Rencontre avec Graziella responsable de CARITAS Algérie

Nous nous sommes croisées pour la première fois lors des obsèques de Monseigneur Teissier, où elle offrait du thé aux personnes présentes avant la cérémonie. Comme elle me disait qu’elle était la responsable de Caritas Algérie, je lui ai demandé si elle pouvait m’expliquer ce qu’était Caritas, tant je ne me sentais pas à l’aise vis-à-vis de cet organisme dans notre petite Église d’Algérie, davantage tournée vers la rencontre que vers de grandes interventions. Nous avons pris rendez-vous et c’est plus tard, dans un des bureaux provisoires de Caritas à l’archevêché, que nous avons pris le temps d’échanger.

Quartier de la Villette Paris

Qui est Graziella

Elle est italienne, mais ses parents ont émigré en France pour trouver du travail quand elle avait quelques mois. Avec sa sœur aînée et ses deux frères jumeaux nés en France, elle a vécu au quartier de la Villette à Paris jusqu’à l’âge de 9 ans avant de repartir en Italie. Cette question de la migration l’a toujours intéressée, d’autant qu’avant son père, son grand-père avait été obligé de migrer en France et aussi en Angleterre.

De retour en Italie, elle poursuit ses études ; pour son père qui n’avait fréquenté l’école que deux ans les études étaient « la chose la plus importante » ; « avec le cœur » ajoutait leur mère. Elle travaillait l’été pour payer ses études.

Diplômée en économie elle est embauchée dans la grande entreprise pétrolière italienne l’ENI. Plus tard elle la quitte pour ouvrir sa propre boite de service aux entreprises dans le domaine de l’informatique. Il s’agissait d’analyser les besoins de PME et de les traduire en logiciels. L’entreprise qu’elle gère avec un de ses frères se développe jusqu’à employer 50 personnes, ce qui fait évoluer ses fonctions vers des activités de contrô

Milano Italie

le interne et de gestion des ressources humaines. Au bout de 30 ans dans ce métier, elle décide de changer pour un 3ème secteur. Elle forme son successeur et en 2016, elle peut partir. Elle n’a pas d’idée précise pour la suite

Sa venue en Algérie

Un de ses frères jumeau est prêtre et elle rencontre des PIME1 qui lui proposent de venir en Algérie en octobre 2016 pour un voyage sur les pas de Charles de Foucauld et de saint Augustin. Elle visite Alger, Annaba, Biskra, Touggourt, Hassi Messaoud, El Menia, Tibherine, Cherchell.

Par la suite, Cesare Baldi, en charge de Caritas, lui propose de venir réorganiser l’institution dont il a la charge. Elle accepte de venir voir et dépose le 21 décembre un dossier pour obtenir son visa d’entrée en Algérie, pensant qu’elle devra attendre quelques temps ; le 24 décembre on l’avise que son visa est prêt.

Elle arrive à Alger début 2017. Elle trouve Caritas en pleine crise : « la révolution des malentendus » dit-elle. L’équipe en place depuis 2009 avait en effet été mandatée par les évêques pour organiser une Caritas forte, centralisée au niveau national. Cependant, la mise en œuvre de cet objectif menée sans s’appuyer suffisamment sur la communauté chrétienne résidente et trop centralisée pour un pays si vaste et si divers que le nôtre, a soulevé une forte opposition ; au point que les Evêques, en 2017, ont opté aujourd’hui pour un retour à des actions initiées par les Caritas diocésaines.

A son arrivée Graziella exerce des fonctions strictement administratives ; elle met notamment en place des logiciels de comptabilité et de gestion de projet. Mais, après le départ ou la démission en 2018 des principaux responsables de Caritas, les évêques lui demandent d’en prendre la direction.

Quel est son rôle

Sur le fond, ce sont les quatre évêques d’Algérie qui ont défini les orientations de Caritas. Les décisions sur quoi faire et où relèvent des diocèses. Caritas Algérie a un rôle de coordination et de relation avec les bailleurs de fonds ; ce n’est pas à son niveau que se prennent les décisions.

Assurer une coordination des projets est un exercice délicat. En Algérie les actions, souvent modestes, émanent en général de congrégations religieuses. Ces dernières sont nombreuses et ont chacune leur vocation propre à laquelle elles sont très attachées. De leur côté les bailleurs de fonds ont leurs règles de gestion qu’il faut respecter. Il est nécessaire d’établir avec eux des relations de confiance basées sur la transparence. Trouver des solutions à la fois respectueuses des objectifs des congrégations et efficaces n’est pas simple. C’est toutefois possible avec une bonne concertation : Graziella évoque à ce propos la relation fructueuse établie avec Luc Feillée, alors responsable de Caritas au diocèse de Laghouat-Ghardaïa, pour traduire dans des termes compréhensibles aux bailleurs de fonds les actions initiées par différentes petites congrégations dispersées dans le grand Sud.

L’équipe de Caritas Algérie est très réduite, et Graziella se félicite de la collaboration efficace de Monia.

Pour terminer je dirai que cette rencontre avec Graziella a été un réel plaisir, tant l’échange était intéressant, amical et sans arrière-pensée. Je n’ai pas tout compris sur Caritas, mais suffisamment pour me convaincre qu’elle n’était pas hors sol mais au contraire très attentive à la vie concrète de la communauté chrétienne au service des algériens. Graziella dit qu’elle ne connait pas l’Algérie bien qu’elle y vive depuis trois ans déjà, ce qui montre sa modestie et son souci d’écoute ; avec de plus ses compétences et sa clairvoyance, elle est pour moi un vrai cadeau pour notre Église.

Marie-France Grangaud

 

1 PIME (Pontifico Instituto Missioni Estere), Institut pontifical pour les missions étrangères

7 Mar 2021 | A la une, Caritas

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