Des racines profondes

La période contemporaine

En 1954, Monseigneur Léon-Etienne Duval est nommé archevêque d’Alger, peu de temps avant le déclenchement de la révolution. Dès son discours d’installation il rappelle les exigences de la justice, de la morale et des droits des plus pauvres. Ces paroles ont un écho profond dans la population algérienne.

Un pasteur engagé : Monseigneur Duval

Dans le contexte de violence qui s’étend dans le pays, deux mois et demi après, le 16 janvier 1955, il condamne la torture et la vengeance, il prêche la charité fraternelle dont les exigences ne sont pas compatibles avec les injustices économiques et sociales. Priorité est à donner aux plus pauvres. Par ailleurs, il affirme que « l’Église ne doit être inféodée à aucune cause temporelle »; Enfin, qu’il faut « assurer par le dialogue la libre expression des aspirations légitimes…et donner satisfaction à la volonté d’autodétermination des populations dans le respect des droits des personnes et des communautés ». Par ces paroles fortes et audacieuses, il devient vite « le symbole de l’Église d’Algérie dans son ensemble ». C’est le drame pour la population chrétienne mise brutalement devant un avenir auquel rien ne l’avait préparée. Elle se soulève, mais sa position devient vite intenable. C’est alors la confusion et la souffrance d’un exode précipité durant les derniers mois qui précèdent la proclamation de l’indépendance, le 5 juillet 1962. l’Église est écartelée entre cette hémorragie douloureuse de ses paroissiens et la nécessité de rester fidèle à la nouvelle nation qu’est devenue l’Algérie indépendant.

A noter que les orientations pastorales de Mgr Duval sont soutenues par le Saint Siège. Quelques temps après l’indépendance, il est nommé cardinal. Les responsables algériens accueillent cette distinction comme faite à leur nouvelle nation. Il est reçu à son retour de Rome avec les honneurs officiels.

Le Cardinal Duval aura eu le mérite dans des circonstances difficiles et douloureuses de faire passer l’Église d’Algérie du statut de structure de la colonisation à celui d’Eglise reconnue officiellement au sein d’un pays dont l’islam est religion d’État. En 1964 il obtient la nationalité algérienne. Il a rang officiel et force le respect et la sympathie des responsables politiques, non moins que de la population.

En 1964, les Eglises d’Algérie, du Maroc, de Tunisie et de Libye sont constituées en Conférence Episcopale Régionale du Nord de l’Afrique (CERNA). En 1972, Mgr Henri Teissier du diocèse d’Alger, formé au Caire à la langue et la culture arabes, est nommé évêque d’Oran. En 1981, il devient coadjuteur du Cardinal Duval au siège d’Alger. Celui-ci est prolongé dans sa charge en raison de son rôle éminent. En 1988, le cardinal Duval se retire et Monseigneur Henri Teissier lui succède à la tête du diocèse d’Alger. Le Père Pierre Claverie est nommé pour le remplacer à Oran.

Une communauté souffrante et solidaire

De 1990 à 1996, le pays connaît de nouveaux soulèvements internes. La population est prise entre le pouvoir et la contestation islamiste. On compte plus de 100.000 personnes tuées ou disparues. Parmi elles, l’Église paye un lourd tribut: 19 religieux, religieuses, prêtres et l’évêque d’Oran, Mgr Claverie, sont assassinés ; parmi eux les moines du monastère de Tibhirine. Ces derniers seront enterrés en même temps que le Cardinal Duval dont le décès survient à ce moment même.

Depuis l’indépendance la communauté chrétienne d’Algérie, réduite en nombre, s’était grandement diversifiée avec la présence de coopérants techniques venus de toutes les régions du monde. Depuis que le terrorisme a sévi dans le pays, leur présence s’est encore notablement réduite. Mais une nouvelle population d’étrangers est apparue dans le paysage, celle de nombreux Africains clandestins venant, à travers le désert, dans l’espoir de pouvoir passer en Europe. Avec les étudiants des pays sub-sahariens dans les universités, ils constituent souvent, aujourd’hui, le groupe le plus nombreux au sein de la communauté chrétienne.

l’Église a affirmé sa solidarité de destin avec le peuple algérien. « l’Église d’Algérie en Algérie est algérienne; elle fait partie de notre patrimoine » a pu déclarer un ancien ministre des Affaires Etrangères algérien. « Une Église dont tous les membres font de la rencontre avec l’autre, le cœur de leur fidélité à Jésus et à son Evangile. Une Église de la rencontre par-delà les frontières… »(Mgr Teissier) ; « La mission de l’Église: discerner et susciter des frères » (ibid.) ; « Que Dieu donne à l’Algérie beaucoup de Pierre Claverie! » (un universitaire algérien). C’est comme en écho, l’appel en rêve du Macédonien à Saint Paul (Act. 16/9). « Viens chez nous…nous avons besoin de toi ».

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Des racines profondes

 

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