Billet de l’Évêque « Dans la charité du Christ, donnez-vous la paix »

Nous vivons dans un monde de plus en plus interculturel, et en Algérie l’Eglise reflète davantage cette réalité. Avec une bonne cinquantaine de nationalités et bien plus que cela de ‘différentes cultures’ parmi les fidèles, ceux qui sont d’origine algérienne ne sont qu’une petite minorité. La question se pose parfois : comment adapter notre liturgie, cette liturgie de l’Eglise dont la langue et les rituels sont principalement en latin, à la culture locale comme nous invite à le faire, depuis soixante ans déjà, le Concile Vatican II. Cela peut se faire pour la majorité des chrétiens catholiques dans le monde qui vivent encore ‘chez eux’, mais en Algérie … ?

La langue ‘universelle’ de l’Eglise en Algérie, c’est encore le français. C’est la langue maternelle de quelques-uns, mais surtout la langue comprise par la grande majorité d’entre nous, même nos algériens. Très peu de catholiques dans le pays, souvent de passage seulement, comprennent suffisamment l’arabe ou l’amazigh. Donc, pour que notre prière publique et nos liturgies s’unissent, c’est la langue française qui s’impose. Voilà pour la langue.

Mais les gestes sont une autre affaire. Prenons l’exemple de la Signe de la Paix pendant l’Eucharistie. La Constitution sur la sainte liturgie, Sacramentum Concilium, nous donne l’orientation : une grande participation de toute l’assemblée (c’est-à-dire l’Église, où se trouve la présence du Christ) dans les rituels, prières, gestes, postures etc. (SC §30). On n’assiste plus uniquement pour ‘écouter la messe’, comme à l’époque, mais pour ‘participer et célébrer la messe’. Et cela se fait ensemble, pas un par un.

Cette constitution donne lieu à la Présentation générale du missel romain, où nous trouvons à l’article 82 : « Le rite de la paix Vient ensuite le rite de la paix : l’Église implore la paix et l´unité pour elle-même et toute la famille humaine, et les fidèles expriment leur communion dans l’Eglise ainsi que leur amour mutuel avant de communier au sacrement. », et ensuite : « En ce qui concerne le signe de la paix à transmettre, la façon de faire sera décidée … selon la mentalité et les us et coutumes de chaque peuple. Il convient cependant que chacun souhaite la paix de manière sobre et uniquement à ceux qui l’entourent ».

Voilà parfois la difficulté pour nous. Il y a ceux pour qui les ‘us et coutumes’ s’expriment en s’embrassant, hommes et femmes, tous. Il y en a d’autres pour lesquels il suffit de serrer la main. Et pour d’autres encore, cela doit se faire sans se toucher du tout. Dans notre contexte multiculturel, nous ne nous trouverons jamais unanimement à l’aise avec cette demande d’exprimer physiquement notre paix fraternelle envers nos frères et sœurs. Que faire ?

Nous nous situons au point parfait de l’expression de notre foi – le moment de recevoir le corps et le sang de notre Seigneur Jésus, Dieu. Ce n’est pas le moment de nous perturber par nos différences culturelles. C’est le moment de nous tourner, ensemble et personnellement, vers Dieu. Que chacun offre le geste qu’il trouve bon et qu’il reçoive le geste que trouve bon son voisin. En tout « amour mutuel ».

En rencontrant le jeune homme riche qui voulait tout faire pour le bien, pour Dieu, mais se trouvait confronté à un obstacle (ses biens, ses coutumes ?) (Mc 10,21), « Jésus posa son regard sur lui  …  et l’aima ».  Voilà, peut-être la solution. Tournons nos yeux vers notre voisin, regardons-le sincèrement, et aimons-le. Rien que cela est le geste le plus fort de notre ‘communion’, notre ‘être avec’ – avec le voisin et avec Jésus (SC§7). Et tout le reste, la main, le baiser, le clin d’œil, la tape sur le dos et parfois un simple mot, suivra dans le même esprit, par le même Esprit.

John MacWilliam Eveque de Laghouat-Ghardaia

20 Déc 2022 | A la une, Eglise d'Algérie

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