et les aider dans les décisions à prendre concernant la bonne marche de la Maison. Envoyer un petit message pour les jours de fêtes et occasions spéciales dans la communauté etc., faisait du bien pour soutenir le moral de part et d’autre. De temps en temps une petite lettre pour encourager les personnes âgées. Ce n’était pas facile pour les Petites Sœurs de faire comprendre la règle sanitaire du confinement dans la maison.
Les nouvelles en provenance de France et l’augmentation de la pandémie n’étaient pas pour rassurer ma famille mais j’ai pu bien communiquer avec elle et cela a permis de calmer les esprits, et de garder la paix. D’autre part ils étaient consolés de voir que j’étais dans une de nos communautés.
Père Bruno Vuillaume J’étais venu en France pour une année sabbatique en juillet 2019, et j’espérais donc revenir en juillet 2020, nous sommes début octobre ! Pour préparer mon retour je suis revenu à Paris fin juin. Je connais pas mal de personnes dans la grande région parisienne : de la famille que je n’avais pas revue depuis des années, et aussi des personnes que j’ai connues dans des paroisses du 91 ou du diocèse de Chartres. J’ai donc profité de cet été pour faire des visites, et renouer des liens. A Paris, contrairement à mon logement près de Lyon où j’étais basé cette année, je suis dans une paroisse confiée à la Communauté du Chemin-Neuf, en plein quartier cosmopolite du 18°. J’ai donné quelques coup de mains, en présidant quelques messes de semaine ou dominicales.
J’ai partagé repas et rencontres avec des personnes algériennes ou d’autres qui fréquentent l’Algérie et notre Église. Quand tu dis que tu habites à Tibhirine, les questions arrivent…
Didier Lucas : Mon programme a consisté tout d’abord à me reposer et être au service de ma maman âgée de 95 ans qui va assez bien pour son âge. Étant plus proche de ma famille j’ai essayé de profiter de cette période pour approfondir les relations avec les uns et les autres, en essayant d’aimer plus-plus ! Le fait que ce séjour prévu au départ pour un mois s’est prolongé m’a permis de reprendre des contacts avec des personnes dont je n’avais plus beaucoup de nouvelles. La priorité étant toujours avec celles qui passent par des périodes difficiles de la vie. C’est ainsi que peu à peu j’ai réactivé un réseau qui s’était un peu distendu. Je mets aussi à profit ce temps pour lire de nombreux ouvrages.
La pandémie change tous les programmes, dans ces circonstances que vous inspire cette période ?
SMJ La pandémie me faire penser à quel point nous avons besoin les uns des autres, la nécessité d’une vie sociale pour vivre pleinement. Les mots : quarantaine, isolement, confinement sont effrayants pour tous les âges mais spécialement pour les personnes âgées. Pour moi, ce fut un temps d’enrichissement de ma vie spirituelle. Trouvant la vraie joie et le sens de la vie dans la parole de Dieu et devant la présence Eucharistique. Je me sentais proche de tous ceux qui souffraient de cette pandémie en priant concrètement pour eux sans barrière de nationalités, langues ou religion.
BV. Cet été, j’ai continué ma réflexion sur l’Église (catholique romaine, surtout) qui traverse des crises et des scandales, qui peine à se transformer pour répondre aux besoins du peuple des fidèles et aux appels de l’Esprit … j’ai lu quelques ouvrages récents (« Filles et fils de Dieu, égalité baptismale et différence sexuelle » ; « En finir avec le cléricalisme » ; …). J’ai commencé à méditer aussi « Cette Eglise révélée par les martyrs d’Algérie » de Christian Salenson, livre qui reprend ses entretiens donnés à Tibhirine à la retraite des prêtres en juin 2019.
DL. C’est exact les programmes se font et se défont nous vivons une grande période d’incertitude c’est pour tout le monde la même chose mais pour certains c’est beaucoup plus dramatique que d’autres. On voit généralement plus facilement tout le côté négatif de cette pandémie, j’y vois aussi un bouillonnement d’idées pour trouver des solutions, c’est extraordinaire. J’ai l’impression qu’en peu de temps nous allons passer à une autre époque certainement meilleure, les pays, dits pauvres, sont toujours les laissés pour compte dans tout cela mais peut-être qu’un rapprochement entre pays riches et pauvres est en train de s’établir.
Pensez-vous que cela apportera un changement dans notre société et dans notre Église en quoi selon vous ?
SMJ La pandémie a déjà apporté un changement dans notre société et l’Église en fait partie, j’y vois un signe des temps, Dieu nous parle. Écoutons et suivons sa voix pour bâtir une société nouvelle, une Église nouvelle.
BV J’ai le sentiment qu’une porte de sortie à la crise universelle de l’Église, dans un monde confronté à de nombreuses en crises,, s’ouvre par cette « révélation » de fraternité, de dialogue, de travail humble et partagé, de prière et d’offrande, de dépouillement, de respect et d’écoute …au raz du quotidien.La pandémie brise nos rêves ou projets, elle nous oblige à l’incarnation présente, et à reconsidérer la destination Terre ! la Création, la mort, le sens spirituel de la vie …
DL Je vois un changement d’époque arriver notamment avec l’écologie et tout ce que cela apporte avec un rapprochement entre humains. L’Église qui est dans ce monde doit aussi passer par ce chemin avec des nouvelles manières de vivre et annoncer l’Évangile en étant toujours plus proche des hommes, sans trop de structures laissant ainsi l’Esprit Saint agir peut-être plus facilement. Il faut se réinventer avec l’aide de Dieu, peut-être suis-je trop optimiste, mais c’est ma nature je crois.