Patricius et Monica
Le 13 novembre marque l’anniversaire de naissance de saint Augustin, à Thagaste (Souk Ahras) l’année 354. Cette circonstance offre l’occasion de présenter ses parents, Patricius et Monica.
De Patricius, son père, on ne sait que peu de choses. Etait-il d’origine romaine, comme son nom le laisse penser ? Ou d’une famille berbère romanisée depuis plusieurs générations, après que l’édit de Caracalla, en 212, eut donné la citoyenneté romaine à tous les peuples de l’empire ? Nous n’en savons rien. Augustin parle peu de son père, indiquant seulement qu’il était conseiller municipal de la ville de Thagaste (cf. Confessions II,3,5), qu’il épousa Monica et qu’ils eurent trois enfants : lui-même, en qualité d’aîné, Navigius et une fille dont le nom ne nous est pas connu. Augustin nous informe que son frère se maria et eut également des enfants (cf. De beata vita, 12), et que sa sœur, devenue veuve, devint responsable d’une communauté de moniales (cf. Lettre 211,4). Augustin précise aussi dans les Confessions que Patricius n’était pas chrétien mais respectait la foi de son épouse (cf. Id., II,11,17), qu’il embrassa finalement peu de temps avant sa mort, en 370, alors qu’Augustin était âgé de 17 ans (cf. Id., IX,9,19-22). Patricius eut à cœur de permettre à son fils de recevoir une très bonne éducation, tout d’abord à Madaure, puis en prenant la décision, peu de temps avant sa mort, en accord avec Monica, de l’envoyer à Carthage.
De sa mère Monica, Augustin parle beaucoup plus, précisant qu’elle était née dans une famille catholique de Thagaste (cf. Id., IX,8,17). Son prénom est d’origine lybique. Qu’en est-il de ses racines ? Nous ne le savons pas non plus précisément. Augustin ne parle jamais de ses origines berbères, se présentant le plus souvent comme « africain ». Monica n’eut pas toujours la vie facile avec Patricius, qui était très généreux mais aussi semble-t-il facilement irascible. Il lui fallut du temps pour être pleinement adoptée par sa belle-mère, qui la regardait d’un œil critique, influencée par des médisances de ses servantes (cf. Id., IX,9,20). Elle était âgée de 23 ans lorsque naquit Augustin. Elle l’inscrivit au catéchisme sans le faire baptiser (cf. Id., I,11,17). Quand Augustin embrassa la philosophie manichéenne, elle se montra très ferme, en commençant par le chasser de la maison avant de se réconcilier, continuant surtout de le porter dans la prière. Augustin lui mentit en s’embarquant pour Rome en 383, pour y chercher, après Carthage, encore plus d’honneurs, de gloires et de plaisirs. Monica, en larmes, vit le bateau de son fils prendre la mer depuis la chapelle de saint Cyprien, sur les hauteurs de Carthage (cf. texte ci-dessous). Elle le rejoindra en 385 à Cassiciacum, à proximité de Milan (cf. Id., VI,1,1), peu avant qu’Augustin, touché par la grâce et les homélies de saint Ambroise, ne reçoive le baptême, le 13 avril 387. Ils décidèrent alors de rentrer en Afrique, mais elle tomba malade et mourut à Ostie, à l’âge de 56 ans (cf. Id., IX,8,17). Tout avait été prévu pour qu’elle fût enterrée à Thagaste auprès de Patricius, mais elle demanda à être simplement inhumée en Italie. Une partie d’une épitaphe mentionnant son nom, datant du Ve siècle, fut retrouvée en 1945 à Ostia antica. Ses reliques reposent aujourd’hui dans la basilique saint Augustin de Rome.
15. Mais pourquoi sortir d’ici et aller là ? Vous le saviez, mon Dieu, sans m’en instruire, sans en instruire ma mère, à qui mon départ déchira l’âme, et qui me suivit jusqu’à la mer. Elle s’attachait à moi avec force, pour me retenir ou pour me suivre ; et je la trompai, ne témoignant d’autre dessein que celui d’accompagner un ami prêt à faire voile au premier vent favorable. Et je mentis à ma mère, et à quelle mère ! Et je pris la fuite. Vous m’avez pardonné dans votre miséricorde ; vil, et souillé, vous m’avez préservé des eaux de la mer, pour m’amener à l’eau de votre grâce, qui, en me purifiant, devait sécher ces torrents de larmes dont ma mère marquait chaque jour la place des prières qu’elle versait pour moi. Et comme elle refusait de s’en retourner sans moi, je lui persuadai, non sans peine, de passer la nuit dans un monument dédié à saint Cyprien, non loin du vaisseau. Cette même nuit, je partis à la dérobée, et elle demeura à prier et à pleurer. Et que vous demandait-elle, mon Dieu, avec tant de larmes ? De ne pas permettre mon voyage. Mais vous, dans la hauteur de vos conseils, touchant au ressort le plus vif de ses désirs, vous n’avez tenu compte de sa prière d’un jour, pour faire de moi selon sa prière de chaque jour. Le vent souffla ; il emplit nos voiles, et déroba le rivage à nos regards. Elle vint le matin au bord de la mer, folle de douleur, remplissant de ses plaintes et de ses cris votre oreille inexorable à ce désespoir ; et vous m’entraîniez par la main de mes passions, où je devais en finir avec elles ; et votre justice meurtrissait du fouet de la douleur sa charnelle tendresse. Elle aimait ma présence auprès d’elle, comme une mère, et plus que beaucoup de mères. (Saint Augustin, Confessions, V,8,15, tr. fr. M. Moreau, 1964).
+ Nicolas Lhernould
Ary Scheffer
Saint Augustin et sa mère sainte Monique
1854 – Londres – National Gallery