Est-ce que vous faites le Carême? « billet de l’évêque », Mgr John MacWilliam

«Est-ce que vous faites le Carême?»

«Est-ce que vous faites le carême?» C’est une question que nos amis ou nos voisins musulmans nous posent souvent au moment de leur mois sacré de Ramadan. Qu’est-ce qu’ils nous demandent précisément? C’est quoi pour eux le ‘carême’, et c’est quoi ‘faire le carême’?

Tout d’abord le Carême des chrétiens, catholiques ou autres, n’a pas beaucoup à voir avec le mois sacré de Ramadan des musulmans si ce n’est que les deux peuvent avoir un élément de jeûne et de renouvellement. Le Ramadan dure environ 29 jours, un mois lunaire et se situe autour de la première révélation du Coran à Mohammed. Notre Carême, quarante jours, comme le signifie son nom, est lié à des événements bibliques : les 40 ans du Peuple Choisi dans le désert en route vers la Terre Promise, les 40 jours et nuits de jeûne de Jésus au désert et les 40 jours entre Pâques et l’Ascension de la présence visible de Jésus ressuscité. Nous interprétons ce chiffre de ‘quarante’ comme «un certain temps», plutôt que littéralement 960 heures précises!

Comment répondre donc à la question:«Est-ce que vous faites le Ramadan comme nous?» Soyons honnêtes et ne faisons pas semblant. Pour faire le Ramadan, il faut d’abord être musulman, avec la foi musulmane et les pratiques religieuses des musulmans. Ce n’est pas simplement une question de sawm, le jeûne pendant les heures du soleil. L’Islam est beaucoup plus que cela. Rien ne nous empêche de ne pas manger ou de ne pas boire, etc, pendant ces heures-là, en solidarité avec nos amis. Certains d’entre nous aiment faire cela de temps en temps, mais sans être pleinement musulman, personne ne peut ‘faire le Ramadan’.

Revenons à a question originale «Est-ce que vous faites le carême?», cette fois dans le sens du Carême des chrétiens. C’est une question à se poser, chacun à lui-même et chaque communauté à elle-même, et pas seulement en réponse aux musulmans. C’est quoi, pour moi, le Carême et est-ce que je le fais?

Bien sûr, nous connaissons tous le Carême comme saison liturgique, le culte un peu plus sombre qu’en temps ordinaire, un peu violet, un peu moins chanté pour mieux laisser éclater la joie de l’Alléluia de la Résurrection à Pâques. Des Cendres du premier jour jusqu’à la Passion du Seigneur le dernier jour. Un temps riche de l’appel: «convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle!». Un temps pour marcher vers Jérusalem avec Jésus, pour porter sa croix et les nôtres. Pour laver les pieds des un des autres et humblement laisser les autres ‘laver nos pieds’. Le Carême doit être pour nous un temps de joie, de joie ‘réservée’, certes, autant que nos voisins célèbrent joyeusement leur propre mois sacré.

Et oui, notre Carême nous invite à jeûner. Il y a les journées de jeûne proposées par l’Eglise, et il y a les jeûnes, les privations et les pénitences que chacun peut choisir comme effort (jihad?) par amour de Dieu. Jésus nous demande de le faire discrètement (Mt 6.16-18). Tout en respectant ses limites d’âge et de santé, chacun de nous est libre de porter sa croix à sa manière; et si nous pouvons aussi le faire ensemble, en famille, en communauté, en paroisse, tant mieux. C’est l’Eglise qui prie dans un esprit d’unité, sans imposer de fardeaux. (Ac 15:28-29).

Mais au fond, ce temps sacré de Carême est un temps de conversion, de reconnaissance de nos fragilités et de notre besoin de recevoir la grâce du Saint Esprit pour dire intérieurement à Jésus: «Guéris-moi». Pour approfondir notre foi et notre amour de Dieu et de nos prochains.

Et finalement, à la suite, entre le samedi 4 avril 2021 et le mercredi 2 mars 2022, est-ce que nous continuerons à ‘faire le Carême’pendant l’année des autres saisons? Ce serait dommage de l’oublier entièrement, comme si cet esprit de renouvellement n’existait plus dans nos vies. Chaque jour de nos vies nous célébrons Jésus né, mort et ressuscité. Chaque jour nous marchons avec lui, saison après saison. Que notre Carême cette année soit riche et que notre joie dure une ‘certain temps’ prolongé.

Mgr John MacWilliam

Evêque de Laghouat-Ghardaïa

 

Église Catholique d'Algérie