8 milliards d’habitants sur Terre, sommes-nous trop nombreux?

Les naissances augmentent et nous mourrons plus vieux. Quelles sont les prévisions démographiques de demain? Entretien avec Gilles Pison, professeur émérite au Musée d’histoire naturelle de Paris, conseiller à l’Institut national d’études démographiques et auteur de « l’Atlas de la population mondiale » aux éditions Autrement.

La planète compte désormais plus de 8 milliards d’habitants. Les Nations unies en ont fait l’annonce le 15 novembre dernier. Et ce chiffre pourrait encore être revu à la hausse, en raison de l’excédent des naissances sur les décès. Les premières sont deux fois plus nombreuses que les seconds. Selon les prévisions des démographes de l’ONU, la population mondiale compterait 10 milliards d’humains d’ici quelques décennies, soit dix fois plus qu’il y a deux siècles.

La plus forte croissance enregistrée en Afrique

En 2022, la croissance de population la plus spectaculaire a lieu sur le continent africain, avec 2,3 enfants par femme en moyenne. «Le continent africain représente un humain sur 6 aujourd’hui et les projections des Nations unies annoncent presque deux fois plus d’Africains en 2050. En 2100, ils seront 3,9 milliards, plus d’un humain sur troisUn pays comme le Nigeria qui est sixième ou septième par sa population à l’échelle mondiale devrait rattraper et dépasser la Chine à la fin de ce siècle», affirme le démographe Gille Pison, auteur de l’Atlas de la population mondiale aux éditions Autrement. Ceci promet de grands bouleversements au niveau des équilibres démographiques.

S’il faut suivre avec attention la croissance de la population africaine, c’est l’Asie qui est aujourd’hui le continent le plus peuplé. Il compte 4 milliards d’habitants dont 2,8 milliards en Chine et en Inde comptent. Et si la population chinoise détient le record, elle devrait dépassée par l’Inde dans un ou deux ans.

Le paradoxe indien

L’Inde comptera 1,7 milliards d’habitants dans la deuxième moitié du siècle. Un paradoxe quand on sait que les Indiennes font d’ores et déjà moins d’enfants que par le passé: 2 par femme, ce qui est inférieur au seuil de renouvellement de la population –qui permet à la population d’être stationnaire. Comment expliquer ce paradoxe? «En Inde, le nombre de jeunes adultes en âge d’avoir des enfants est très élevé et ainsi, explique Gilles Pison, la proportion de personnes âgées est faible, tout comme le nombre de décès». Car aujourd’hui on meurt vieux et, s’il demeure quelques inégalités en matière de mortalité infantile, celle-ci a beaucoup baissé, poursuit le démographe.

Croissance toujours mais à un rythme qui décélère

La population mondiale continue d’augmenter mais le rythme de cette croissance décélère. Elle a atteint un taux maximum de plus de 2% par an il y a soixante ans et a diminué de moitié depuis, pour atteindre 1% en 2022. Un chiffre voué à baisser encore en raison de la diminution de la fécondité.

«En 2022, une femme fait en moyenne dans le monde 2,3 enfants alors que c’était plus du double il y a cinquante ans. En 2100, elle n’en fera plus que 1,8», rapporte Gilles Pison. Ce phénomène a commencé il y a deux cent ans en Amérique du Nord et en Europe, avec la limitation volontaire des naissances.

L’Europe, un continent vieillissant

L’Europe enregistre en 2022 la croissance démographique la plus faible. Une femme a sur ce continent 0,25 enfants en moyenne. L’Italie, dépeuplé de bébés, a en revanche un nombre record de personnes âgées, avec l’Espagne. Selon certaines analyses, ce pourrait avoir des conséquences sur ses capacités économiques majeures. Le pays passerait de la 9e à la 23e place sur la liste des puissances économiques mondiales.

Dans certains pays vieillissants, les gouvernements s’inquiètent comme en Corée du sud où les femmes ont moins d’un enfant chacune. «Le pays va manquer de main d’œuvre, et gérer une population âgée ou très âgée pose un certain nombre de défis», détaille le professeur émérite au Musée d’histoire naturelle de Paris.

Les politiques impuissants face aux courbes

Italie, Corée du sud ou Japon… Les pouvoirs exécutifs peuvent-ils avoir un impact sur la croissance ou la décroissance démographique de leur pays en adoptant par exemple des politiques publiques en faveur ou défaveur de la natalité? «L’exemple de la Chine est intéressant, raconte Gilles Pison. C’est un pays qui a notamment institué en 1979 la politique de l’enfant unique. Les autorités s’inquiétaient de la croissance rapide de la population. Or, il faut savoir que les Chinoises avaient déjà beaucoup moins d’enfants. La fécondité était de 3 enfants contre près du double dix ans plus tôt. Et si cela a baissé si vite, cela vient du souhait des Chinoises d’avoir moins d’enfants. On pense que la Chine aurait pu faire l’économie d’une politique si brutale avec un résultat final en termes de ralentissement de la croissance démographique qui aurait été peu différent. Et ce qui est intéressant, poursuit le démographe, c’est qu’il y a 7 ans, inquiet du vieillissement rapide de sa population, ils ont supprimé la politique de l’enfant unique, visant trois enfants par femmes en 2021. Ils essaient de relancer la natalité mais le taux de fécondité n’a jamais été aussi bas. La fécondité ne se décrète pas en conseil des ministres».

Sommes-nous trop nombreux pour la planète?

Et si les politiques n’y parviennent pas, que dire de ces jeunes adultes qui renoncent à avoir un enfant pour sauver la planète toujours plus chaude, plus polluée et dont les ressources sont limitées? «Il est illusoire de penser que l’on peut agir sur la courbes démographique à court terme, répond le professeur émérite. L’humanité n’échappera pas à un surcroît de 2 milliards d’habitants sur Terre d’ici 2050, en raison de l’inertie démographique que nul ne peut empêcher. Sauf élément très improbable comme la chute d’un astéroïde géant comme celui qui s’abattit au Mexique il y a 6 millions d’année contribuant à l’extinction des dinosaures.»

Le démographe conseille aux jeunes de faire autant d’enfants qu’ils le souhaitent mais de leur enseigner à être plus respectueux de l’environnement et plus économes en ressources. «La vraie question, celle dont dépend la survie de l’espèce humaine à terme, est finalement moins celle du nombre que celle des modes de vie» conclu l’auteur de l’Atlas de la population mondiale, aux éditions Autrement .

 

28 Nov 2022 | Actualités, Société

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