A l’écoute de nos Pères….(II)

SAINT OPTAT DE MILEV

Le 4 juin, nous faisons mémoire de saint Optat, qui fut évêque de Milev (aujourd’hui Mila, à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Constantine) dans la deuxième moitié du IVe siècle. Optat est beaucoup moins connu qu’Augustin ou Fulgence, qui s’appuieront pourtant beaucoup sur sa pensée et sur son œuvre. Les sources le concernant sont peu nombreuses. Ne nous sont parvenus de sa main que les six livres d’un ouvrage magistral intitulé Contre le Donatisme, qu’il publia aux alentours de l’an 367, republia vers 384, un septième livre ayant été ajouté après sa mort par l’un de ses disciples, au milieu des années 390.

Depuis l’an 313, l’Eglise d’Afrique du nord était lourdement divisée par le schisme donatiste, du nom du prêtre Donat qui, avec d’autres, s’était opposé en 312 à l’élection de Cecilianus comme évêque de Carthage. Donat et les siens avancèrent que Cecilianus avait été consacré par des évêques traditores, qui s’étaient soi-disant rendus coupables de trahison en 303, lors de la persécution de Dioclétien, en acceptant de consigner les Saintes Ecritures aux autorités et en y incitant, selon les exigences de l’édit impérial. Une manière de contraindre à abjurer la foi. Aux yeux des contestataires, cette trahison rendait nuls tous les sacrements célébrés et les actes de culte posés par ces évêques, les excluant de fait de l’Eglise, ainsi que ceux et celles qui leur obéiraient.

La théologie donatiste ne fut pas d’emblée aussi intransigeante. Elle se radicalisa avec le temps, notamment sous l’égide de Parménien, qui fut évêque donatiste de Carthage de 362 jusque vers 390. C’est contre Parménien qu’Optat écrit, s’efforçant de montrer, avec preuves à l’appui, que les véritables traditores de 303 n’étaient pas ceux que l’on avait accusés, mais bien … leurs détracteurs, instigateurs du schisme. Sur le plan théologique, Optat insiste aussi sur le fait que la sainteté de l’Eglise ne repose pas sur celle de ses ministres mais sur la volonté de son fondateur et sur la grâce qui l’accompagne en tout temps sans jamais lui faire défaut. Autant d’arguments qu’Augustin reprendra à son compte pour mettre fin au contentieux doctrinal lors d’une conférence organisée à Carthage en juin 411, où quelque 600 évêques, pour moitié catholiques et moitié donatistes, croisèrent leurs derniers arguments à l’issue de cent ans de tensions et de troubles.

A l’époque d’Optat, une quarantaine d’années plus tôt, le ressentiment des uns à l’égard des autres était déjà extrême. Rappelons qu’au plus dur de la crise la majorité des chrétiens étaient des donatistes, une minorité seulement étant restée catholique. Optat ne s’en tint pas à la mise en lumière de la vérité historique ni aux seules questions doctrinales. Pasteur d’âmes avant tout, il exhortait chacun à puiser dans ce qui unit la force de dépasser ce qui peut diviser. Comme dans ce paragraphe, qui compte certainement parmi les plus beaux textes de l’époque antique sur la fraternité.

« La paix, si elle était restée entière et inviolée comme elle avait été donnée, si elle n’avait pas été troublée par des fauteurs de schisme, entre nous et nos frères il n’y aurait aujourd’hui nulle dissension : ils ne verseraient pas de larmes inconsolables, ils ne se feraient pas traiter de faux prophètes, ils ne maudiraient pas Dieu ; nous, nous ne pleurerions pas les âmes troublées ou anéanties de nos fidèles. Pour qu’on ne me reproche pas d’appeler inconsidérément frères de telles gens, je me référerai à la parole du prophète. Eux ne nient pas et tout le monde sait qu’ils nous haïssent, nous maudissent et refusent de se dire nos frères. Mais nous, nous en pouvons pas nous écarter de la parole de Dieu. L’Esprit-Saint nous exhorte en effet par le prophète Isaïe : ‘Vous qui craignez Dieu, écoutez le nom du Seigneur. A ceux qui vous haïssent, vous maudissent et refusent de se dire vos frères, vous du moins, vous devez dire : vous êtes nos frères’ (Isaïe 66,5). Que personne ne s’étonne donc de me voir appeler frères ceux qui ne peuvent pas ne pas l’être. Eux et nous, nous avons la même naissance spirituelle, même si nos actes sont différents. Cham aussi, qui s’était moqué de la nudité de son père, était le frère de ceux qui ne s’étaient pas rendus coupables de cette impiété : c’est pourquoi il encourut la servitude et frère il fut soumis à ses frères [cf. Genèse 10,20-27]. Aussi bien, même le péché ne peut nous dépouiller du nom de frères ».

Optat de Milev, Traité contre les donatistes, I, 2-3, cité par V. SAXER, Saints anciens d’Afrique du Nord, Vatican 1979, p. 147.

+ Nicolas Lhernould

13 Juin 2021 | A la une, Eglise d'Algérie

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