Visite de Monseigneur Gallagher en Algérie

Notre Église a vécu un évènement d’importance les 25 et 26 octobre dernier avec la visite de SE Monseigneur Paul GALLAGHER, Secrétaire pour les relations avec les états d la Secrétairerie d’État du Saint-Siège, autrement dit le Ministre des Affaires Étrangères du Saint-Siège. Cette visite de premier plan était motivée par la célébration du cinquantième anniversaire de l’établissement d’une représentation officielle du Saint-Siège en Algérie, soit la création de la Nonciature. C’était l’occasion de célébrer la confiance qui a toujours présidé aux relations entre l’Algérie et le Saint-Siège dans les moments difficiles et dans les moments heureux tels que l’organisation de la béatification des dix-neuf bienheureux.

Après une cérémonie au Monument des Martyrs de la Révolution, la première journée a été consacrée aux rencontres avec les plus hautes autorités du pays : Audience avec le Président de la République, rencontres avec les Ministres des Affaires Étrangères, de l’Intérieur, des Affaires Religieuses, et enfin avec le Recteur de la Grande Mosquée. Ces rencontres ont dit l’importance et la considération accordées à cette visite qui était de fait une première de ce niveau.

La matinée du lendemain fut consacrée à un pèlerinage au monastère de Tibhirine avant la réception officielle à la Nonciature en présence de plus de soixante-dix représentations diplomatiques. Ce grand nombre de pays représentés dits beaucoup, lui aussi, de la place de l’Église catholique dans le concert des nations.

L’après-midi fut consacrée à une rencontre avec des membres de la communauté chrétienne, puis la célébration de la messe dans la basilique de Notre Dame d’Afrique. La journée, et aussi la visite, fut clôturée en beauté par une réception simple et détendue de la communauté chrétienne dans les jardins de la Nonciature.

Cette visite a tenu toutes ses promesses, et même davantage. Elle devrait être suivie d’autres rencontres d’importance. Même si, étant prévue de longue date, cette visite était sans rapport avec l’annonce de la fermeture du service CARITAS en Algérie, elle a permis une plus grande compréhension et une intensification des échanges, formels et informels, entre les autorités et notre Église en Algérie. Ces relations humaines étaient bienvenues en ces temps où plusieurs activités ont été mises en question ou arrêtées. Il nous a notamment été réaffirmé avec vigueur que la fermeture du service CARITAS ne remettait nullement en question la vocation caritative de notre Église sans laquelle elle ne serait plus que l’ombre d’elle-même.

 + Mgr Jean-Paul Vesco

Entretien avec Mgr Gallagher

(à la suite de sa visite à Alger 25-27 octobre 2022)

C’est pour le 50ème anniversaire de la Nonciature d’Alger que vous êtes venu, quel est le rôle d’une nonciature ?

Le rôle d’une nonciature est d’être une ambassade. La figure la plus importante dans toute ambassade est l’ambassadeur, dans le cas précis c’est le nonce : c’est ainsi qu’on appelle l’ambassadeur du pape. Son rôle est de représenter le Saint-Siège et le Saint-Père. Il doit aborder, en tant qu’autorité, tous les sujets qui intéressent le Saint-Siège, permettre d’arriver à s’accorder sur la manière de faire, de célébrer, sur les gestes à faire. Le nonce a un double rôle : il est aussi le représentant du pape pour la communauté catholique, il doit soutenir les évêques, assurer la communication entre la ou les Églises locales et le Saint-Siège à Rome, telle est sa mission. Par ailleurs la chose la plus importante pour nous, en tant que Secrétairerie d’État, est que le nonce ait une connaissance profonde du pays, qu’il comprenne ce qui le caractérise, de manière à saisir les questions qui se présentent dans leur contexte réel et historique. En cas de problèmes, de difficultés, si le nonce peut proposer et apporter de l’aide, c’est positif.

L’Église catholique d’Algérie est très petite et presque insignifiante par rapport à l’Église universelle, comment est-elle perçue au Vatican ?

Je rejette l’idée qu’elle soit presque insignifiante, c’est une Église avec une grande histoire, une Église dont la foi est très vivante. Il est vrai que ces jours-ci j’ai dit qu’à Rome nous pourrions accorder plus d’attention à cette région de l’Afrique du Nord et en particulier à l’Algérie : soutenir l’Église et collaborer avec les autorités pour une meilleure compréhension et pour le bénéfice de tous

L’Église en Algérie est plongée dans le dialogue avec les musulmans, le Saint Père poursuit inlassablement les contacts avec les musulmans et l’Islam, en tant que Ministre des Affaires Étrangères du Pape François, quelle est l’importance de ce dialogue pour l’Église catholique ?

Quand le pape décide quelque chose, quand il fixe une priorité pour son pontificat, nous, en tant que diplomates, sommes heureux et même obligés de poursuivre les priorités du pape, et il en a été ainsi dès le début : les contacts avec Al Azhar, la signature du document avec le Dr al Tayeb, puis au Maroc avec la question de Jérusalem. Ensuite lorsque le pape a voulu se rendre en Irak, l’une des principales raisons était de s’ouvrir un peu plus aux Chiites, aussi la rencontre avec l’ayatollah Ali Al-Sistani a-t-elle été très importante sous ce pontificat, ainsi que le soutien aux minorités persécutées, les chrétiens en particulier. Tout cela reste une priorité, ce que je crois c’est qu’il faut arriver à un vrai dialogue interreligieux parce que il y a une tendance à ne pas vouloir partager toutes les richesses de la foi ni à s’ouvrir, et parfois il arrive qu’on finisse par discuter des problèmes régionaux, des problèmes politiques etc… Je crois qu’il faut renouveler la dimension spirituelle, je crois que le Pape le fait avec ses frères musulmans et d’autres, surtout en ce moment.

Quel a été le bilan de ce séjour ?

Ce séjour a été court, peut-être trop court, en réalité il aurait été très intéressant d’aller à Oran et de faire les choses peut-être à un rythme plus léger. Ces deux jours ont été très intenses, surtout le premier avec les autorités. Tout d’abord, rien ne remplace le fait de venir et de voir sur place, voir les fidèles, écouter les pasteurs avec leurs difficultés et les soutenir. Je crois que je rentre à Rome plein d’optimisme pour cette Église locale, même si les problèmes et les défis ne manquent pas. Je constate que les ressources humaines sont très limitées, donc si nous pouvons encourager des prêtres et les laïcs à consacrer une partie de leur vie dans une Église comme celle-ci, ce serait opportun. Je vois des personnes très engagées là où elles sont envoyées, des catholiques amoureux de ce pays, que ce soit le leur ou non. Je suis d’avis qu’il faut valoriser de plus en plus positivement ce que l’on voit. Hier en visitant Tibhirine j’ai vu le visage attirant de la paix : beaucoup devraient s’y rendre pour voir le prix que les moines ont dû payer pour maintenir cette relation. Il ne faut pas abandonner ce pays, ni son peuple dont l’amitié doit être jalousement préservée. C’est un aspect très fort, je pense qu’il est important qu’en tant que croyants d’une religion, nous cultivions l’amitié qui se présente avec ceux d’une autre grande religion. Et peut-être abattre un peu les barrières et les préjugés de l’histoire qui se présentent. Je crois que c’est ce qui apporte la stabilité, la sécurité et en fin de compte c’est ainsi que nous construisons le royaume de Dieu. Cela n’est pas une question de nombre, de grandeur, ni même de grands monuments. C’est une question de cœur, et peut-être y a-t-il ici un pays où nous pouvons, chrétiens et musulmans, vraiment grandir avec l’amour du cœur de Dieu envers ceux qui sont nos frères.

Propos recueillis par Elias Duric

      

Église Catholique d'Algérie