Billet de l’évêque « détermination »

On pourrait s’habituer à voir le pape François poser des gestes symboliques forts au risque que la portée symbolique de ces gestes s’amoindrisse avec la diminution de l’effet de surprise. Il n’en est rien et le voyage en Irak en est une preuve éclatante.

Étant venu à trois reprises en Irak pour visiter et soutenir mes frères dominicains, j’avais été témoin de la souffrance des communautés chrétiennes dont beaucoup des membres ont été contraints à l’exil, ont subi la perte de leurs maisons.

Qui aurait pu imaginer que quelques années plus tard l’espérance renaîtrait d’un tel voyage à haut risque du Pape François ? Qui aurait pu imaginer ces paroles fortes prononcées par le président de la république d’Irak quand on sait la complexité des forces politiques en jeu ? Qui aurait pu imaginer cet appel du maire de Mossoul à revenir lancé aux chrétiens de la ville quand on sait toutes ces maisons prises – mais aussi parfois protégées – par des voisins ? Qui aurait pu imaginer cette rencontre d’homme à homme avec l’Ayatollah Ali Sistani, le leader chiite ? Comment aurais-je pu imaginer ces sourires bienveillants et heureux sur les visages de mes frères et sœurs dominicains après tant d’épreuves traversées ?

Il a fallu pour cela la détermination d’un homme à tendre la main, de frère à frères, faisant fi du passé, tendu vers l’avenir. Un homme qui ne vient pas visiter sa seule communauté mais tous les Irakiens. Un homme qui vient en pèlerin à Ur sur les pas d’Abraham, figure symbolique du père des croyants monothéistes. Un homme enfin qui ne vient pas demander justice, mais qui vient en pénitent, non par calcul mais conscient qu’il n’est pas lui non plus innocent du mal qui traverse et crucifie notre condition humaine.

Il a fallu surtout que le Pape François rencontre des partenaires sur ce chemin de la fraternité car il faut être deux pour être frères. Cette expérience de la fraternité plus forte que la différence religieuse et les blessures de l’histoire est ce qui donne sens à notre quotidien. Sans cette fraternité en acte, nous ne pouvons rien faire. A l’approche du 16 mai, journée internationale du Vivre Ensemble en Paix, il nous faut voir la convergence profonde entre le chemin de fraternité dessiné par le Pape François et cette initiative forte née ici, en Algérie. S’engager sur ce chemin de la fraternité humaine, de toutes les manières possibles, de toute notre force et de toute notre foi est l’urgence de ce temps pour les hommes et les femmes de toutes cultures et religions.

+ fr. Jean-Paul Vesco op, évêque d’Oran

 

Église Catholique d'Algérie