Interview de monsieur l’ambassadeur du Mexique, Gabriel Rosenzweig Pacheco

1-Présentez-vous, parlez-nous de vous

Je suis né à Mexico. Je suis l’ainé de trois frères. Enfant, j’ai vécu à Lima, Pérou et Quito, Equateur car mon père travaillait pour l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Cette expérience et le fait que ma grand-mère paternelle était espagnole et mon grand-père paternel, fils d’un autrichien, ont fait naitre en moi, très jeune, le gout pour la vie itinérante et un intérêt pour les questions internationales. C’est pour cette raison qu’une fois à l’université, j’ai opté pour des études en relations internationales. En 1986, j’ai rejoint le service extérieur mexicain. Durant plus de 35 années de carrière, j’ai travaillé à Mexico ainsi qu’aux ambassades en Espagne, Canada, Belgique, Pays-Bas et Italie.

Je suis heureux en mariage avec Laura O’Dogherty, originaire elle aussi de Mexico. Laura est docteur en histoire et a renoncé à une carrière professionnelle prometteuse à l’Université Nationale Autonome du Mexique, pour rester à mes côtés. Nous avons le bonheur d’être parents de deux garçons : Martín 24 ans et Julián 20 ans.

Depuis quelques années, j’ai consacré une partie de mon temps libre à des travaux de recherche. Parmi les thèmes auxquels je me suis intéressé, il y a l’histoire des premières traductions de romans mexicains et les réseaux de contacts établis par le diplomate et homme de lettres mexicain Alfonso Reyes avec des intellectuels de milieux linguistiques différents de l’espagnol. Pendant mon séjour en Algérie, j’ai écrit un article sur les premières éditions en espagnol de L’étranger et La peste, d’Albert Camus.

Je trouve dans la nature une source de bonheur et de bien-être. J’apprécie particulièrement les baignades en mer, les promenades à la campagne, les couchers du soleil et les ciels étoilés.

2-Depuis quand êtes-vous en Algérie ? Comment vous y êtes-vous pris pour connaitre notre pays ?

Qu’est-ce qui vous a étonné ? qu’avez-vous aimé ou au contraire pas aimé ?

Je suis arrivé à Alger en mai 2018, il y a de cela presque quatre ans. Je dois dire que quand j’ai su que j’allais travailler en Algérie, j’ai eu une certaine appréhension. L’image que j’en avais se limitait, principalement, aux horreurs de la décennie noire. Mais une fois ici, j’ai commencé tout d’abord par visiter le centre d’Alger et à côtoyer les gens dans les places et les marchés, puis à connaitre des algériens et à parcourir le pays, et mes peurs ont non seulement disparu mais elles ont laissé place à une fascination constamment grandissante.

Alger m’a émerveillée: la structure de ses escaliers et ses rues irrégulières qui suivent les formes capricieuses des collines, les multiples vues donnant sur la baie, soit depuis les miradors, soit du fond de ruelles de la Casbah ou du Télemly ; les immeubles art nouveau et art déco, avec leur variété de mosaïques, de zellige, de grilles et de portes d’entrée; les logements conçus par Fernand Pouillon pour favoriser la cohabitation et le plaisir de la beauté ; les tombes et les cimetières catholiques et leurs couronnes et fleurs en céramique…

Mes voyages à l’intérieur du pays m’ont permis de constater que l’Algérie ne se limite pas à Alger. J’ai eu la chance de visiter une bonne partie de la côte du pays et plusieurs villes et endroits du centre et du sud. Je suis resté fasciné par les ruines romaines de Tipasa, Djemila et Timgad ; les quartiers historiques du M’Zab, notamment, la mosquée de Sidi Brahim, à El-Atteuf ; la splendeur de l’Assekrem ; les jardins des oasis de Taghit et, surtout, les paysages, l’immensité et le silence du Tassili.

La qualité et la richesse de la littérature algérienne en langue française m’ont beaucoup surpris. Lire des auteurs tels qu’Emmanuel Roblès, Mouloud Feraoun, Maïssa Bey, Kaouther Adimi, Abdelkader Djemai, Samir Toumi, Yasmina Khadra, Kamel Daoud et Samir Kacimi, m’a non seulement fait passer d’agréables moments, mais m’a permis d’enrichir ma connaissance de la société algérienne et découvrir les différences et similitudes avec la société mexicaine.

Les choses les plus surprenantes pour moi ont été, en premier lieu, la richesse de l’histoire de l’Algérie, puis en second lieu, chose plutôt banale mais fruit de mon ignorance, la fertilité du littoral. Ce n’est que lorsque j’ai vécu ici que j’ai pris conscience que l’Algérie a été, à travers les siècles, une terre de rencontre de civilisations, de transit, de métissage, de diversité et de tolérance. De même, contrairement au stéréotype, tellement répandu, qu’à la rive sud de la Méditerranée, il n’y a que sable, palmiers et chameaux, le littoral est peuplé d’oliviers, de vignobles, d’orangers et de tout type de culture.

3-Vous qui êtes de tradition catholique et avez séjourné dans divers pays, comment décririez-vous notre église d’Algérie ?

L’Algérie est le premier pays où j’ai vécu dont la population n’est pas majoritairement catholique ou de tradition catholique. Cela m’a fait sentir, pour la première fois de ma vie, que je faisais partir d’une minorité. Toutefois, dès que j’ai commencé à fréquenter l’église catholique d’Algérie, ma surprise et mon incommodité initiales ont laissé place à un attachement renouvelé aux valeurs de la tolérance et du respect de l’autre.

Comparée à d’autres églises que je connais, l’église algérienne est petite, discrète, humble et accueillante, et elle entreprend une mission très particulière : accompagner les algériens dans leur vie quotidienne, à partir d’un profond respect pour leurs croyances religieuses, partager avec eux les joies et les peines, les aider le plus possible et témoigner de l’amour du Christ avec l’exemple.

La foi, la joie de vivre, la chaleur humaine, la sérénité et la générosité avec lesquelles mon épouse et moi avons été accueillis par les Petits Frères de Jésus, à l’Assekrem et Beni-Abbès, représentent, à mon sens, l’essence de l’église algérienne.

Propos recueillis par Marie-France Grangaud

28 Avr 2022 | A la une, Société

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Église Catholique d'Algérie