مجلس الأساقفة في إقليم إفريقية الشمال Conférence des évêques de la Région Nord de l’Afrique (CERNA) Episcopal Conference of the North Africa Region (CERNA)

A la suite de Charles de Foucauld

Frères et sœurs aujourd’hui en Afrique du Nord

Deux événements récents nous ont réjouis et nous avons voulu ensemble les partager aux fidèles de nos Eglises et à nos amis. Tous deux ont une importance particulière pour nous en Afrique du Nord. Il s’agit de la perspective de la canonisation prochaine de Charles de Foucauld, et de l’encyclique du pape François sur la fraternité.

INVENTER UN MONDE MEILLEUR

Nos Eglises ont vécu ces derniers mois au rythme de leurs peuples.

Pour beaucoup, la pandémie a bouleversé le travail, les études, les déplacements, la santé, la vie familiale, communautaire, eucharistique. Elle a accru les difficultés des plus faibles (ceux qui n’ont pas de voiture, de protection sociale, d’emploi régulier, une santé solide). Elle a aussi stimulé la créativité –y compris dans la vie de nos Eglises-, les initiatives d’entraide, encouragé à se perfectionner dans l’usage des réseaux sociaux.

Elle a invité à réfléchir sur les dysfonctionnements de nos sociétés : économiques, écologiques, sociaux, de nos rythmes et de nos modes de vie. Pour inventer un monde meilleur.

Nos pays ont continué à faire face à leurs défis propres, à commencer par celui de la guerre en Libye. Encore récemment, nos frères de l’église de Tripoli avaient l’électricité en moyenne cinq heures par jour et ceux de Benghazi se trouvaient toujours sans église, sans évêché et sans logement suite à des bombardements survenus au début de la guerre. Cela donne une idée de ce que peuvent vivre également leurs voisins. Mais la cessation des combats redonne l’espoir. Ailleurs, les défis sont de l’ordre de la transition ou des évolutions politiques et économiques.

Tous nos pays sont interpelés par les migrations, de leurs propres citoyens et de ceux qui traversent nos pays. Elles révèlent les déséquilibres et drames écologiques, économiques et politiques. Elles appellent notre aide, notre fraternité. Elles suscitent l’inquiétude de nos concitoyens et de nos gouvernants.

Les chrétiens ont continué à vivre, prier, agir.

Deux événements ecclésiaux viennent d’apporter un éclairage particulier sur ce que nous vivons et suscitent notre joie : la perspective de la canonisation prochaine de Charles de Foucauld, et l’encyclique du pape François sur la fraternité.

VERS LA CANONISATION DE CHARLES DE FOUCAULD

Charles de Foucauld est un européen dont la vie a été transformée au contact de la Palestine et de l’Afrique du Nord, au Maroc et en Algérie. Frivole, il y a retrouvé le goût de hautes valeurs. Riche héritier, il a tout laissé pour venir y vivre dans la plus grande sobriété. Agnostique, il y a redécouvert la ferveur de la foi. Centré qu’il était sur lui-même, il y a développé une intense curiosité pour la découverte de l’autre, de sa culture et de sa langue. Nazareth « où le Christ a tellement pris la dernière place que personne n’a pu la lui ravir », comme l’a dit l’abbé Huvelin, son accompagnateur spirituel, l’a séduit et lui a inspiré un amour qui ne s’éteindra plus pour la vie humble et cachée. Devenu moine et prêtre, il a voulu être missionnaire et annoncer l’évangile. Attentif au respect de l’autre, il a souhaité que toute sa vie « crie » son amour et son attachement à Jésus-Christ, même si ses lèvres n’en prononçaient pas le Nom. Pris de passion pour le Sahara et ses habitants, il a voulu s’y enfouir en offrant mystérieusement pour eux à Dieu sa vie, sa science, ses services et sa prière. N’étant ni de même sang ni de même culture ni de même religion, il a pourtant voulu être considéré comme un frère par eux, parce que cela lui semblait le plus haut témoignage de l’amour de Dieu qu’il avait connu en Jésus-Christ. Il est mort silencieusement, tué par accident comme beaucoup de civils,lors d’une escarmouche de la première guerre mondiale.

C’était un homme de son temps. Il n’a pas dépassé tous les préjugés de son époque. Mais il a ouvert la voie pour que d’autres, en essayant de se faire après lui « frères universels », travaillent à une vraie fraternité des êtres humains et des peuples par-delà les différences.

Sans compagnon ni disciple au moment de sa mort, il a suscité un mouvement spirituel qui a marqué tout le siècle après lui jusqu’à aujourd’hui. Il a suscité dans le monde entier une famille spirituelle à multiples branches dont plusieurs sont présentes dans nos pays d’Afrique du Nord : Petits Frères et Petites Sœurs de Jésus, Petits Frères de l’Evangile, Petites Sœurs du Sacré-Cœur, Fraternité sacerdotale Jésus-Caritas, Fraternité séculière Charles de Foucauld, Discepole del Vangelo, …

Dans les mois qui viennent, nous vous invitons à re-découvrir Charles de Foucauld, pour nous laisser travailler, transformer, convertir par Dieu comme le Seigneur a transformé « Frère Charles ». Nous pourrons alors accueillir sa vie comme une étoile, ses conversions –admirables ou incomplètes- comme un appel, son exemple comme une aide, sa canonisation comme une grâce.

FRATELLI TUTTI

L’encyclique Tutti fratelli » donnée par le pape François nous interpelle d’une façon particulière.

Elle s’inscrit en effet explicitement dans la suite de la Déclaration sur la fraternité universelle signée à Abu Dhabi au début de l’année 2019 par le Pape François et le Grand Imam de l’Université d’Al Azhar.

C’est une première pour un texte du Magistère de faire à ce point mention du rôle d’un musulman dans la réflexion du Pape. Cela rejoint quelque chose de notre expérience d’une rencontre avec des musulmans qui peut nous faire grandir dans notre propre foi et dans l’intelligence des appels de Dieu.

S’inscrivant dans la lignée des encycliques sociales, cette encyclique ne s’adresse pas seulement aux membres de l’Eglise catholique. Elle est résolument aux dimensions du monde et s’adresse à toute personne de bonne volonté. D’une certaine manière elle donne le monde comme limite, ou plutôt comme horizon, à l’Eglise.

Dans le Maghreb, nous expérimentons au quotidien cette Eglise qui ne peut se penser sans un lien de fraternité et de mission avec l’autre non chrétien. L’encyclique se termine en ouvrant l’espace à une fraternité universelle en acte, avec l’évocation de Charles de Foucauld, à la canonisation duquel nos Eglise doivent se préparer pour en recueillir le fruit.

Chacun pourrait se demander ce qui met particulièrement à l’épreuve la fraternité dans sa vie personnelle et dans le contexte où il se trouve.

En Afrique du Nord, nous faisons l’expérience d’une fraternité mise au défi par la différence religieuse. C’est surtout vrai dans les familles dont l’un des membres est devenu chrétien. Le chemin prend du temps pour le nouveau chrétien pour reconnaître les lumières déjà reçues dans le cadre de sa famille musulmane ; et pour sa famille de reconnaître que son orientation religieuse nouvelle ne l’a rendu ni moins bon ni moins frère ni moins citoyen.

Sur le continent et dans nos pays, la différence de couleur est aussi un défi, et beaucoup de chrétiens, étudiants, migrants et religieux d’Afrique subsaharienne, en savent quelque chose. Heureusement, les mêmes pourront parfois aussi témoigner de la fraternité créée à l’issue du combat mené pour la restaurer par leur persévérance, leur humilité, leur miséricorde.

Nous expérimentons que la fraternité est un combat dont les armes, pacifiques, sont d’abord en nous.

ENGAGEMENT

Nous vous engageons à lire l’encyclique Fratelli Tutti et à préparer la canonisation de Charles de Foucauld.

Avec vous, nous voulons renouveler notre engagement à construire la fraternité universelle à travers la communion entre nous, à travers l’effort œcuménique avec les autres confessions chrétiennes, à travers la rencontre islamo-chrétienne et avec toutes les personnes de bonne volonté, particulièrement en faveur de la paix et pour la sauvegarde de notre « maison commune ».

Que Notre-Dame d’Afrique, saint Cyprien et le Bienheureux Charles de Foucauld nous encouragent dans cet élan.

Cristobal LOPEZ ROMERO, George BUGEJA, Ilario ANTONIAZZI,

Jean-Paul VESCO, John MacWILLIAM, Mario LEON DORADO,

Nicolas LHERNOULD, Paul DESFARGES, Sandro OVEREND,

responsables des Eglises de Rabat, Tanger, Tripoli, Tunis, Oran, Laghouat-Ghardaia, Laayoune, Constantine & Hippone, Alger et Benghazi

en la fête des saints Marcel de Tanger et Maximilien de Tébessa,

30 octobre 2020

Archevêché – 13 rue KhelifaBoukhalfa – 16000ALGER-Gare – Algérie

Tél : +21321 63 35 62- Fax : +213 21 63 38 42 evechealger@yahoo.fr

Le président : Mgr Paul Desfarges

Le secrétaire : P. Michel GUILLAUD, +213 793 20 24 49 cerna.secretariat@yahoo.fr

In the Footsteps of Charles de Foucauld

Brothers and Sisters Today in North Africa

Two recent events have made us want to share our joy with the faithful of our Churches and with our friends. They are both of particular importance for us here in North Africa. One is the forthcoming probable canonisation of Charles de Foucauld and the other is Pope Francis’ encyclical about brotherhood.

BUILDING A BETTER WORLD

Our Churches have lived these past months to the same rhythm as their peoples. For many, the pandemic has disrupted their work, their studies, their travel, their health, their family, community and eucharistic life. It has increased the difficulties of the weakest (those who have no vehicle, no social security, no regular job or solid health). It has, however, also stimulated creativity – including that of our Churches – enhanced mutual support and has encouraged us to better use social networks. It has encouraged us to look at what is not working well in our societies so as to invent a better world: economically, ecologically, socially, and in the way we live, our pace of life.

Our countries have continued to face up to their own challenges, beginning with the war in Libya. In a recent exchange among us, our brothers of the Church in Tripoli were limited to electricity for only five hours a day whilst those in Benghazi were without a church, without a bishop and with no home in which to live because of bombardments at the beginning of the war. From that, we can also imagine how their neighbours are living. A recent cease-fire brings hope, moving the challenges to questions of transition and of political and economic evolution.

Migration is a problem for all our countries, both that of their own citizens and that of those passing through. It reveals imbalances as well as ecological, economic and political dramas. It calls for our fraternal aid and raises the concern of our fellow citizens and our governments.

As Christians we continue to live, to pray and to act.

The two recent Church events – the forthcoming canonisation of Charles de Foucauld and Pope Francis’ encyclical about brotherhood – shed a new and joyful light on what we are living.

TOWARDS THE CANONISATION OF CHARLES DE FOUCAULD

Charles de Foucauld was a European whose life had been transformed through contact with Palestine and North Africa, particularly Morocco and Algeria. After a frivolous life, he there discovered a taste for higher values. Despite having inherited wealth, he left everything in order to return and live there in the greatest sobriety. From being an agnostic, he discovered the fervour of faith. Self-centred as he had been, he developed an intense curiosity for discovering the ‘other’ in his culture and his language. Nazareth, “where Christ had so taken the last place that no one had ever been able to wrest it from him” (Father Huvelin), seduced him and inspired in him an unquenchable love for a humble and hidden life. Already a monk and a priest, he wanted to become a missionary and preach the Gospel. Attentive to the respect of others, he wanted his whole life to “cry out his love and attachment to Jesus Christ, even though his lips would not openly pronounce that Name. Passionate about the Sahara and its inhabitants, he wanted to entrench himself there by mysteriously offering for them his life, his knowledge, his service and his prayer. Even though he was not of the same race, culture or religion as them, he wanted to be considered as their brother since that seemed to him to be the greatest witness to the love of God which he had known in Jesus Christ. He died quietly, killed by accident during a confrontation, like so many other civilians during the First World War.

He was a man of his time. He didn’t overcome all the prejudices of his era, but he paved the way for others so that, by trying like him to become ‘universal brothers’, they could work towards a true brotherhood of human-beings and of peoples irrespective of differences.

Despite dying alone, without either companion or disciple, he initiated a spiritual movement which has marked the succeeding century up to today. He gave rise to a single spiritual family with multiple branches throughout the world, many of which are still present in our countries of North Africa: Little Brothers and Sisters of Jesus, Little Brothers of the Gospel, Little Sisters of the Sacred Heart, Jesus-Caritas Fraternity of Priests, Secular Fraternity of Charles de Foucauld, Discepole del Vangelo, …

In the coming months we are inviting you to rediscover Charles de Foucauld, to let yourself be challenged, transformed and converted by God, just as the Lord transformed ‘Brother Charles’. In that way we can see his life as a shining star, his conversions – be they admirable or incomplete – as a call, his example as an aid, and his canonisation as a grace.

FRATELLI TUTTI

Pope Francis’ encyclical Fratelli tutti challenges us in a special way. It is written, in fact, as an explicit follow-up to the Document on Human Fraternity signed at Abu Dhabi in early 2019 by Pope Francis and the Grand Imam of Al Azhar University.

It is a first, as a text of the Magisterium of the Church, to mention to such an extent, the role of a Muslim figure in a papal reflexion. That has links to our own experience of meeting with Muslims which can help us to grow in our own faith and in the understanding of God’s calling.

In line with social encyclicals, this one is aimed not only at members of the Catholic Church, but also, in a world dimension, at all people of good will. Somehow the world is given to the Church as its limit, or rather as its horizon.

Here in North Africa we daily experience life in a way which would be unimaginable without those bonds of fraternity and of mission alongside those of other faiths.

The Encyclical concludes by turning us towards a universal fraternity in action, evoking Charles de Foucauld for whose canonisation the Church is already preparing in order to fully receive its fruits.

We can each ask ourselves what it is that is at stake with regard to fraternity in our personal lives and in our own particular situations. In North Africa we experience a sense of brotherhood that is challenged by religious differences. That is especially evident in families where one of the members has become a Christian. It takes time for the new Christian convert to acknowledge the insights he or she has received from their Muslim family, and also for the family to realize that their new faith hasn’t made them any less good, any less a brother or sister, or any less a citizen.

In our continent and in our countries, difference of colour is also a challenge, and many Christians, especially students, migrants and religious from sub-Saharan Africa, are well aware of this. Fortunately, they are sometimes well placed to be witnesses themselves to the fraternity that can exist at the end of their struggles and are able to put things right through their perseverance, their humility, and their forgiveness. We discover that fraternity is a fight in which the weapons used are first and foremost within ourselves.

COMMITMENT

We invite you to read the encyclical Fratelli tutti and to prepare for the canonisation of Charles de Foucauld.

We would also like, along with you, to renew our commitment to the building up of a universal brotherhood through communion among ourselves, through ecumenical effort with other Christians, through Christian-Muslim dialogue and with all people of good will, and this with a particular emphasis on peace and on the protection of our “common home”.

May Our Lady of Africa, Saint Cyprian and Blessed Charles de Foucauld help us to achieve this.

Cristobal LOPEZ ROMERO, George BUGEJA, Ilario ANTONIAZZI,

Jean-Paul VESCO, John MacWILLIAM, Mario LEON DORADO,

Nicolas LHERNOULD, Paul DESFARGES, Sandro OVEREND,

Pastors of the Churches of Rabat, Tangiers, Tripoli, Tunis, Oran, Laghouat-Ghardaia, Laayoune, Constantine & Hippone, Algiers and Benghazi

On the feast of Saints Marcel of Tangiers and Saint Maximilian of Tebessa,

30th October 2020

CERNA, c/o Archevêché – 13 rue KhelifaBoukhalfa – 16000ALGER-Gare – Algérie

Tél : +21321 63 35 62- Fax : +213 21 63 38 42 evechealger@yahoo.fr

Le président : Mgr Paul Desfarges

Le secrétaire : P. Michel GUILLAUD, +213 793 20 24 49 cerna.secretariat@yahoo.fr

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