A l’écoute de nos Pères (VIII)

Saint Fulgence de Ruspe (468-533)

Saint Fulgence, fêté le 3 janvier, est le patron de la paroisse de Tebessa, dans l’Est de l’Algérie. Il fut, après saint Augustin, le plus grand évêque et théologien de son temps. Son itinéraire nous est connu principalement par la Vita Sancti Fulgentii, attribuée à Ferrand, diacre de Carthage, qui fut moine avec lui, peut-être aussi son secrétaire.

Claudius Fulgentius, issu d’une famille sénatoriale romaine, naquit en 468, à Thélepte (dans la province de Byzacène, à une vingtaine de kilomètres au sud de l’actuelle ville de Kasserine, en Tunisie). Son père était païen et sa mère chrétienne, prénommée Mariana. Il exerça comme receveur des impôts dans la région de Thélepte pour le compte de l’empire romain. La lecture du commentaire de saint Augustin sur les psaumes le conduisit à embrasser la foi chrétienne, puis la vie monastique, aux alentours de l’année 493. Attiré par le témoignage des moines du désert, Fulgence décide de partir pour l’Egypte, après quelques années de vie monastique dans une Afrique du Nord sous domination et persécution vandales depuis plus de cinquante ans. Il en fut dissuadé en Sicile par Eulalius, l’évêque de Syracuse, qui l’entretint des graves problèmes doctrinaux qui secouaient alors l’Egypte. Il fit donc demi-tour et rentra en Afrique après un court séjour à Rome, où il assista, en l’an 500, à l’entrée triomphale dans la ville de Théodoric, le roi des Ostrogoths.

Un don lui permit de fonder un monastère dans les environs de Ruspe (probablement Henchir Sbia, près de Sfax, dans la Tunisie actuelle). L’interdiction d’ordonner des évêques, imposée par le roi vandale Thrasamund (496-523), le « protégea » de recevoir une charge dont il ne voulait pas. Mais les habitants de Ruspe surent le tirer de sa solitude pour faire de lui leur évêque, probablement vers 508. Après son élection, Fulgence fonda à Ruspe un autre monastère, où il vécut quelques mois avant d’être exilé en Sardaigne, comme tous les autres évêques catholiques de l’époque, sur décision de Thrasamund. L’exil ne s’interrompit que brièvement, lorsque le roi, féru de théologie, le rappela à Carthage pour débattre avec lui des désaccords doctrinaux qui divisaient alors vandales et catholiques. Une fois ces discussions terminées, Fulgence fut renvoyé en Sardaigne, pour un second exil qui ne s’achèverait qu’en 523, lorsque Hildéric (522-533), successeur de Thrasamund, décida de mettre fin à la politique répressive de ses prédécesseurs et autorisa les évêques à rentrer au pays.

Fulgence participa en 523 au concile de Junca, dont l’objectif était de réorganiser l’Eglise au sortir de la persécution vandale. Après neuf ans de ministère pastoral, au cours desquels il exhorta notamment le clergé à une vie plus simple et plus évangélique, il se retira sur le rocher solitaire de Chilmi, dans l’île de Cercina (l’archipel de Kerkennah, au large de Sfax), pour une vie recluse d’ascèse et de prière. Atteint par la maladie, il meurt un an plus tard, en 533, à l’âge de 65 ans, laissant le témoignage d’un pasteur plein de charité et un ensemble d’écrits riches et variés : dix traités théologiques, treize lettres, quelques œuvres éparses dont certaines sont perdues, et un corpus d’homélies prononcées, pour la plupart, lors du temps de Noël. Nous citons un extrait de l’une d’entre elles, donnée au lendemain de Noël, un 26 décembre, pour la fête de saint Etienne, le premier des martyrs (cf. Actes des Apôtres 6 – 8), dont le prénom (« Stephanos », en grec) signifie « couronne ». Dans ce texte, Etienne est appelé le « soldat » du « Christ roi », sans autre arme, à son image, que celle du don de soi dans la charité persévérant jusqu’au bout.

« Hier nous avons célébré la naissance temporelle de notre Roi éternel ; aujourd’hui nous célébrons la passion triomphale de son soldat. Hier, en effet, notre Roi, revêtu de notre chair, sortant du palais d’un sein virginal, a daigné visiter notre monde ; aujourd’hui le soldat sortant de la tente de son corps, est parti pour le ciel en triomphateur. […] La charité qui a fait descendre le Christ du ciel sur la terre, c’est elle qui a élevé saint Étienne de la terre jusqu’au ciel. La charité, qui existait d’abord chez le Roi, c’est elle qui, à sa suite, a resplendi chez le soldat. […] Étienne, pour obtenir de recevoir la couronne que signifie son nom, avait pour armes la charité, et grâce à elle il était entièrement vainqueur. Par l’amour de Dieu, il n’a pas reculé devant l’hostilité des Juifs ; par l’amour du prochain, il a intercédé pour ceux qui le lapidaient. Par cette charité, il leur reprochait leur erreur, afin qu’ils se corrigent ; par cette charité, il priait pour ceux qui le lapidaient, afin que le châtiment leur soit épargné. Fortifié par la charité, il a vaincu Saul qui s’opposait cruellement à lui et, après l’avoir eu comme persécuteur sur terre, il a obtenu de l’avoir pour compagnon dans le ciel. […] Et voici que maintenant Paul partage la joie d’Étienne, il jouit avec Étienne de la gloire du Christ, il exulte avec Étienne, il règne avec lui. Là où Étienne est allé le premier, mis à mort par la lapidation de Paul, c’est là que Paul l’a suivi, secouru par les prières d’Étienne. C’est ici la vraie vie, mes frères, celle où Paul n’est pas accablé pour le meurtre d’Étienne, mais où Étienne se réjouit de la compagnie de Paul parce que la charité apporte sa joie à l’un comme à l’autre. […] Chez l’un comme chez l’autre, la charité a pareillement obtenu de posséder le royaume des cieux. La charité est donc la source et l’origine de tous les biens, une protection invincible, la route qui mène au ciel. Celui qui marche selon la charité ne pourra ni s’égarer, ni avoir de crainte. Elle dirige, elle protège, elle conduit au but. » (Source : Fulgence de Ruspe, Homélie 3, in Liturgie des Heures, 26 décembre).

+ Nicolas Lhernould

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tableau du XVIIe siècle

représentant saint Fulgence.

Sur le livre on peut lire :

« Seule la charité permet de tout conquérir »

10 Déc 2021 | A la une, Eglise d'Algérie

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