Fratelli Tutti !
Cette expression venue du Moyen Âge et empruntée à St François d’Assises, sonne comme un cri de guerre pacifique et un acte de foi ! Ce sont aussi les premiers mots de la lettre encyclique du Pape François qui s’inscrit dans la suite de la déclaration commune sur la fraternité humaine signée conjointement avec le Grand Imam d’Al AzHar
Tous frères, à la fois nous le sommes, et à la fois nous sommes appelés à le devenir. Frères en humanité, nous le sommes d’évidence tant ce qui nous fait être humains nous est absolument commun. Si nous l’avions oublié, la Covid 19 nous rappelle que nous sommes constitués des mêmes cellules, que nous soyons riches ou pauvres, blancs ou noirs. Mais frères, nous sommes aussi appelés à le devenir, et ce n’est pas chose facile. La première famille humaine n’est-elle pas déjà symboliquement marquée au coin du fratricide de Caïen sur Abel ?
C’est vrai que la fraternité n’a rien d’évident et elle n’a pas son pareil pour construire des barrières et des frontières. Les mots frères ou sœurs ne trouvent vraiment leur sens qu’au possessif, mon frère, ma sœur. Cela suppose qu’il y a une différence entre eux et le reste des hommes et des femmes. Tout est bon pour servir de limites : familles, tribus, régions, pays, cultures histoires, et religions bien sûr… C’est humain. Et, à l’intérieur de ces limites, il s’en crée d’autres à l’infini de nos injustices, de nos inimités, de nos jalousies. Ces barrières de la fraternité ne sont pas des remparts contre la division et la violence, au contraire !
Tout l’enjeu consiste à passer de cette fraternité reçue à une fraternité choisie. Une fraternité qui n’ignore pas les frontières humaines mais qui les dépasse. C’est ce à quoi se sont engagés le Pape François et le Grand Imam d’Al Azhar, et leur fraternité a valeur d’exemple. Les initiatives ne manquent pas mais le fond de l’humain résiste depuis la nuit des temps.
Le parcours de vie de Mgr Henri Teissier, archevêque émérite d’Alger décédé le 1er décembre dernier est à ce titre remarquable. Son amour sans repentance de l’Algérie et des algériens qui le lui ont bien rendu, l’a amené à se jouer, non sans difficultés, des barrières maintenues entre France et Algérie, entre musulmans et chrétiens, lui qui était français de naissance et algérien d’adoption, évêque catholique et grand connaisseur de l’œuvre spirituelle de l’Emir.
Cette nouvelle année 2021, avec son poids d’incertitudes, sera bonne si elle est placée, au moins un peu, sous le signe de la fraternité !
+ fr. Jean-Paul Vesco op, évêque d’Oran